écologie, Choses politiques, Décroissance, Sermocination

Marchands de canon

Ce matin, je lis cet article paru dans le 24Heures sur le vandalisme dans les stations de ski. Pour les gens qui n’ont pas suivi l’affaire, je vous résume le truc : certaines stations de ski (Villars, les Diablerets, les Gets et la Clusaz) ont connu des épisodes de vandalisme, plus ou moins revendiqués par des activistes climatiques qui s’en sont pris aux canons à neige. L’opinion publique dit Ouh là là c’est pas bien, c’est des dommages à la propriété, nous on veut juste skier alors retournez à votre quinoa espèces d’extrémistes. L’anonyme se défend en expliquant que l’industrie touristique a transformé la montagne, que tout le monde cherche à faire du fric avec ça et qu’il faut a) accepter qu’il n’y ait plus de neige et b) refuser le système thermo-industriel.

J’ai beaucoup de sympathie pour le journaliste Erwan Le Bec, qui fait un super-boulot de couverture des actualités du Nord vaudois. J’ai encore en mémoire une question très directe à l’encontre de Jean-Daniel Carrard qui venait de se faire tèj du premier tour des élections, c’était émouvant et en même temps courageux. Mais ce souvenir n’a rien à voir avec le sujet, comme la plupart des questions posées dans l’interview.

Plutôt que de montrer les failles de l’entretien – qui reste quand même très inspirant –, je procède à un hold-up. Je reprends donc mot pour mot les questions du journaliste, et j’y réponds tout seul. Comme ça quand j’aurai pété les plombs en dynamitant l’arrache-mitaines des Rasses, j’aurai déjà ma ligne argumentative.

Pourquoi vous en prendre aux canons à neige?
Parce que c’est un symbole. Alors qu’on nous demande – à juste titre – des économies d’énergie, on veut rallonger la durée de vie d’un hiver qui n’en est plus un, plutôt que d’accepter qu’on pourrait ranger les lattes et faire de la rando tranquillou ou des jeux de société au chalet.

Avec du sabotage et de l’écologie radicale?
Je vous vois venir : vous agitez le mot « radical » comme un épouvantail, mais faire de l’écologie radicale, c’est aller à la racine des choses, au coeur du problème. Le sabotage est effectivement une infraction, et je regrette d’avoir estimé que c’était le dernier recours. Enfreindre la loi pour thématiser le débat, c’est toujours une pesée d’intérêt. Si j’étais Bill Gates, j’achèterais des pages de pub dans les journaux avec des argumentaires tirés des bouquins de Timothée Parrique.

Admettez que ce n’est pas bon pour l’image de l’écologie… Il n’y avait pas d’autre méthode que de saboter du matériel?
Faisons l’inventaire des moyens que j’ai à disposition pour faire de l’activisme écologique… et leur efficacité : 1) Je peux faire confiance à la politique en place… qui ne prend pas la mesure de l’urgence, avec l’échec de la loi sur le CO2 et l’UDC qui fait aboutir un référendum autour de l’initiative pour les glaciers. 2) Je peux lancer mon propre parti et mes initatives… avec un Conseil d’Etat qui invalide l’initiative d’AG!SSONS ou des années de procédure pour aboutir souvent à un demi-échec. 3) Je peux tenter de convaincre les gens avec des arguments rationnels… quand la tâche est titanesque face aux lobbys de la communication et un système sous hypnose. 4) Et enfin, je peux attirer l’attention sur les contradictions du système avec des actions ciblées et symboliques… donc oui, au bout du compte, l’action directe peut se défendre. Il y a diversité des moyens pour convergence des luttes : en matière d’écologie, il faut essayer à peu près tout (parce que le camp adverse, lui, n’hésite pas à faire complètement n’importe quoi).

Ces canons permettent à l’économie régionale de prolonger un peu la saison. N’est-ce pas une logique assez circulaire et locale?
Partez-vous du principe que tout ce qui est circulaire et local est bon à sauver ? Je veux dénoncer la contradiction d’une saison de ski qu’on veut maintenir sous perfusion dans un contexte de manque de neige; ça ne remet pas en cause l’idée d’une économie circulaire et locale. Il faut distinguer les buts des moyens.

Alors qu’on trouve enfin des canons à neige plus écolos…
Je peux vous opposer l’effet rebond : les canons vont devenir plus efficients, donc on va en mettre davantage; donc la consommation absolue n’aura pas diminué. Mais de toute façon, le coeur du problème, c’est de se demander si l’activité est utile, bonne, morale : si vous diminuez une activité néfaste de 50%, c’est toujours 50% de gaspillage de trop.

Mais les canons ne représentent même pas 14% de la consommation de certaines stations…
Ouais mais alors bon, c’est quand même vachement plus compliqué de saboter une dameuse. Et puis le sabotage, c’est toujours symbolique; il faut bien commencer par quelque chose, sinon tout le monde aura toujours une excuse. Poutine : Mais enfin, il y a plein d’autres guerres dans le monde ! Je ne représente que 14% des conflits mondiaux !

Est-ce pour dire aux gens qu’ils polluent alors qu’ils descendent une piste?
Technique de l’homme de paille : vous voulez insinuer un message dans ma bouche pour mieux le démonter. Si je voulais vraiment m’adresser aux skieurs, ce serait quelque chose comme « Par votre abonnement, vous financez une activité qui gaspille une énergie précieuse. Le ski de randonnée c’est super aussi. Et tâchez de venir en train, bande de fripons canaillous. »

Vous n’avez jamais fait de ski?
Et ta soeur ?

On s’éloigne des canons à neige, là…
C’est vous qui posez des questions qui tendent vers une attaque personnelle. Le fait que je fasse du ski ou pas ne remet pas du tout en cause le fait que je puisse critiquer cette activité. Le fait que j’évolue dans un système capitaliste ne m’enlève pas le droit de critiquer ce même système.

Attendez. Le ski a aussi son volet populaire. Des abonnements à bas prix, des écoles d’ici et d’ailleurs…
C’est la même question que précédemment, sur l’économie « circulaire et locale » : ce n’est pas parce qu’une activité a des bienfaits collatéraux qu’elle est défendable moralement ou économiquement.

Et la classe de neige de banlieue qu’on vient de croiser?
C’est encore la même question : vous ne pouvez pas extraire un bienfait pour dédouaner le côté néfaste d’une activité. Si la classe de banlieue partait en voyage d’études au Mexique, ça ne rendrait pas l’avion moins polluant. En 2023, on pourrait s’attendre à ce que les buts économiques soient renégociés.

Dites ça à des petites stations familiales, portées par des villages entiers en basse altitude. Les Paccots, Sainte-Croix…
Là encore : si l’activité est néfaste sur le long terme, pourquoi s’acharner ? C’est bien le mal du XXIe siècle que ne pas se poser la question des buts. On se pose la question des moyens, des ressources, des possibilités d’économie mais jamais des buts. Quel est le but de skier ? Se divertir et faire du sport. À quoi bon chercher à le faire alors qu’il n’y a pas de neige ? Le capitalisme a ce côté pernicieux de nous faire croire que tout est toujours possible, à condition que ce soit rentable économiquement. Mais la tache aveugle du système, c’est qu’il ne prend pas en compte le très long terme. Ici, le très long terme c’est qu’il n’y aura de moins en moins de neige et de moins en moins d’énergie disponible.
Le capitalisme ne comprend pas à leur juste valeur les intérêts de nos enfants et petits-enfants : il ne sait pas calculer le prix futur de l’énergie, ou le coût futur de la biodiversité. Le capitalisme est myope, et si je dois continuer à saboter des canons à neige pour faire tomber les écailles de nos yeux, je le ferai.

Je vends des canons 
Des courts et des longs 
Des grands et des petits 
J’en ai à tous les prix 
Y a toujours amateur pour ces délicats instruments 
Je suis marchand d’canons venez me voir pour vos enfants 
Canons à vendre ! 

Le Petit Commerce, Boris Vian

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Rob Hopkins, conférence du 6 septembre 2022

Ce billet a été rédigé en direct de la conférence et publié juste après. Du coup il y a un côté brut de décoffrage assumé. C’est l’énergie de la spontanéité, il y a des bavures et des ratures, on voit un peu les fils qui dépassent – comme dans une bonne impro.

Bonsoir les gens,

Ça fait un moment que mon blog prend la poussière et que la Terre prend feu. Un peu comme tout le monde, je suis emprunté. Le COVID a cassé les reins des militants climatiques, coupé les ailes des colibris, empêtré les justiciables dans des chaînes de procès sans fin. Je causais avec Julia Steinberger l’autre jour qui me disait Tu sais, c’est pas plus mal, les gens en ont profité pour relire leur Gramsci. On a pris conscience que le système judiciaire a réagi avec répression, et du coup chacune ré-évalue l’utilité de s’enchaîner à une route. Elle me dit plus loin qu’elle rêve de s’investir pour Renovate_Switzerland, alors que je lui confie mes idées de polluer le Forum des 100 ans au purin d’orties (écolo, discret dans une bouteille de thé vert et puant à souhait).

20h11 : Ça commence. La présentatrice (YverdonEnTransition) nous propose une vision d’avenir, parce que ces temps-ci on a bien besoin de fermer les yeux et d’imaginer autre chose. Ce sera le thème de la soirée, c’est ce que Rob Hopkins prône dans son super bouquin “Et si…” : la force de l’imaginaire, la puissance de notre pulsion d’amélioration. 

J’ai entendu parler Rob Hopkins pour la première fois (en 2010 ?)  via cette vidéo TED, un plaidoyer pour un monde sans pétrole, un peu en même temps que je découvrais Jean-Marc Jancovici (vulgariser pour mieux comprendre) et Georgescu-Roegen (décroître parce que c’est physiquement indispensable). J’avais été fasciné par son humour et sa liberté de dépasser les limites du capitalisme, que ce soit en déconstruisant un litre de pétrole ou en émettant un billet de 21 livres (la monnaie locale de Totnes). 

20h19 : Carmen Tanner fait un discours d’accueil plein d’humour (et d’autodérision) : c’est un peu grâce à la commune d’Yverdon-les-Bains si on est là ce soir, une bourse pour les initiatives de transition et l’accueil de Beyoncé Hopkins, star du soir.

20h23 : Présentation de Réseau Transition et d’une équipe qui fait super-plaisir : Noémie Cheval et Martin Gunn, qui nous chargent d’énergie et mettent en valeur des initiatives qui fleurissent. Yep, on n’a pas peur des métaphores sur la nature et des poignées de main express avec les voisins-voisines de conférences. On va embarquer pour un voyage dans la transition, on se charge de bonnes énergies, prêts à polliniser nos rêves d’un monde meilleur. 

[Avec cet article, je compense un peu mon bilan bullshit : ce matin, j’animais le Forum de l’Economie Vaudoise, le grand raout des boomers PLR de l’entrepreunariat romand, où on se glorifiait “d’upgrader l’humain” en remplaçant les caissières par des robots de supermarchés. J’ai dû avaler des couleuvres ce matin. Ce soir, je peux poétiser les colibris.]

20h32 : Dje ne parleuh pas très bien leuh français. C’est parti, Sir Hopkins est sur scène, accompagné par son traducteur (drôle et complice, il ajoute une fabuleuse fraîcheur dans cette Marive étouffante). On commence avec un jeu de créativité : à combien d’usages pourrait-on destiner ma chaussure ? Mise en commun après coup, ça nous remplit d’ondes positives et ça allume notre imagination. C’est un peu mon boulot, ça, l’imagination, donc ça me parle beaucoup.

20h42 : On continue avec les mauvaises nouvelles : l’été caniculaire et le traitement du dérèglement climatique par les médias. Des images de plages, d’eau rafraîchissante, une espèce de déni de réalité journalistique confondant.
Puis un graphique des trajectoires de décroissance (d’émissions, ha ha ha) pour illustrer le chemin à suivre : réduire les émissions et l’extractivisme. Et Hopkins nous le dit : nous avons besoin d’imagination et d’art pour nous projeter dans un futur souhaitable. C’est cela dont nous parlerons pendant l’heure qui suit.

Any useful statement about the future should at first seem ridiculous.” Jim Dator

Ce qui manque, c’est d’oser être ridicule, de sortir du cadre capitaliste* et de rêver un monde meilleur et fait de solutions. (*c’est moi qui souligne – et qui rajoute)

Deuxième exercice : on se projette en 2030 (c’est bientôt – et heureusement – un lieu commun des conférences écolos : savoir se projeter dans un avenir souhaitable – un peu comme si les techniques de visualisation créative que vous trouvez dans les bouquins de développement personnel et que les leaders productivistes utilisent quotidiennement étaient appliquées à déconstruire ce monde de fou. Retourner les armes du capitalisme, ça me plaît). Et on partage en plénum : des jardins sur les parkings, des sources d’histoire, des fontaines de larmes, des nuages, des chants et des rires. Des bonnes vibrations (again) même si un petit groupe confie que on a fait un voyage un peu sombre dans le futur, navré de partager cette vision avec vous. 

Hopkins parle de “déclin de l’imagination” : nous vivons dans un paradigme enchaînés à l’idée de fatalité, au pire moment de l’Histoire. Nous avons besoin d’espace pour l’imagination. De recréer des espaces de parole pour rêver et imaginer ensemble. 

L’espace, c’est d’ailleurs le premier élément des quatre pétales de la “rosace de l’imagination” : l’anecdote de Edward Makuka Nkoloso et du programme spatial zambien : leurs spationautes n’ont pas décroché la lune, mais ils ont ouvert la porte à la possibilité.

Ensuite, les lieux : voir les possibilités d’un autre point de vue, comme ce blocage XR sur un pont de Londres, où une forêt éphémère avait été recréée. Ma femme était sur ce pont deux semaines, elle est très impliquée dans XR, elle a déjà été arrêté sept fois – elle est beaucoup plus courageuse que moi. Raconter des histoires sur des nouveaux lieux, réhabiliter des bâtiments tombés en désuétude (le traducteur en rajoute sur Marseille, c’est hilarant), comme ce MacDo transformé en centre de distribution de repas gratuits dans les quartiers nord. Ou ce restaurant qui cuisine avec des fours solaires, ou cet espace urbain réaffecté en jardin. Du fuel pour des initiatives. C’est 21h22, je suis plein d’énergie.

Troisième élément de la rosace de l’imagination : les pratiques. Un atelier d’art-thérapie qui reconstruit l’hippocampe, Sun Ra (un jazzman qui prétendait être un ange venu de Saturne), des “utopies du quotidien”. I’ve been to the future. We won. 

La crise de l’énergie en Angleterre : entre autres problèmes, c’est la merde avec l’énergie au Royaume-Uni. Quelques initiatives qui font plaisir : plutôt que d’attendre que la Banque de Londre fasse tourner la planche à billets, le quartier de Hoe Street imprime sa propre monnaie locale pour financer sa centrale électrique communautaire. Quelques villes plus loin, on fait des ateliers où en plus d’imaginer le futur, on le construit en carton, comme pour rendre encore plus concrètes nos visions éphèmères : “il faut que l’avenir pénètre en vous bien avant qu’il ne se produise.”

Dernier élément de la rosace de l’imagination : les pactes. Le Bureau Civique de l’imagination de Bologne finance des “idées” de citoyens. Liège a lancé une Ceinture alimentaire : des petites initiatives de marchés communs. Il est important de nourrir nos visions avec des réalisations concrètes, aussi petites soient-elles. Nos enfants doivent se rendre compte que ces révolutions sont de l’ordre du banal. Et de citer Neil Armstrong sur la Lune, à peine six ans après la promesse de JFK, mais surtout… plus de quelques siècles après que l’humain avait rêvé cette prouesse. 

Nous avons besoin d’une vision, et nous avons besoin d’y croire tellement fort que ce ne soit même plus une prouesse. 

Applaudissements, et puis du temps pour les questions : comment est-ce qu’on passe à une échelle différente ? Là, Hopkins élargit le débat : les initiatives locales ne seront pas suffisantes, mais c’est un début. Il faut faire plier les grandes entreprises, et ce sera le cas quand elles n’auront plus d’autres solutions que suivre les masses déjà en mouvement.

La question des comités qui se tuent à la charge : comment éviter le phénomènes de “c’est toujours les mêmes qui s’impliquent” et comment transitionner vers du militantisme salarié. De la transparence, encore de la transparence. Si les membres voient comment les jobs sont créés, tout se passe mieux. Décidément, Hopkins file la métaphore de oculaire jusqu’au bout. 

Un visionnaire qui nous en met plein les yeux.

Plus d’infos sur Rob Hopkins : 

Le podcast From What If To What Next

robhopkins.net

transitionnetwork.org

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Le goût des proportions

Cher Raphaël Mahaim, j’ai lu avec attention votre proposition relayée par le 24H et le Courrier de promouvoir 4 journées sans e-mail par an. J’ai énormément de respect pour vous et votre travail, notamment au cours des actions en justice pour les grévistes du climat, mais là, je pense que vous vous épuisez pour pas grand-chose.

4 jours par an, c’est 2% de 210 jours ouvrables. L’administration cantonale compte 39’000 employés. Par rapport à la population active du Canton de Vaud, c’est moins de 10%. Comme le dit 24H, on n’est pas sûr que ces « journées sans e-mail » fassent autre chose que déplacer le problème sur la journée suivante. Autrement dit, vous espérez viser 2% de l’activité de 10% de la population active sans réelle garantie d’efficacité.

L’article du 24H (ou votre communiqué de presse, peut-être), cite cet article de CarbonLiteracy, dont les données d’empreinte carbones « e-mail » sont tirées d’un bouquin de 2010 de Mike Berners-Lee (mis à jour en 2020) qui admet avoir fait des « maths de cuisine » dans cet article de la BBC. Autre problème : c’est l’auteurice de CarbonLiteracy qui a extrapolé (de sa propre utilisation) le chiffre de 1,5kg de CO2 par jour. Un bouquin de 2010 truffé d’estimations, relayé par une auteurice qui prend sa propre expérience pour déterminer un chiffre « scientifique », est-ce que c’est valable pour élaborer une politique, monsieur Mahaim ?

Je sais que je devrais éviter de mettre des bâtons dans le roues (de cycliste) d’amis écologistes, et la convergence des luttes, et la diversité des stratégies et tout et tout; mais là, sérieusement je pense que vous faites fausse route. Si l’objectif est de diminuer l’empreinte numérique dans l’administration, je vous propose les mesures suivantes :

  • Éduquer les employé·e·s du canton à ne pas « répondre à tous » quand c’est évitable
  • Apprendre au personnel à compresser des images ou pièces jointes
  • Se désabonner des newsletter internes et externes non pertinentes
  • Décourager le partage des vidéos en HD à l’interne

Mais vous pourriez même aller plus loin. J’ai vu que vous étiez fan de statistiques. Si la mesure est de réfléchir à l’impact écologique du numérique, peut-être qu’un autre chiffre vous intéressera :

Chaque minute sur PornHub, il y a 80’000 nouvelles visites (pour un équivalent de 12’550Go de données).

Autrement dit, chaque minute, il y a l’équivalent de 167 millions de mails qui circulent entre des serveurs pour que les gens se paluchent le bobichon (calculé sur une taille moyenne de mail de 75Kb) (mais c’est pas la taille qui compte). Ça veut dire qu’à la fin de la journée (bon, il faudrait environ 30 heures par jour, mais change pas de main on y est presque), on arriverait à… 300 milliards de mails, soit le chiffre de mails quotidiens planétaires. Donc si je résume,

Chaque jour, le trafic de donnée sur Pornhub équivaut au trafic de données des mails échangés sur terre.

Comme le dit mon pote Clément Montfort de la chaîne Next, peut-être qu’une véritable économie, ça serait de demander la limitation de la qualité vidéo pour le porno. Après tout, en 4K ou en 360p, une bite reste une bite.

Voilà un modèle de lettre. Bonne soirée.

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Yverdon-les-Bains 2040, extrait n°58

… avec le projet « memento mori » : on a envoyé à toute la population une affiche quadrillée en format mondial. Les hommes recevaient une affiche avec 83 sections de 365 cases, et les femmes avec quelques sections de plus. Chaque case représente une journée à vivre, et à la fin de l’affiche, vous êtes sensés – statistiquement – mourir.

Quelle était l’idée ?

L’idée, c’est de rappeler aux gens qu’ils vont mourir. Dans la société moderne après les années 1980, tous les messages de la société évacuent la notion de mort : la publicité vous fait croire que vous êtes invincible, les assurances vous protègent contre tous les risques et le transhumanisme du début des années 2000 continue sur cette lancée : vous pouvez vous faire cryogéniser, on remplacera vos organes par des prothèses numériques, etc. La notion de mort devient taboue. La pandémie a encore accentué ce mouvement, avec des cérémonie funéraires complètement occultées. On ne voyait plus la mort dans la société.

En quoi est-ce que c’était lié à l’écologie ?

C’est bien simple : la mort, c’est l’expression la plus simple de la nature. Dans un m2 de forêt, à chaque seconde il y a des millions de morts et des millions de renaissances, entre les bactéries qui digèrent, les pousses qui surgissent et les microbes qui s’entre-dévorent. C’est un cycle, il faut bien que tout meure pour que tout renaisse à nouveau. Or, tout ce qui est technologiquement humain – la mémoire, le langage, les robots – cherche à dépasser les notions d’oublis et de mort. Et l’homme du XXe siècle (et du début du suivant) se croit immortel. Bien sûr, il sait qu’il doit mourir, mais il ne le sent pas. Et cela contamine complètement son rapport aux limites : si vous vous croyez immortel, vous ne pensez pas à percevoir les limites de votre milieu, vous croyez qu’il est immortel aussi. Et donc, les problèmes écologiques deviennent secondaires.

Quel était le message de « memento mori » ?

Avec l’affiche, les gens recevaient un mode d’emploi pour la remplir qui disait : chaque jour, vous cocherez la case correspondante à la journée écoulée. Vous verrez ainsi que vous vous rapprochez inéluctablement du coin de la feuille. Un jour, vous n’aurez plus de cases à cocher.

Mais c’est hyper-déprimant, non ?

Ce qui est hyper-déprimant, comme vous dites, c’est d’avoir évacué cette réalité. Ce qui est horrible, c’est se bercer d’illusion, c’est fuir cette réalité. Vous allez mourir. À partir de là, tout l’intérêt vient de se dire comment vous allez occuper les cases qui vous restent à cocher : est-ce que vous préférez faire une orgie de Netflix ou cultiver un jardin ? Est-ce que vous préférez vous enivrer devant un match de football, ou oeuvrer pour de meilleures conditions d’existence pour vos enfants (qui ont aussi reçu leur affiche…). Pour la plupart des gens, ça a été un électrochoc sur le sens de leur vie et leurs priorités sur le long terme.

Le long terme ?

C’était l’aspect central du programme. Trois mois après les premières affiches, on envoyait la même affiche avec une projection graphique de la température terrestre. Basée sur les chiffres du GIEC, les gens pouvaient comprendre les implications des différents scénarios de réaction au réchauffement climatique : A– business as usual, B– développement durable, C– sobriété librement souhaitée. Sans surprise, c’était le scénario C qui faisait apparaître les meilleures perspectives.

D’où vous est venu l’idée de ce projet ?

En 2020, pendant la pandémie, les librairies ont connu une augmentation des ventes et ont publié leurs statistiques. Grosse surprise : le lectorat se tournait de plus en plus vers la philosophie. Et d’un autre côté, on voyait que toutes les options de l’écologie politique étaient bloquées : les industries accusaient les consommateurs d’engendrer une demande pour des biens énergivores, les consommateurs demandaient un cadre légal et politique; quant aux politiques, ils étaient très mal pris, entre incapacité à appréhender la complexité du problème du réchauffement climatique et les difficultés à hiérarchiser les solutions à entreprendre.
Nous, on est parti d’une idée utopiste mais très simple : changer le coeur des gens. Si on arrive à raconter des histoires convaincantes sur le fait que « moins », c’est « mieux », alors le cercle vicieux de l’hyper-consommation va s’inverser. Pour nous, chaque renoncement devenait une occasion de faire la fête !

« Yverdon-les-Bains 2040 – Comment une ville a lancé la transition post-capitaliste »

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Paul Bullshit, président de Nestlé

Ce matin dans le 24Heures, le président du conseil d’administration de Nesté (Paul Bulcke, appelons-le Popol) s’exprimait contre l’initiative pour des multinationales responsables. Au printemps dernier, j’étais au Forum des 100, je me trouvais par hasard sur le siège derrière lui. Depuis que j’ai lu les bêtises qu’il déblatère dans le journal, je sais que je mourrai avec un regret : celui de ne pas lui avoir copieusement entarté sa face avec de la double-crème de Gruyères en criant Justiiiiice !

Voici ses 4 contre-vérités et 5 erreurs d’argumentation; accrochez-vous, ça ressemble à un MasterClass de sophismes. En voiture Simone, en route Popol.

Contre-vérité n° 1
« L’initiative veut rendre les entreprises responsables au-delà de leurs activités. C’est incompréhensible. Nous serions responsables des actes de tous ceux qui sont liés de près ou de loin à Nestlé. « 
C’est entièrement faux. Le texte de l’initiative est très précis à ce sujet (art. 2, alinéa b et c) en précisant que la responsabilité ne s’étend que sur les entreprises contrôlées par la multinationale. Dans le fascicule de vote, il y a un très zouli graphique qui résume tout ça. Même ma fille de 14 mois a tout compris, Popol :

Paralogisme n°1l’argument de la pente glissante
En expliquant que « [Nestlé serait] responsables des actes de tous ceux qui sont liés de près ou de loin à Nestlé.« , Popol invoque un argument de la pente glissante (restez concentrés, ça n’est pas le dernier). C’est l’argument de l’appel à la peur, de l’hyperbole, des paranoïaques, des prophètes de mauvaise augure, des corbeaux de mauvaise foi, des psychopathes de la terreur, des hérauts de l’économie immorale. Pas bien. Lorsqu’on s’exprime sur un texte de loi, on n’est pas en train d’ouvrir une brèche pour en glisser une autre.

Contre-vérité n°2
« Avec l’initiative, pour chaque plainte, l’entreprise devra prouver son innocence. C’est ce que l’on appelle le renversement du fardeau de la preuve. »
Non, Popol : quand on doit prouver son innocence face à une plainte, ça s’appelle la justice. L’idée de « renversement du fardeau de la preuve » serait d’intenter un procès à la multinationale sans aucun fondement. Si je dis « J’attaque Glencore, ils abritent un réseau de reptiliens pédophiles qui fomentent un putsch avec la 5G; prouvez-moi le contraire, » là je suis en train de renverser le fardeau de la preuve. Mais si j’attaque Glencore en présentant le rapport d’une ONG indépendante qui montre qu’ils polluent une rivière au Tchad, je réclame justice.

Paralogisme n°2l’argument de la pente glissante aggravé
« Aujourd’hui, nous travaillons directement avec 150’000 fournisseurs et plus de 500’000 agriculteurs, et indirectement avec des millions de personnes. Chacune de ces relations est une source possible de plainte pénale.« 
Mon cher Popol, si tu as des doutes sur tes 150’000 fournisseurs, tu as du souci à te faire… Il est aberrant de présenter TOUS les fournisseurs comme des sources potentielles de plaintes. C’est comme si Manor remettait en cause sa politique de « satisfait ou remboursé » sous prétexte que TOUS ses clients allaient probablement lui chercher des noises avec un grille-pain défectueux.
« Cela va créer une grande instabilité et de l’insécurité.« 
La plupart des pentes glissantes sont des appels à la peur destinés à effrayer nos cerveaux reptiliens. Là, en l’occurence, l’insécurité pourrait être surtout dirigée sur Popol et ses petites affaires.
« La présomption d’innocence sera anéantie. » 
En fait, je pense que Popol avait un agenda caché avant cet interview : donner le maximum d’exemple d’arguments de la pente glissante. Ici, il est doublé d’une hyperbole et d’une généralisation abusive (ce n’est pas parce que le droit des entreprises est attaqué que la présomption d’innocence est supprimée).

Paralogisme n°3L’homme de paille
« Le pire, c’est que cela va conditionner au fil du temps nos engagements dans certains pays ou avec des agriculteurs. C’est en cela que l’initiative est contre-productive. L’initiative aide peut-être notre bonne conscience, mais elle ne va pas aider les agriculteurs au Nicaragua ou au Zimbabwe.« 
Popol invoque le sentiment de la « bonne conscience » qui motiverait les initiants. Appeler à la responsabilité des entreprises, ça n’est pas juste appeler à la « bonne conscience ». C’est appeler à des actes forts et des mesures concrètes pour créer un monde plus juste. Ça dépasse largement la bien-pensance matinale d’un bobo qui tartine de la pâte Nesquik.
Ce qui est pervers dans cet exemple, c’est que Popol invoque en même temps la « mauvaise conscience » qu’on éprouverait à abandonner les paysans du Nicaragua ou du Zimbabwe (qui se débrouilleront très bien sans Nestlé, merci). Peut-être que la lecture de FactFulness ou d’Utopies Réalistes pourrait changer ta vision du monde, Popol.

Paralogisme n°4L’appel à la pitié
« Je vais vous donner l’exemple du Venezuela. Nestlé y a toujours cinq usines en activité, malgré la situation actuelle. Il faut le faire ! Nous employons 2500 personnes et des milliers d’agriculteurs. Nous sommes là depuis des années. C’est un engagement que nous avons avec nos employés, qui ont confiance dans cette entreprise. Mais avec cette initiative, la question se posera: peut-on encore rester dans un pays comme le Venezuela? Ce n’est pas une menace, c’est la réalité.« 
Popol présente Nestlé comme une entreprise « engagée » dans un lien de « confiance » avec ses employés. Bouhouhou si Nestlé part, ces 2500 employés vont se retrouver sans travail. Aïe aïe aïe, c’est vraiment trop important de conserver un système irresponsable pour sauver tous ces emplois ! À l’aide, Nestlé ! Versez des larmes et des dividendes !
Et Popol poursuit avec des exemples sur les « valeurs » de Nestlé :
« Là où nous sommes, même si la situation est risquée et instable, nous avons nos principes, nos valeurs. Mais le monde n’est pas noir ou blanc. Je vais donner un bon exemple: le travail des enfants. C’est terrible et très sensible. 80’000 enfants vivent dans les plantations de cacao d’Afrique de l’Ouest. Nous y sommes très attentifs. Il y a huit ans, nous avons identifié 18’000 enfants qui sont exposés à des travaux dangereux ou lourds. Avec les autorités et les ONG locales, nous avons pu scolariser 10’000 d’entre eux. Cela veut dire qu’il y en a encore 8000 exposés. »
Wait… What ? En 8 ans, vous n’avez pas pu régler ce problème ? En HUIT ans ? Vous voulez parler de… 2012 ? L’année des JO de Londres et de Gangnam Style ? J’ai de la peine à croire que vous y soyez « très attentifs » à ce problème « terrible et très sensible« . Une multinationale qui a fait progresser son bénéfice net de 40% en 2018 m’arrache difficilement des larmes (ou alors il faut que Popol se déguise en petit chaton lépreux avec une angine).

Paralogisme n°5l’analogie douteuse
Tout au long de ses réponses, Popol Bullshit répartit quelques observations sur le monde qui prétendent démontrer que cette initiative serait trop compliquée à appliquer :
« Le monde n’est pas noir ou blanc. »
« Nestlé est pour les droits humains et l’environnement. »
« Le monde est complexe. »
« Il y a beaucoup de malentendus. »
On est dans la phrase vague, l’approximation, l’ambiguïté : Popol, tu cherches à nous enfumer dans un brouillard rhétorique; tu tentes d’inventer une règle du jeu suffisamment floue pour expliquer que la future loi sera trop difficile à appliquer. C’est paternaliste et pathétique, à la mesure du gloubi-boulga que tu nous a déjà servi il y a une année.

Contre-vérité n° 3
L’Union européenne va sans doute adopter de nouvelles directives très similaires au but de l’initiative. À quoi bon s’opposer au projet suisse?
« Je dirais que l’Union européenne va plutôt dans le sens du contre-projet à l’initiative. La France a eu cette volonté d’aller plus loin. Mais elle est revenue en arrière voyant que c’était contre-productif.
« 
C’est faux. La loi relative au devoir de vigilance sur les sociétés-mères a été adoptée en 2017 en France et a permis d’incriminer le groupe Total pour son absence d’engagements en faveur de la réduction d’émission de gaz à effet de serre. Cette loi est toujours en vigueur et un rapport de février 2020 à montré des progrès dans ce sens, et des propositions pour renforcer le respect de la loi. D’autre part, certains pays européens ont d’autres dispositions qui vont dans ce sens.

Contre-vérité n° 4
En parlant de transparence, à quelle hauteur Nestlé finance la campagne, si c’est le cas?
« L’investissement de Nestlé, c’est mon temps consacré à expliquer notre position. Nestlé ne finance pas la campagne. Nous sommes membres de quelques organisations qui participent à la campagne, mais ce sont des organisations que nous finançons chaque année.« 
a) Popol, tu ne réponds pas à la question.
b) Nestlé fait partie d’Economie Suisse, qui s’engage contre la loi.
c) Quand Amnesty engage 400’000.- dans le camp d’en face, on peut se douter que Nestlé engage quelques billes dans la campagne.
d) Dans tous les cas, c’est pas du tout transparent, Popol.

BIG FINISH – la mauvaise foi dans toute sa splendeur
La dernière question de l’interview est un festival : « Comment expliquez-vous l’image désastreuse des multinationales dans l’opinion publique?« 
« Ce qui est grand, omniprésent et fort n’est pas trop aimé par définition. » (nouvel appel à la pitié, généralisation et homme de paille)
« Au bout d’un moment, l’opinion publique est conditionnée par tout ce qu’elle entend et lit. » (généralisation, contre-appel au peuple) Comme par exemple avec les affiches de Furrer & Hugi et les publicités Nespresso. C’est l’arroseur arrosé mon petit Popol.
« Lorsque nous annonçons de bonnes nouvelles, cela ne fait pas les gros titres. Par exemple, nous avons annoncé, en pleine crise du Covid, notre intention d’investir 160 millions dans l’usine Nespresso de Romont pour une extension qui va créer 350 emplois. Tout ça dans un contexte extrêmement difficile et avec peu d’écho dans les médias! » (appel à la pitié, appel à une cause) Popol, tu liras avec application les articles sur le bilan écologique calamiteux des capsules Nespresso ou le peu de transparence dont fait preuve la multinationale sur ce sujet.

BONUS : ma proposition !
Au vu de tous ces paralogismes et contre-vérités, j’accuse Paul Bulcke d’être incompétent. Je me porte candidat à sa succession à la tête du groupe Nestlé, avec un programme en 5 points :

  • Démantèlement des filiales étrangères
  • Soutien aux mesures de réempaysannement des terres
  • Nationalisation de la maison-mère
  • Mutualisation des bénéfices
  • Chocolat gratuit pendant une semaine

Je suis à dispo du conseil d’administration. Call me, any time, Popol.


EDIT : Je m’avais gouré. Sur l’excellente remarque de Maxime Laurent, j’ai remplacé les occurrences de « syllogismes » par le terme « paralogisme« , surtout pour faire de la pub à Normand Baillargeon et son excellent Petit cours d’autodéfense intellectuelle.

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Naïveté stratosphérique

On ne présente plus Bertrand Piccard : grand aérostier pour montres de luxe, orateur à 30’000 francs la conférence, chantre de la « croissance qualitative », explorateur, psychiatre, analyste-comptable, taxidermiste, joueur de pipeau… Il était invité hier soir dans l’émission Antivirus. Je terminais mon dessert en attendant le TJ, et tout à coup je m’étrangle :

« Le monde est capable de s’arrêter net […] C’est un moment isolé, pris dans le temps où on s’arrête pendant un moment, mais si on s’arrête trop longtemps, c’est des souffrances, c’est des gens au chômage, c’est des entreprises qui font faillite, c’est la preuve que la décroissance fait souffrir énormément de gens. »

Bingo ! Vous voilà tombé dans le même piège que Frédéric Mamaïs il y a deux semaines. Vous venez de gagner un article sur mon blog : à mieux y regarder, tout l’entretien planait dans des stratosphères de candeur et de malhonnêteté intellectuelle.

Nouveau monde, vieux arguments

Le journaliste (Alexis Favre, navigant entre politiquement correct et provocation insipide) présente son invité comme un « Explorateur-psychiatre ». Il commence avec des questions sur la gestion de la crise au niveau individuel et collectif. C’est d’abord la casquette de psychiatre que Piccard enfile (en même temps que quelques perles) :

« Quand on entre dans une crise, la première réaction qu’on a, c’est d’essayer de revenir à un stade antérieur. […] Accepter la crise, c’est une aventure. [Mais là,] ce qu’on voit, c’est qu’on essaie de refuser l’aventure. On essaie de remettre en place le système de consommation et de gaspillage. »

Ça part plutôt bien. Il y a même une référence involontaire au Voyage du Héros de Joseph Campbell : au début de l’histoire, le héros transite toujours par une phase de refus de la quête, du refus de l’aventure. Je m’attends donc à quelques envolées dramaturgiques, une musique de science-fiction, une apparition de Star Trek, d’autant que Piccard est prompt à la voltige :

« Ce qu’on devrait faire au contraire, c’est construire un monde nouveau, un monde différent. […] Un monde basé sur les énergies renouvelables, sur l’efficience énergétique, sur les technologies propres, sur le recyclage des déchets, sur le respect de la nature. »

Bam. Crash. Zut. Au moment où je pensais que l’explorateur allait ouvrir la voie d’un nouveau monde, le voilà qui s’écrase sur les écueils du développement durable. À cette altitude, il me faudrait un article de la taille d’un boeing pour étayer convenablement chaque argument, mais je la fais courte :

a) La transition vers des énergies renouvelables (à consommation équivalente) pose d’énormes problèmes de coûts et de capacité de stockage. Jancovici a longuement fait le point sur l’exemple français, et – spoiler alert – il faut être ouvert au nucléaire..

b) L’efficience énergétique ferait rêver si elle voulait dire « gaspiller moins ». La réalité, c’est que plus les gens croient faire des économies, plus ils se sentent légitimes pour consommer davantage de ressources. C’est le fameux « effet rebond », qui devrait être enseigné dès demain dans les classes enfantines (comme ça on peut jeter l’idée de développement durable à la poubelle).

c) Les technologies ne sont jamais vraiment « propres »; c’est un jeu de langage. Au contraire, les nouvelles technologies sont généralement plus « sales » que les anciennes, preuve en est de l’excellent travail de Guillaume Pitron sur la scandaleuse pollution, consommation et pénurie à entrevoir dans la guerre des métaux rares.

d) Le recyclage des déchets, on le fait déjà avec un certain succès, certes. En Suisse, il nous a fallu 35 ans pour passer de 25% à 50% taux de recyclage, mais le processus de recyclages engendre aussi des pertes (et l’absorption de nouvelles ressources).

e) Le « respect de la nature ». La récente lecture d’Alessandro Pignocchi m’a ouvert les yeux sur notre conception fondamentalement biaisée du principe de nature; je cite le texte en fin de l’excellente BD Mythopoïèse : « Notre concept de nature met à distance et objectifie les êtres qu’il désigne. Par conséquent, les questions écologiques sont d’abord des chiffres qui peuvent être oubliés dans la minute. » Disciple de Philippe Descola, Pignocchi détaille longuement cette relation de « sujet à objet », comme si la nature-propriété avait besoin de notre protection et de notre « respect ». J’aimerais quand même vous rappeler, M. Piccard, que l’Australie a cramé pendant six mois, que la biodiversité s’effondre à tout va, que les émissions de CO2 augmentent constamment depuis 1970. « Respecter » la nature en tant qu’objet ne servira à rien d’autre que nous faire passer pour de stupides conquistadors aux yeux des arbres et des animaux. C’est la même erreur que de dire qu’il faut « sauver la planète ». La planète se sauvera très bien toute seule. La lutte écologique, c’est sauver les conditions de vie sur la planète (c’est égoïste et c’est tant mieux).

Plus loin dans l’entretien, l’explorateur-businessman poursuit ses loopings rhétoriques pour revenir à son point de départ : quelques considérations économiques surannées.

« Et ce [nouveau] monde est rentable financièrement, parce qu’avec tout ce qu’on économise comme gaspillage (sic), on peut payer l’investissement. […] Il faut essayer de montrer qu’aujourd’hui, un autre monde est possible. Et c’est pas un monde utopique. C’est pas du tout un monde où on arrête l’économie, où on arrête les transports, et où on voit que le CO2 diminue mais que des millions de gens sont au chômage. […] Ce qu’il faut c’est créer des emplois, faire du profit industriel, en remplaçant tout ce qui pollue par ce qui protège l’environnement. »

Il avait bien commencé, Piccard. J’aimais bien ses théories de « nouveau monde à inventer ». Là, il est reparti comme dans les Trente Glorieuses, il fait du rase-mottes avec des gros mots : investissement rentable, chômage à éviter, profit industriel… On dirait un cours de macroéconomie des années 50, mais le type nous présente ça comme le dernier cri de la réflexion postmoderne. Il s’empêtre dans du greenwashing en essayant de renouveler le vocabulaire. Le mec, c’est un Cherche Et Trouve du capitalisme : usé, écorné et poussiéreux dans les mains d’un économat vieillissant.

Après, il sait quand même faire sa pub. Piccard lâche un couplet pour que les gouvernements mettent en place un cadre légal pour favoriser l’innovation et la transition vers les technologies comme par exemple – au hasard, hein – Solar Impulse. Palme d’Or du Festival de product placement. Imposture solaire.

Crash argumentatif

Enfin, il largue la phrase qui a provoqué cet article :

« Le monde est capable de s’arrêter net […] C’est un moment isolé, pris dans le temps où on s’arrête pendant un moment, mais si on s’arrête trop longtemps, c’est des souffrances, c’est des gens au chômage, c’est des entreprises qui font faillite, c’est la preuve que la décroissance fait souffrir énormément de gens. »

Cher Bertrand, je vous prie de lire mon dernier article (en même temps que le Que Sais-Je sur la décroissance de Serge Latouche) pour comprendre que la décroissance n’est pas du tout le renoncement à l’économie de marché, ni au confort, ni au respect, ni au travail, ni à l’intégrité physique. Si vous poussez la lecture jusqu’à Georgescu-Roegen, vous comprendrez que la croissance, qu’elle soit verte, qualitative, humaniste ou jambon-beurre, ça reste une croissance infinie. Mauvaise nouvelles : notre planète a des ressources en quantité limitée. Un gosse de douze ans peut comprendre ça, peut-être même qu’un môme de huit ans peut piger le truc, allez, j’ose même faire l’hypothèse que mon chat capte un peu le principe, bref : croissance et écologie sont incompatibles sur le long terme.

Le reste de l’entretien n’amène rien de nouveau : le psychiatre s’émeut des dessins d’une petite confinée de 7 ans qui dessine des coeurs sur le béton, il compare notre confinement de trois semaines avec ses 20 jours dans la capsule de Breitling Orbiter (on devine qu’il n’élève pas trois gosses dans un 90m2) et il fait des jolies théories sur le safe-space et l’auto-hypnose.

Lueur d’espoir vers la fin : Bertrand nous parle de la valeur de l’acceptation de notre condition de confiné, une attitude « à distinguer du fatalisme ». C’est beau, et je souhaite à notre aventurier national d’explorer l’effet-rebond, la loi entropie et l’anthropocène dans toute sa complexité, pour faire prendre à ses arguments un peu plus d’altitude.

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La décroissance pour les Nuls

La « décroissance ». Un drôle de mot s’invite dans le débat autour de la Coronacrise. Il fallait avoir l’esprit critique plutôt bien réveillé pour écouter les bêtises de Frédéric Mamaïs dans la capsule « Alter Eco » sur les Matinales de la RTS. (19 mars 2020 à 7h43)

« Décroissance et coronavirus ne font pas vraiment bon ménage. Quand survient la crise, une minorité a de quoi se mettre au vert; d’autres se confinent dans leur appartement. D’autres, faute de choix, travaillent et s’exposent toujours aux risques. » 

Le mot-obus est largué : la décroissance. Comme si la situation actuelle de privations, de confinement, de panique et de pénurie pouvait se résumer à un concept d’écologie politique qui a 50 ans. Sous-entendre que nous vivons un épisode de décroissance, c’est confondre atterrissage en douceur vs. crash aérien, mélanger caresse érotique vs. mandale de Jean-Paul Belmondo, ou penser qu’un jeûne volontaire à Crêt-Bérard équivaudrait à trois semaines de survie à la Brévine (sans biscuits militaires).

Les honnêtes travailleurs « faute de choix » que défend M. Mamaïs seraient-ils subitement esclaves d’un système néo-libéral ? Etrange paradoxe, vous ne trouvez pas ? Tandis que le capitalisme prône la libéralisation, le libre-échange et la liberté de jouir avec forfait illimité, tout à coup on se rend compte que des mecs sont obligés d’aller bosser pour sauver l’économie ?

Et au risque de vous mettre le nez dans le caca comme un matou castré qui a fauté contre l’armoire du salon, j’aimerais bien que le système néo-libéral prenne ses responsabilités face à cette crise sanitaire : qui a découragé les taxes sur le trafic aérien pour sauvegarder le tourisme ? Qui a mis sous pression les systèmes de santé pour encourager la rentabilité ? Qui a tardé à mettre en place des mesures drastiques de confinement pour sauvegarder l’économie ? Greta, peut-être ?

Je pourrais continuer la liste des errements du capitalisme (la crise des migrants et l’effondrement du cours du pétrole, on en parle ?), mais je sais qu’un débat partisan ne mènerait à rien. Dans le combat contre le coronavirus (et contre le réchauffement climatique, d’ailleurs), je ne pense pas qu’il y ait des purs et des mécréants. Nous avons un ennemi commun, et c’est le moment de croire à la diversité des moyens et la convergence des luttes. C’est donc une bassesse rhétorique, M. Mamaïs, que de comparer la crise actuelle avec un exemple de décroissance collectivement souhaité.

Quand vous sortirez de confinement et que vous pourrez de nouveau fréquenter une bibliothèque, vous emprunterez le Que Sais-Je : La Décroissance de Serge Latouche. En 125 pages, vous apprendrez que le projet de la décroissance est plus complexe que cuisiner des pâtes au Maggi en matant Chernobyl sur Netflix (en SD).

La décroissance, c’est « implicitement ou explicitement revenir à un niveau de la vie matérielle compatible avec la reproduction des écosystèmes » (p. 9). « La conception de la rupture d’avec la société de croissance, et donc la sortie du productivisme, peut prendre la forme d’un « cercle vertueux » de sobriété en 8 « R » : réévaluer, reconceptualiser, restructurer, relocaliser, redistribuer, réduire, réutiliser, recycler. Ces huit objectifs […] sont susceptibles d’enclencher une dynamique vers une société autonome de sobriété sereine, conviviale et soutenable » (p. 51).

Bien loin de « revenir à la bougie » et de manger du chou-rave bio dans des appartements froids, un système décroissant est tout à fait possible à condition d’imaginer une transition vers ce nouveau système, qui reste à conceptualiser, négocier et définir. Quel beau défi, finalement ! Avec optimisme, nous pourrions rêver une alternative (n’en déplaise à Karin Keller-Suter) à ce monde thermo-industriel, enchaîné à la logique du travail, gangréné par la compétition et pétri d’inégalités.

Frédéric Mamaïs, je suis bien navré de donner l’impression que je ne vous apprécie guère. En fait, je vous aime bien, et c’est juste que le confinement m’offre 5 heures pour vous rédiger une réponse, qui j’espère servira aux nombreux journalistes qui critiquent la décroissance en s’arrêtant au seul sens littéral. La lecture de Latouche éviterait bien des chroniques imprécises (p. 11) :

« S’il est indéniable que, pour tous les objecteurs de croissance, il faut retrouver une empreinte écologique soutenable, […] ne retenir qu’une conception littérale de la décroissance présente le grave inconvénient de permettre à ses adversaires de la délégitimer à bon compte. En particulier parce que se déclarer radicalement contre l’idée même de croissance, qui est pourtant un phénomène naturel, n’est plus seulement iconoclaste, mais franchement absurde. Il importe dès lors d’insister sur la différence entre les organismes naturels et l’organisme économique [c’est Latouche qui souligne], qui n’a rien de naturel et qui prétend échapper au déclin et à la mort, ainsi qu’aux conséquences de son insertion dans l’écosystème planétaire, et donc à la deuxième loi de la thermodynaique, la loi de l’entropie… »

J’ose rêver que les élèves en train de subir l’école à distance pourront se renseigner sur le problème des limites planétaires et de l’effet rebond. Après avoir saisi ça, un enfant de 10 ans peut comprendre que notre système est intenable. J’espère aussi que les enseignants de français mettront les bouchées double en analyse argumentative, pour armer les citoyens de demain à pourfendre les paralogismes (qui suivent la courbe des cas diagnostiqués).

L’argument d’autorité, par exemple : vous citez Paul Ariès dans votre chronique-vidéo. En premier lieu, Paul Ariès n’est pas le seul maître à penser du mouvement de la décroissance; s’il se refuse à vouloir « ni plan de relance, ni plan de rigueur », c’est bien parce que nous sommes au plus fort de la crise : comment faire des pronostics sur l’évolution de la situation économique, dès lors qu’on ne sait même pas si ma grand-maman pourra sortir de chez elle la semaine prochaine ?

L’homme de paille, ensuite. Vous vannez Extinction Rébellion et le tweet vengeur contre les boomers. Mais mettez-vous à leur place : comment résister à cette brillante métaphore d’un virus qui purifie l’air chinois, cloue les avions Swiss au sol, épargne la jeune génération et tue les vieux ? Quand vous vivez continuellement la frustration de la lutte écologique se brisant face aux murs du pouvoir, il est compréhensible (quoique regrettable) de se laisser aller à un peu d’humour noir.

Le faux dilemme, enfin : vous recourez au bon vieil argument du Capitalisme Sauveur, celui qui a permis « de sortir un demi-milliards d’êtres humains en une génération […], de faire émerger la scolarité, l’éducation dans des pays jusqu’ici laissés pour compte« . C’est ignorer à quel point les mouvements sociaux du XXe siècle ont dû batailler ferme pour sauvegarder les communs; c’est occulter l’indigne néocolonialisme industriel dans les pays du tiers-monde; c’est passer sous silence l’idée que le « progrès » amène du bon ET du mauvais. Avec le progrès, on fait des meilleurs traitement contre le cancer ET on délocalise la pollution en exploitant les terres rares de Mongolie.

Vous terminez avec une question rhétorique : « Privés d’école buissonnière, les élèves grévistes appelés à la rescousse par Greta Thunberg entendent cette injonction : poursuivre la lutte sur les réseaux sociaux ! Jeunes, moins jeunes, que serions-nous finalement en ce moment sans les géants numériques et notre connexion Internet ? »

Que serions-nous, effectivement ?
Oh, ce serait lamentable : nous serions en train de parler à notre voisin de palier à 2 mètres de distance, nous resterions isolés à lire un roman dont on repousse la lecture depuis 3 mois. Nous serions en train de paresser, dessiner, cuisiner, faire de la musique, méditer, rêvasser, jardiner et faire l’amour.
L’enfer sur terre…

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Le Grand Débat – Résumé

Pour ceux qui n’ont pas le temps, quelques citations qui résument le « Grand Débat » de la RTS avec les candidats aux érections fédérales. J’ai juste regardé le début sur le thème de l’environnement; après, je suis parti me calmer (j’avais trop ri).

« Je ne suis pas pour les révolutions, je ne suis pas pour un changement de système, mais je suis pour une sensibilisation claire de tous les acteurs. »
Jacqueline De Quattro – PLR

Le jour où Jacqueline De Quattro aura compris le lien entre système capitaliste et réchauffement climatique, je paie la tournée.

« On ne doit pas opposer toujours l’environnement & l’écologie à une croissance. […] Ce qui me dérange un tout petit peu aujourd’hui dans cette notion d’urgence, c’est de vouloir changer du jour au lendemain de comportement. On doit travailler sur le moyen-long terme. »
Serge Métrailler – PDC

Je propose à M. Métrailler de lire à moyen-long terme le rapport du GIEC d’octobre 2018 (ici, 2 minutes suffisent) qui explique que nous avons 12 ans pour réagir. Peut-être que ça va le déranger un tout petit peu.

Je pense qu’on ne doit aucunement faire une rupture, on doit faire une transition. Une transition, c’est amener l’économie au service de l’écologie. […] On doit se tourner vers l’innovation, la recherche. […] Si on est les premiers – quasiment – pour les neurosciences, on peut être les premiers pour les technologies propres.
Michel Matter – Verts Libéraux

Youpi ! Les gentils scientifiques vont nous sauver ! (À ne pas confondre avec les méchants scientifiques qui nous annoncent l’effondrement de la biodiversité et un monde à +2°).

Si on commence à taxer les avions en Suisse, les jeunes sont quand même assez malins pour aller prendre l’avion à Milan, en Allemagne… La taxe elle est de 6€ en Europe, et pis chez nous on prévoit entre douze et deux cents francs. Moi j’ai rencontré des personnes qui m’ont dit « Moi je vais à New York, tu peux me mettre 200.- de taxe, ça fait rien, j’irai quand même. »
Pierre-André Page – UDC

Les jeunes de l’UDC, c’est l’avenir : roublards, retors et cyniques. Et prendre vos amis comme exemple dans un débat public, ça élève bien le débat. Ils doivent être super, vos potes, Pierre-André !

Après j’ai un peu décroché. Alberto Mocchi a dit des choses intelligentes, mais il s’est fait piéger sur la taxe CO2. Ben ouais, les Verts, quand on vous met devant vos contradictions, tout à coup vous ne savez plus quoi dire. Le jour où les taxes seront dissuasives, ça se saura.

Finalement, mon seul réel plaisir était de voir Yvan Luccarini (Décroissances Alternatives) derrière l’épaule droite du présentateur. Il ricanait tout le temps en faisant des commentaires à son voisin en se grattant la tête. Il me plaît, celui-là. Il a renforcé encore mon envie de panacher Ensemble à Gauche et les Jeunes Verts (peut-être les seuls qui devront vivre avec leurs décisions – parce que les vieux croulants des partis bourgeois, on peut quand même se demander s’ils n’en ont pas, quelque part, rien à carrer; ils seront six pieds sous terre quand on aura six degrés dans face).

Je conclus sur cette saillie d’une rare sombreur :

« Bertrand Piccard l’a dit : le climat, c’est le marché du siècle. »
Michel Matter – Verts Libéraux

Là, je suis parti vomir.

Bonne chance à tous pour le 20 octobre. Smartvote si vous hésitez encore.

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Jean-François Thuillard, épouse-moi !

Cher Jean-François Thuillard,

C’est avec un plaisir presque coupable que j’ai lu avec sensualité votre billet d’opinion dans le 24Heures du 12 septembre 2019. Si je devais déclarer ma flamme à un candidat aux fédérales, ce serait vous; vous avez su réveiller mes ardeurs d’ancien professeur de français, vous avez su attiser mon goût pour débusquer les paralogismes, vous avez fait saliver mes glandes rhétoriques. Je vote d’habitude plutôt à gauche, mais j’envisage de réviser ma position (et d’autres positions, du coup) depuis que j’ai été séduit par votre plume. Permettez-moi d’y revenir comme chat sur braise, comme une caresse sur l’art de convaincre, comme une oeillade argumentative. Mais d’abord, je cite : 

Quelle admirable trouvaille de citer un grand homme comme Clémenceau – souvent employé, il est vrai, pour critiquer le néo-libéralisme (« L’économie est une chose trop sérieuse pour être confiée aux économistes »). Avec ce paradoxe provocant, vous frappez fort, vous frappez juste : on voit tout de suite que votre billet est surtout une boutade, un hommage burlesque au travail d’argumentation, et que vous allez probablement dire de grandes choses sous le couvert du n’importe quoi. J’adore ça. 

En cette période préélectorale, il ne se passe pas un seul jour sans que la presse n’évoque les dangers qui pèsent sur la nature et l’importance d’agir dans ce domaine. Il ne fait aucun doute que la nature et notre environnement sont des affaires sérieuses, mais nous, les agricultrices et agriculteurs, n’avons pas attendu que les Verts et les écolos les instrumentalisent politiquement pour nous en rendre compte.

Oui ! C’est ça ! Vous mettez le doigt sur une injustice crasse : les écologistes s’arrogent le droit de faire de la nature le centre de leur campagne, alors qu’ils pourraient se limiter à la fiscalité des entreprises ou le financement de l’AVS. C’est un peu comme si la gauche se permettait de parler de socialisme. Où irions-nous ? De plus, en qualifiant « d’affaire sérieuse » (c’est moi qui souligne) la problématique climatique, vous montrez que vous avez saisi avec toute la conscience nécessaire les problématiques d’effondrement de la biodiversité, d’emballement du réchauffement et des réfugiés climatiques. Pour vos prochaines interventions, je vous propose d’autres adjectifs, qui englobent encore mieux les choses : « la nature et notre environnement sont des affaires pertinentes / intéressantes / intrigantes / cela mérite qu’on s’y arrête… » J’ai d’autres suggestions que je pourrai vous faire sur le bord de l’oreiller.  

Pour s’offrir une légitimité dans ce débat, de nombreux activistes du climat – dont l’écrasante majorité est incapable d’affirmer si les oreilles des vaches sont devant ou derrière leurs cornes – ont jeté l’opprobre sur le monde paysan.

Oui ! Encore oui ! Vous avez raison de citer une étude extensive avec un chiffre clair quant à cette « écrasante majorité ». Et l’exemple est parlant : je suis moi-même fils de paysan, et j’ai constaté que je ne savais pas si les oreilles des vaches étaient devant ou derrière leurs cornes (j’ai vérifié depuis – elles sont légèrement derrière) : 

Savoir où sont positionnées les oreilles des vaches : voilà à quoi on reconnaît un véritable défenseur de la nature.

Je propose même de dénoncer tous les spécialistes du GIEC qui ne sauraient pas répondre à la question. En fait, ça devrait devenir le critère d’admission au parti écologiste. De la même manière, on devrait vérifier que les enseignants de français connaissent bien la date de naissance de Victor Hugo, on devrait obliger les commentateurs sportifs à connaître les prénom des enfants Beckham, et on devrait s’assurer que les cuisiniers sachent si on dit LE ou LA Nutella. Certains fâcheux pensent qu’il s’agit là de détails, mais le diable est dans les détails, et je vois mal comment on pourrait parler de réchauffement climatique sans connaître des éléments évidents d’anatomie bovine. CQFD, mister Thuillard. Bim !

[Les activistes du climat] accusent les agriculteurs de maltraitance animale, ils dénoncent les méthodes de production et hurlent à l’empoisonnement des nappes phréatiques. Nombreux sont celles et ceux qui nous expliquent comment nous devons nous occuper de nos exploitations agricoles mais peu, en ces mois d’été, étaient dans les champs ou sur les alpages pour mettre en pratique ce qu’ils sermonnent le reste de l’année dans les médias.

Oui ! Ja ! Yes ! You nailed it, Jean-François ! C’est le coeur du problème, ça : les écologistes sont contre l’agriculture parce qu’ils parlent d’empoisonnement et se mêlent de ce qui ne les regardent pas. Est-ce que je vais ennuyer mon oncologue avec des considérations sur les cellules du pancréas, moi ? Est-ce que j’inquiète les journalistes en relevant que leurs données ne sont pas fiables ? C’est tout de même dingue que des citoyens lambdas s’ingèrent dans des problèmes de nature, alors que les paysans sont les principaux protecteurs de la nature. Si la nature a besoin de glyphosate, qui mieux qu’un agriculteur pour la lui donner ? Certainement pas ces bobos qui vont en vacances au Costa Rica, bon sang !

De plus, vous dénoncez un scandale explosif : ces écolos ne sont pas dans le champs ou les alpages. Comment peut-on croire défendre la nature si on ne s’y trouve pas ? Hein ? Hein ? Ça tombe sous le sens ! Est-ce que Gandhi aurait pu défendre l’Inde depuis l’exil ? Est-ce que Martin Luther King aurait pu mener ses actions sans aller à Selma ? Pour défendre la nature, il faut se trouver sur place. Voilà qui fait du sens. Le bon sens (je crois que c’est votre autre slogan de campagne, « le bon sens à Berne ». Wow. Puissant, simple, efficace. On dirait un slogan de Steve Jobs).

Alors qu’il était député, Georges Clemenceau avait affirmé que la guerre étant (sic) une chose trop grave pour être confiée à des militaires. Il en va de même aujourd’hui avec les activistes et donneurs de leçons du climat. La nature est une chose trop grave pour être confiée aux écolos.

Si l’on passe une petite coquille, c’est un coup de maître rhétorique, Jef (je peux vous appeler Jef ?) : sous une tournure des plus subtiles, vous expliquez bien qu’il y a une urgence climatique à prendre dans toute sa mesure. Nous sommes en état de guerre contre le climat, contre la nature, les ouragans, les tsunamis et les cyclones qu’elle nous envoie. La nature est une chose trop grave. Depuis le début. Elle n’est pas ce paradis qu’on nous vante; elle n’est pas cet Eden équilibré, vanté par les apôtres de la permaculture. La nature est un monde hostile, sauvage, suintant la loi de la jungle et la barbarie. Vos mots me donnent envie de folâtrer avec vous sur une couverture militaire pour un pique-nique crapuleux, tiens. Nous serions bien, dans une petite monoculture de luzerne sans insectes fâcheux, à butiner nos corps huilés de colza en production intégrée, avec un petit Don’t Stop Me Now diffusé par une Boom-Box solaire… Râaaah lovely. 

En effet, depuis la nuit des temps, des hommes et des femmes cultivent la terre au gré des saisons. Les agriculteurs mettent en terre les semences, puis veillent sur les champs et en prennent soin jusqu’au moment de la récolte et ils recommencent cette opération depuis des millénaires afin de nourrir nos communautés avec le fruit de la nature. Aimer la terre et la nature n’est pas un passe-temps de bobos mais un art de vivre qui nous oblige à l’humilité. On est loin des théories toutes faites et des «yakas» lus ou entendus dans les médias.

Oui ! More of this ! Invoquer l’agriculture de ces 13 derniers millénaires (elle serait apparue vers -10’000) pour défendre l’agriculture de 2019, c’est un coup de génie : c’est bien la preuve que nos ancêtres savaient utiliser les phosphates, savaient doser les azotes et savaient gérer les pesticides mieux que personne, avec humilité et abnégation. Vous résumez à merveille le travail d’un paysan : mettre en terre la semence, veiller sur les champs et en prendre soin. Voilà le plaisir simple et le geste auguste du semeur contemporain, dans une caresse subtile du labour laissé par une quatre-socs.

En Suisse, les normes pour l’exploitation agricole sont parmi les plus sévères du monde. Elles visent à la fois la qualité des produits, le bien-être des animaux et le respect de la nature. Les agricultrices et agriculteurs suisses se conforment à toutes ces normes et n’ont jamais relâché leurs efforts avec la mise en place, sur chaque exploitation, de nombreuses mesures en faveur de la biodiversité.

Oui ! Trois fois oui ! Les normes écologiques suisses sont suffisantes. La preuve par mille

Les agitateurs du climat ne peuvent survivre politiquement qu’en agitant la peur au sein de la population dans le but de donner du sens à leurs théories. Se faisant (sic), ils induisent le doute chez les consommateurs et poussent une partie de ceux-ci à se tourner vers des produits importés. Ainsi, au nom de la défense du climat, on favorise les produits issus d’une agriculture moins normée que la nôtre et qui ont traversé les océans à bord de cargos qui avancent au fioul lourd.

Bon mon petit Jef, là j’avoue que j’aimerais corriger la petite coquille du début de la deuxième phrase. Probablement un coup monté de la rédaction. Ça n’enlève au rien au génie de ce paragraphe : ces Cassandre qui appellent à la peur n’auront pas notre peau, Jean-François. En tant qu’UDC, nous sommes rompus à cette stratégie; nous resterons sourds aux sirènes des collapsologues; nous demeurerons de marbre face aux rumeurs de l’effondrement !

Tu mets le doigt – on peut se tutoyer, en tant que fils de cul-terreux, non ? – tu mets le doigt, disais-je, sur un paradoxe effarant des écolos-bobos : ceux-là même qui fustigent notre bonne paysannerie sous prétexte de défense de l’environnement, ces bougres de traîtres à la patrie… Eh bien, ce sont les premiers à servir du quinoa du Pérou sur leurs buffets véganes; ce sont les seuls à prendre l’avion avec des compagnies étrangères; ce sont les plus farouches défenseur des républiques bananières du Brésil, se nourrissant exclusivement de tofu trafiqué et de lait d’amande en brique de supermarché. 

Saint Jean-François, ton billet doit ouvrir les yeux des masses populaires qui ignorent encore le complot écologiste qui se trame sous la pression des lobbys verts. À bas ces éco-fascistes qui nous poussent à consommer ! Haro sur ces activistes qui nous poussent à remplacer la croissance par du développement durable. Oui, car je vois très bien où tu veux en venir, mon petit Jean-François. Sous tes airs sages de politicien mesuré, la voie que tu traces pour l’humanité, c’est celle de la décroissance. 

La défense de la nature, il y a ceux qui en parlent et il y a ceux qui la pratiquent

Pratiquons ensemble, Jef. 
Je t’attends.

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Le prochain pont à traverser (3) : 10 gestes pour saboter le capitalisme

Voilà le plan, camarades : plutôt que de poser des bombes ou kidnapper des dirigeants, nous allons simplement ralentir le système dans sa chute; l’accompagner dans son effondrement. Nous ne détruirons aucune machine, nous ne pourfendrons aucun dirigeant, nous ne lutterons même pas contre le système.

Nous allons l’ensabler.

Nous mettrons notre grain de sable là où ça crisse, nous sèmerons notre bonne graine là où ça pousse, nous deviendrons les empêcheurs de spéculer en rond; la machine va se défendre, se débattre, se désarticuler et tomber face contre terre.

[Si personne n’achète des produits de multinationales], en 48 heures le système s’écroule.

Dominique Guillet (fondateur de Kokopelli)

On m’oppose souvent que les actions individuelles ne suffiront pas à changer le système. Il est vrai que les actions individuelles isolées resteront des gouttes d’eau (dans un océan de plastique). Mais les actions individuelles collectives, elles, ont toutes les chances de renverser la vapeur, tout autant qu’une action politique.

De fait, certains opposent ces deux types d’actions, alors qu’il s’agit bien plutôt de conjuguer action politique ET gestes individuels. Et si les actions que nous pouvons mener à titre individuel sont nombreuses, elles n’ont pas toutes le même impact sur l’environnement, et certainement pas le même « coût » comportemental : s’il est plutôt difficile de changer un régime alimentaire inscrit dans une culture ou un métabolisme, il est relativement simple de placer ses économies dans une banque éthique.

Par exemple, Eléonore a énormément de difficultés à changer de banque (coût négligeable, impact énorme) et a choisi de renoncer à quelque chose comme les shampooings testé sur les animaux (faible coût comportemental) : l’impact de son action est très limité (son bénéfice est même dégradé par le fait qu’elle a quelques actions au Crédit Suisse). Dans le même ordre d’idée, des actions écologiques qui vous paraissent radicales (comme se passer de supermarchés pendant un mois, ou faire zéro-déchets sur une semaine) n’ont pas vraiment de sens sur le court terme. Il faut donc chasser le naturel au galop, débusquer des actions à fort impact et les ancrer durablement dans notre quotidien.

10 exemples (classés par ordre croissant d’impact écologique) :

Installer une minuterie pour son wifi
Investissement en temps : 5 minutes
Coût : environ 18 balles
Impact sur l’environnement : plutôt modeste, on va pas se mentir
Courez chez votre quincailler (ou pire, commandez-le en ligne) pour acquérir un programmateur horaire pour prise électrique; branchez-le sur l’alimentation de votre télé/wifi/time capsule, etc. (tout ce qui peut être éteint pendant que vous dormez). Programmez-le pour qu’il coupe le courant entre minuit et 7 heures du matin et VOILÀ !, vous venez de faire une économie d’électricité de 30% sur cette consommation-ci.
BONUS : moins d’ondes dans votre cerveau, vos ovaires et vos testicules.

Investir dans un rasoir old-school et du savon à raser
Investissement en temps : 5 minutes
Coût : environ 20 balles
Impact sur l’environnement : on va pas se leurrer, c’est encore assez négligeable
Mais cette action va vous permettre de boycotter Gillette, d’avoir du matériel de hipster et de diminuer vos déchets en rasoirs jetables, bombes de mousses à raser et triple-lames. En plus, vous gagnerez en efficacité, messieurs.
BONUS : vous vous rasez au blaireau. Au blaireau !

Ecrire une lettre à sa régie pour effectuer une rénovation thermique de son bâtiment
Investissement en temps : 5 minutes
Coût : un timbre à 1.-
Impact sur l’environnement : très important sur le long terme
Je vous ai concocté un modèle ici. À ré-envoyer chaque mois. L’obstination finit toujours par payer.

Mutualiser ses outils, ses robots ménagers, ses trucs et ses machins
Investissement en temps : 15 minutes
Coût : 7.-
Impact sur l’environnement : variable
C’est l’idée de Pumpipumpe : sur votre boîte aux lettres, vous collez des stickers qui désignent ce que vous être d’accord de prêter à vos voisins. C’est un petit laboratoire de mutualisation des ressources. On commence par se prêter un barbecue, on enchaîne par s’échanger des jeux de société, on finira par mettre en commun nos bagnoles : on libère de l’espace personnel, on mutualise nos ressources et on retrouve la qualité des biens communs.
BONUS : vous allez redécouvrir votre quartier et les belles personnes qui y habitent !

Placer ses économies dans une banque alternative
Investissement en temps : 1 heure
Coût : variable (en fonction de votre banque actuelle)
Impact sur l’environnement : ENORME (surtout si vous étiez chez Crédit Suisse et UBS)
Je suis à la Banque Alternative Suisse depuis 7 ans; ils ont tout l’e-banking dont vous pouvez rêver, la carte Maestro et la carte VISA s’il vous la faut. Les options sont simples, le site est très clair et vous serez sûr d’avoir face à vous une banque transparente (ils publient la liste de tous les crédits octroyés).
BONUS : j’avais une limite de 1’000.- sur ma carte qui m’a grandement incité à réduire ma consommation.

S’inscrire pour des paniers de légumes hebodmadaires
Investissement en temps : 30 minutes (retour sur investissement énorme)
Coût : compter peut-être 20.- de plus par mois au budget-légume
Impact sur l’environnement : ENORME
Impact sur la paysannerie et encouragement aux initiatives de transition : ENORME
Mon amoureuse nous a inscrit au Clos du Moulin depuis le début de l’année et je n’ai que des louanges : ça m’incite à cuisiner des nouveaux légumes, c’est forcément local et bio, je coupe les intermédiaires (et les navets). Il y a probablement une ferme qui s’occupe de ça près de chez toi.
BONUS : tu peux généralement te faire livrer sur le pas de porte.

Boycotter les grandes surfaces et les multinationales
Investissement en temps : dépend de la concentration géographique de vos petits commerces
Coût : très variable – certains biens sont un peu plus chers, d’autres meilleurs marchés (moins d’intermédiaires); dans tous les cas, vous contribuerez à un tissu économique plus résilient
Impact sur l’environnement : ENORME
Quand vous connaissez les scandales autour de Nestlé, les conditions de travail chez Aldi/Lidl et les marges brutes de Coop et Migros, vous comprenez vite que tout le monde bénéficiera d’un commerce équitable à petite échelle. Alors achetez vos légumes chez le marchands de légumes, vos jouets chez le marchand de jouets et vos livres en librairie.
BONUS : les professionnels vous conseillent bien mieux que des caissières sous-payées (ou des robots-scanners)

Tendre au zéro-déchet
Idem que le précédent : ce que vous perdrez à fréquenter les magasins en vrac, vous l’économiserez en taxe au sac.
BONUS : vous allez apprendre à faire de la lessive bio et du déo artisanal.

Adopter un régime locavore et flexitarien
Investissement en temps : zéro
Coût : le plus souvent, c’est moins cher
Impact sur l’environnement : GIGANTESQUE
Vous allez décourager la production de viande de mauvaise qualité, améliorer les conditions économiques des agriculteurs, diminuer votre consommation cachée en eau, en céréales et réduire votre impact climatique globale. Et s’il vous plaît, évitez de compenser votre apport en protéines par du soja brésilien ou des fèves d’Italie : votre corps va trouver tout ce dont il a besoin chez votre boucher-paysan, votre maraîcher du samedi matin et votre petite épicerie du coin de la rue.
BONUS : vous allez découvrir les asperges au serac (avec un filet d’huile de noix de derrière les fagots)

Boycotter l’avion
Investissement en temps : pour Bâle-Tokyo, on est d’accord qu’en train c’est plus long. Mais pour Genève-Paris, la SNCF est votre amie
Coût : yep, le ticket de train est scandaleusement plus cher
Impact sur l’environnement : HOMÉRIQUE
Voilà combien pollue un avion.
Et si vous n’êtes toujours pas convaincu, demandez-vous pourquoi vous tenez tant à voyager. L’industrie du tourisme vous fait miroiter une « rencontre avec une autre culture ». Dans la réalité, le plus souvent, vous aurez un guide anglophone, des musées aseptisés qui vous présentent une histoire sélective, des restaurants franchisés, des sites dénaturés et des villes occidentalisées.
Le tourisme vous propose des « expériences immanquables » en jouant sur votre peur de rater quelque chose. Mais cette peur est insatiable : toute votre vie, vous allez manquer des évènements, rater des occasions, vous absenter du moment où tout le monde s’amusait. La réelle expérience à laquelle vous pourriez vous préparer, c’est passer du temps avec les gens que vous aimez, faire des choses qui vous plaisent, explorer votre potentiel artistique, et la plupart de ces choses ne gâchent pas un gramme de planète.

BONUS GLOBAL : c’est un cycle vertueux. En plus d’ensabler le capitalisme, ces gestes nous conduisent vers un nouveau système plus économe, plus sain et plus conscient de ses limites. Le système touche à sa fin, nous allons précipiter sa chute pour être les pionniers de l’après-capitalisme. La fin n’est pas fin.

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