C’est l’histoire de Morgan Price, en concert avec le Duke Ellington Orchestra. L’alarme incendie démarre par accident, et s’installe pendant son solo (une minute trente, quand même).
Sa réaction spontanée est époustouflante: il sourit. Puis il intègre le son comme un élément de solo. Avec génie. Et il nous raconte toute une histoire, puisqu’il va faire plusieurs rappels de la note de l’alarme, y compris pendant le dernier point d’orgue.
Plusieurs leçons à en tirer:
- Si les circonstances extérieures « imposent » quelque chose à l’artiste, et que l’artiste l’intègre immédiatement, ça devient un cadeau.
- Si on intègre ce genre d’accident, le public a l’impression de vivre quelque chose d’exclusif, d’exceptionnel; le concert aura un goût différent de tous les autres concerts; c’est comme posséder une Omega en série limitée, ou un tirage numéroté de Franquin.
- Le public assiste avec enthousiasme (et bienveillance) au processus de création: il devient partie prenante (presque participant) du concert, dès le moment où on lui a livré les clés de l’élaboration de l’oeuvre; l’art devient ludique (par rapport à un art de consommation).
Il y a des spectacles d’improvisation qui posent un cadre tellement bruyant que toute les alarmes incendies du monde ne parviendront jamais aux oreilles des comédiens sur le plateau.