Poésie

Bouche bée

Poème SMS n°6 (les poèmes SMS font exactement 160 signes, espaces compris)

Bouche B:

elle m’a U

en m’offrant
un petit T

elle m’a dit
bouche B

porte-moi
dans les R

j’ai ôté son
p’tit O

je l’ai prise
sous les L
parce que j’M
son p’tit Q

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Re-cul

jeansL’autre jour, je sors avec nonchalance du train Yverdon-Neuchâtel, en suivant le troupeau des voyageurs y débarquant avec calme, distinction et individualisme. Par hasard (ou par la volonté d’un facétieux scénariste qui écrit ma vie), je me suis retrouvé derrière une belle et splendide et pulpeuse et sexuelle brune à faire bander un mort. Le genre de bimbo latino que vous ne croisez qu’une fois par mois, avec des seins parfumés et un cul arrogant.

Là vous allez me dire que je la matais comme un gros porc.

Rien n’est plus faux, et Dieu m’est témoin que je regardais tout sauf la fille, puisque je zieutais les gens tout autour qui dilataient leurs pupilles de façon plus ou moins discrète dans sa direction: ça allait du vieillard débonnaire au lover italien, du jeune cadre dynamique au skater boutonneux; à dire vrai, même les filles la mataient, les unes avec jalousie, les autres avec le respect dû aux concurrentes qui nous surpassent en tout, surtout en élégance.

Je me suis donc esclaffé à plusieurs reprises, en voyant ces quidams lancer un regard intéressé / concupiscent / libidineux / méprisant (biffer ce qui ne convient pas) sur ladite bonasse. De fait, le théâtre qui se faisait autour d’elle était bien plus intéressant à regarder que sa charmante personne. Autrement dit, je m’attachais surtout à regarder le méta-évènement plutôt que l’évènement en lui même. Je la méta-matais, en d’autres termes (« méta-matais », ha ha ha, vanne laborieuse qui fait quand même plaisir).

Moralité: à l’arrière du train, on a une belle vue.

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Choses politiques

Éloge du massage capillaire

Chez le coiffeur, j’ai l’impression d’être au musée. Il y a plein de miroirs partout. Du coup, je vois la douzaine de nymphettes sous tous les angles imaginables. Je dis « nymphettes », parce que le patron de mon salon habituel a un faible pour les playmates aux formes refaites et les bimbos aux courbes parfaites.

Les miroirs, donc, se répondent les uns aux autres en un dédale kaléidoscopique dans lequel je perds volontiers mon regard. Ma coiffeuse attitrée apparaît comme un langoureux Picasso, une peinture cubiste qui m’apparaît éclatée en plusieurs morceaux: ici un oeil, là un sein; là-bas une fesse, et là l’autre sein. Miam. Je rougis.

Rhâaaaa Lovely

Un rendez-vous chez le coiffeur est un moment particulier. Provisoirement installés dans un confortable fauteuil, nous avons l’occasion de nous admirer pendant dix bonnes minutes. Au début, ça peut mettre mal à l’aise. Je n’ai rien contre le fait de m’admirer, mais j’aimerais pouvoir m’admirer dans l’intimité. Et généralement, je remarque (en m’admirant) que d’autres personnes m’admirent m’admirer. Et ça me fait rougir. Et je me vois rougir. Alors je réfléchis au meilleur moyen d’évacuer ma honte, et je me vois réfléchir. Dans un miroir. Un comble.

Mais le meilleur moment reste à venir. Passé les premières minutes d’attente stérile, je peux me diriger vers les baignoires-à-têtes. Je me love avec plaisir dans ces confortables bizarreries sanitaires. Je me laisse mouiller les cheveux. Et je sais que le meilleur moment de ma journée vient de commencer. Mon massage capillaire.

Tout d’abord, je sens ses mains. Je ne vois jamais l’apprentie qui me lave les cheveux. Cela confère à cet épisode un mystère très sensuel: je m’abandonne sous des doigts dont je ne sais pas à quels bras ils sont rattachés. Je me laisse faire. Les doigts délacent les mèches mouillées de mes cheveux. Une voix absente me demande « ça va la température? » en n’espérant même plus une réponse qui ne viendra pas. Je suis parti. Parti dans ces doigts qui cherchent ma nuque, lissant le derrière de mes oreilles, enrobant leur lobe, redescendant sur mes cervicales, ranimant mon front et empaumant ma tête. Je frémis.

Ensuite, rinçage.

Puis crème.

Rhâaa. Crème.

L’odeur (réglisse?) m’envahit les narines, pendant que les doigts font leur deuxième entrée. Ils glissent (re-glissent?) en faisant plusieurs tours sur mes deux hémisphères, pour calmer ma peau, masser mon cuir et nourrir mes cheveux. Les doigts me pénètrent. Bonheur. Je me laisse pénétrer. Les mains me serrent, me forcent, me caressent, me frustrent, me soulèvent, me relâchent et me libèrent tout à la fois. Les doigts me prennent, me frottent, me massent, me font mousser; ils m’émoussent, ils s’imiscent, ils s’amassent autour de moi. Ma tête flotte. Je n’entends plus rien. Je m’abandonne.

Ensuite, rinçage.

Puis re-crème.

Puis rinçage, et la demoiselle me dit de passer à côté pour la coupe. Après, c’est moins amusant. De toute façon, je serai bien incapable de recommencer. Je suis vidé. Rhâaa.

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