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Gourmet culturel

Lundi passé j’ai regardé le magazine 36,9° sur les liens entre microbiote et humeur. Très joli, plutôt bien mené, mais c’était juste la preuve que « On est ce que l’on mange« , qui relève un peu du bon sens : si je me bourre de cornets à la crème-à-la-vanille-au-sucre-glace, c’est assez normal que je saute aux murs en mode hyperactif sur un circuit de Formule Un avec Cyril Hanouna comme copilote.

Fun fact : il y a une semaine, le conseil national refusait une initiative pour limiter l’usage du sucre dans les aliments. La libre responsabilité des consommateurs et consommatrices. Rigolo de voir que notre liberté / responsabilité est tout à coup très bien défendue quand il s’agit de bouffer des bonbons et nous rendre diabétiques pour faire ensuite exploser les coups de la santé.

Food for thought : on s’intéresse beaucoup à ce qui entre dans notre ventre, mais relativement peu à ce qui déboule dans notre tête. On pourrait imaginer parler un peu plus de diététique culturelle : il y aurait des gens pour vous mettre au régime-sans-téléjournal, ou vous conseiller quelles fictions regarder – « Vous souffrez d’éco-anxiété ? Lisez Ecotopia ou allez voir Toutes les choses géniales, voilà qui devrait vous remettre sur pied. »

Vers 2017, j’ai commencé à consulter la liste des 250 films les mieux notés sur IMDb : une compilation des films qui ont reçu des meilleures notes par les utilisateurs « érudits », ce qui veut dire que si vous avez mis 5 étoiles à Ace Ventura mais que c’est le seul film que vous ayez noté, vous êtes jugé moins crédible qu’une adhérente qui a mis trois étoiles à Titanic mais a noté 273 films (ce qui paraît plutôt sensé). Bref, j’ai commencé à regarder la liste dans l’ordre. Qu’on soit bien d’accord, hein : j’ai pas fait QUE ça de mes journées. C’est juste que quand j’avais une heure de libre, je regardais un bout de demi-film que je terminais le lendemain. Bien tranquillou avec un frichti de légumes poêlés au reste du frigo, je matais Les Evadés à ma pause de midi. Puis je dégustais des asperges-mayo devant Usual Suspects. Et ainsi de suite, jusqu’à avoir totalisé 76 films vus sur les 100 premiers (et après il y a eu la pandémie).

Premier effet : je suis devenu incollable sur les classiques.

Deuxième effet : je suis devenu exigeant en terme de cinéma. Habitué à la crème de la crème, à du Hitchcock platinum et à du Coppola deluxe, j’ai désormais de la peine à mater un film médiocre. Je me suis rendu compte à quel point la télévision proposait des téléfilms mal écrits, mal joués, mal montés. Et comme le dit Catherine Price dans The Power of Fun, on peut s’habituer à une espèce de semi-fun, de divertissement léger qui nous fait bandouiller par intermittence, une semi-molle télévisuelle, une espèce de soupe qu’on se force à boire parce que finalement, on est pas mal sur ce canapé, non ?

(tiré du merveilleux https://xkcd.com/2727/)

(ma traduction décomplexée) « C’est marrant de voir à quel point c’est socialement acceptable de conseiller à quelqu’un de passer 10 à 15 heures devant une série à la télé; alors que si c’était un film… »

Et donc.

Si vous vous habituez à un régime de bonne nourriture culturelle, vous élevez votre niveau d’exigence.
Oh yeah, vous vous dites que je ne suis qu’un cinéphile pédant et arrogant, gourmet et peine-à-jouir. Well… c’est inexact : je peux encore voir des merdes, mais je les vois avec la tendresse de Roger Federer qui regarderait un débutant jouer au tennis.

(Cadeau bonux : ça marche aussi avec la musique, les bouquins et les informations d’actualité.
Je discutais avec un pote qui me disait sombrer dans une torpeur éco-anxieuse à chaque nouvelle news sur le climat qui apparaissait sur son fil d’actualité Instagram. Délivrez-vous des réseaux sociaux. Vous êtes ce que vous mangez.)

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Internet

Le progrès amène de nouvelles technologies

Donc les technologies d’hier deviennent obsolètes.
Donc plus le progrès avance rapidement, moins les choses fonctionnent longtemps.

À chaque « mise à jour » de mon Mac, celui-ci devient plus lent. Les développeurs rajoutent des fonctionnalités futiles qui transforment l’informatique en usine à gaz. Bien sûr, il y a quelques optimisations, on simplifie ici et là, mais l’essentiel est que chaque mise à jour rend mon Mac un peu plus obsolète. Plus on cherchera à accélérer le monde, plus les ordinateur nous paraîtront lents.

Plus il y a de progrès, moins il y a de progrès.

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Le goût des proportions

Cher Raphaël Mahaim, j’ai lu avec attention votre proposition relayée par le 24H et le Courrier de promouvoir 4 journées sans e-mail par an. J’ai énormément de respect pour vous et votre travail, notamment au cours des actions en justice pour les grévistes du climat, mais là, je pense que vous vous épuisez pour pas grand-chose.

4 jours par an, c’est 2% de 210 jours ouvrables. L’administration cantonale compte 39’000 employés. Par rapport à la population active du Canton de Vaud, c’est moins de 10%. Comme le dit 24H, on n’est pas sûr que ces « journées sans e-mail » fassent autre chose que déplacer le problème sur la journée suivante. Autrement dit, vous espérez viser 2% de l’activité de 10% de la population active sans réelle garantie d’efficacité.

L’article du 24H (ou votre communiqué de presse, peut-être), cite cet article de CarbonLiteracy, dont les données d’empreinte carbones « e-mail » sont tirées d’un bouquin de 2010 de Mike Berners-Lee (mis à jour en 2020) qui admet avoir fait des « maths de cuisine » dans cet article de la BBC. Autre problème : c’est l’auteurice de CarbonLiteracy qui a extrapolé (de sa propre utilisation) le chiffre de 1,5kg de CO2 par jour. Un bouquin de 2010 truffé d’estimations, relayé par une auteurice qui prend sa propre expérience pour déterminer un chiffre « scientifique », est-ce que c’est valable pour élaborer une politique, monsieur Mahaim ?

Je sais que je devrais éviter de mettre des bâtons dans le roues (de cycliste) d’amis écologistes, et la convergence des luttes, et la diversité des stratégies et tout et tout; mais là, sérieusement je pense que vous faites fausse route. Si l’objectif est de diminuer l’empreinte numérique dans l’administration, je vous propose les mesures suivantes :

  • Éduquer les employé·e·s du canton à ne pas « répondre à tous » quand c’est évitable
  • Apprendre au personnel à compresser des images ou pièces jointes
  • Se désabonner des newsletter internes et externes non pertinentes
  • Décourager le partage des vidéos en HD à l’interne

Mais vous pourriez même aller plus loin. J’ai vu que vous étiez fan de statistiques. Si la mesure est de réfléchir à l’impact écologique du numérique, peut-être qu’un autre chiffre vous intéressera :

Chaque minute sur PornHub, il y a 80’000 nouvelles visites (pour un équivalent de 12’550Go de données).

Autrement dit, chaque minute, il y a l’équivalent de 167 millions de mails qui circulent entre des serveurs pour que les gens se paluchent le bobichon (calculé sur une taille moyenne de mail de 75Kb) (mais c’est pas la taille qui compte). Ça veut dire qu’à la fin de la journée (bon, il faudrait environ 30 heures par jour, mais change pas de main on y est presque), on arriverait à… 300 milliards de mails, soit le chiffre de mails quotidiens planétaires. Donc si je résume,

Chaque jour, le trafic de donnée sur Pornhub équivaut au trafic de données des mails échangés sur terre.

Comme le dit mon pote Clément Montfort de la chaîne Next, peut-être qu’une véritable économie, ça serait de demander la limitation de la qualité vidéo pour le porno. Après tout, en 4K ou en 360p, une bite reste une bite.

Voilà un modèle de lettre. Bonne soirée.

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Comme dans un jeu vidéo

Le mercredi 7 janvier, j’avais un alibi: j’étais au cinéma.

Dans la foulée d’une sympathique rétrospective de la trilogie de l’Anneau et des deux premiers Hobbits, mon pote Renaud Delay m’a invité à aller voir la Bataille des Cinq Armées en version originale et en trois dimensions, s’il vous plaît. Ça tombait bien: j’avais appris les évènements de Charlie en fin d’après-midi, j’étais sous le choc, j’avais déjà ras-le-bol de tout le tintamarre argumentatif autour de la liberté d’expression, du fondamentalisme religieux et du suivisme sur les réseaux sociaux. En bref, j’avais envie de voir une fiction où tout finit bien, et où le Mal est vaincu sur des accords majeurs de trombones triomphants.

J’étais déjà averti: par l’effet conjugué des images de synthèses et de l’effet 3D, on vous envoie plein la face de personnages irréels sortis de jeux vidéos, de faux monuments dans des faux arrières-plans, devant lesquels s’époumonent laborieusement de vrais comédiens avec des fausses barbes. Franchement, entre regarder des experts s’entretuer sur Twitch.tv, et admirer les prouesses de la bande de Thorin, je n’y ai vu que du feu: les personnages volent d’escaliers en escaliers, manipulés maladroitement par des fils invisibles. Rien ne pèse, rien n’a de poids: tout ça manque de gravité.

Pendant ce temps, sur Facebook, les Douze suscitent une désolation monstrueuse. Indignation virtuelle. Il y faudrait davantage de légèreté.

Mais revenons au film: certes, ce vieux farceur de Tolkien avait déjà ménagé de sacré dei ex machina: le point faible de Smaug, l’arrivée du frangin de Thorin, l’intervention des Aigles. Et c’est comme si Peter Jackson n’avait pas su résister à ses préccccieux retournements de situation pour allonger la sauce du Hobbit sur trois films. D’un conte pour enfant de 240 pages, on a aboutit à un prequel alambiqué pour le Seigneur des Anneaux, entre parc d’attractions et néo-romantisme raté.

Je ne veux pas cracher dans la soupe: au-delà de toutes ces faiblesses, j’ai passé un honnête moment, de gros éclats de rire (au premier, deuxième, ou vingt-septième degré) et reçu avec bonheur le message tant attendu: « S’il y avait plus de gens comme vous, Bilbon, » articule Thorin, « des gens qui font pousser des chênes et servent le thé à 4 heures… et bien, le monde serait meilleur et plus joyeux » (citation de mémoire, on va pas chipoter).

Le troisième Hobbit a donc deux avantages: nous pousser à nous replonger dans les bouquins du philologue pour voir à quel point l’oeuvre a été galvaudée et mutilée, mais surtout, elle met un point final au massacre.

Enfin, le silence, et puis le vent.

Pendant ce temps, Sauron est revenu.

Sauron

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Cadavre vraiment exquis

C’est l’histoire d’une maman illustratrice et prof de photoshop, qui découvre que sa fille de 4 ans a trop monstre envie de dessiner des corps sous ses ébauches de portraits. La fille donne donc vie à des petits corps malingres sous des visages poupons; c’est fascinant et adorablement poétique. Mica Angela Au-delà de ça, Mica Angela (la mère) raconte que sa fille lui enseigne ainsi l’art de la co-création; ah ben oui, parce que la fille a son petit caractère, tout de même, et porte un jugement critique sur les rajouts ou embellissements de sa douce maman: « Tu as dessiné de l’eau derrière le personnage, maman? » ou « C’est stupide! » L’artiste se prend donc au jeu, et publie tout ça (il y a aussi du merchandising ici, si comme moi vous devenez fan au premier coup d’oeil).

Pour ma fille, ses contributions sont égales aux miennes (et en fait, elles le sont réellement). J’apprends une chose très importante: si vous avez une conception préalable de comment les choses doivent être, VOUS SEREZ TOUJOURS DÉÇUS. En fait, lâchez-vous, ACCEPTEZ, parce qu’en général, ce que vous obtiendrez au final dépassera toutes vos espérances.(elle souligne)

Quelques leçons d’impro, non?    

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Enigma Variations

J’ai reçu récemment (et plusieurs fois) sur mon profil Facebook l’énigme suivante:

Whats wrong here

AAA
BBB
CCC
DDD
EEE
FFF
GGG
HHH
III
JJJ
KKK
LLL
MMM
NNN
OOO
PPP
QQQ
RRR
SSS
TTT
UUU
VVV
WWW
XXX
YYY
ZZZ

Did you know that 80% of UCSD students could not find the error above? Repost this with the title « what’s wrong here », and when you click « post « , the answer will be really obvious.

Bien sûr, j’ai soigneusement évité de forwarder ce message, parce que je me méfiais d’un spam. Mais comme je suis un poil joueur, je me suis dit que j’allais tenter une recherche des solutions possibles, en visitant les forums de gens qui comme moi veulent toujours avoir le dernier mot. J’ai donc trouvé une épéclée de variantes possibles dans la formulation de l’énigme, et tout autant d’hypothèses à proposer.

Je vais donc tenter d’en dresser l’inventaire plus ou moins passionnant pour démontrer que les internautes ont développé des trésors d’imagination pour « trouver » des erreurs. Ça me fait bien penser à certains tests de créativité qui vous présentent une tâche impossible à résoudre (imaginer le maximum d’utilisation différente d’une brique, par exemple) pour évaluer votre productivité créatrice.

Je sens maintenant poindre dans vos yeux un intérêt certain; je suis même prêt à parier mon chat que vous avez déjà relu trois fois la liste pour voir où était l’erreur. C’est normal: si on vous dit en bas de mail que « 80% des étudiants de l’Université de Californie de San Diego n’ont pas trouvé l’erreur », vous cherchez naturellement à faire mieux qu’eux. Et c’est une des explications du succès de ce spam.

Alors, voyons les réponses envisageables, voulez-vous?

1) La piste grammaticale

L’erreur serait dans la question même de l’énigme: « whats » plutôt que « what’s ». C’est l’hypothèse la plus plausible, puisque la question est correctement orthographiée dans la fin du message. Mais c’est pas vraiment rigolo, comme énigme, alors. On peut aussi se dire que l’absence de point d’interrogation relève d’une erreur.

2) La piste typographique

L’erreur, selon certains (qui ont poussé le vice jusqu’à vérifier le code-source de chaque lettre) serait dans l’insertion de caractères « semblables » aux lettres attendues. Par exemple, trois L minuscules pour les trois « i ». Ou alors trois zéros pour les trois « o ». Ou alors deux V insérés entre les « w », ah ahaaa, quelle sacrée feinte. Mais toujours pas de quoi se rouler par terre.

3) La piste informationnelle

Certains internautes pensent que la statistique de 80% est erronée, et donc qu’il y a erreur; d’autres pensent que ce n’est pas la bonne université qui est mentionnée. Quelle bonne blague, ha ha, qu’est-ce qu’on rigole sur FaceBook.

4) La piste logique

À mon avis, c’est le genre de raisonnement le plus intéressant. Mais là, il faut s’accrocher, parce qu’il y a plusieurs théories parallèles qui fonctionnent toutes indépendamment:

– Si l’on part du principe (prémisse 1) que la question initiale vise la liste, et qu’il n’y a pas d’erreur dans la liste (prémisse 2), alors nous sommes devant un paradoxe (conclusion), qui démolit donc notre premier prémisse; ce paradoxe est donc une erreur. « Tous les Crétois sont des menteurs », comme disait Épiménide.

– Une variante de l’énigme comportait encore la mention: « It’s impossible » après la liste. Si l’on part du principe que l’énigme est bel et bien impossible à résoudre (prémisse 1) et que 20% des étudiants ont tout de même réussi à la résoudre (prémisse 2), alors notre conclusion est de nouveau paradoxale car elle démolit notre premier prémisse.

– Si l’on part du principe que la question finale est littérale, alors on devrait lire: 80% of UCSD students could not find « the error » above? Comme l’occurrence « the error » n’apparaît pas dans liste, voilà l’erreur. Comme si je vous demandais: « Cinq suissesses sucent des cerises. Combien de « s » il y a dans cette phrase? ». La réponse est 1, puisqu’il y a un S dans « cette phrase ». Ha ha ha hi.

5) La piste philosophique (un peu de bon sens)

Ni la liste, ni l’énigme ne comportent d’erreur. La solution est à chercher dans le contexte, à savoir:

– c’est une erreur de se pencher sur une énigme aussi futile, qui plus est n’ayant pas de solution apparente;

– c’est une erreur de vouloir se comparer aux 20% des étudiants doués de l’Université de San Diego;

– c’est une erreur de transmettre ce message à ses amis (si on les aime, on ne va pas chercher à les torturer avec une énigme sans solution);

– le KKK est une erreur, puisqu’il représente une organisation raciste, et que les racistes sont des erreurs;

– réciter l’alphabet avec trois lettres chaque fois est une erreur;

Moralité: qu’est-ce qu’on se marre sur FaceBook.

D’autres blogueurs se sont lancés dans un inventaire des réponses possibles: citons bbxdesign.com, et Bleebot qui lance une réflexion intéressante sur la naïveté des FaceBookers et la quantité de spam générée par le site.

Le plus intéressant à retenir, dans cette énigme, c’est sa capacité à nous culpabiliser de ne pas la résoudre. Un teasing magistral qui a réussi à en faire mousser plus d’un. Un peu comme si je vous disais qu’il y a une faute d’orthographe dans ce billet, et que 78% des mes élèves du cycle initial l’avaient trouvée en moins de 3 minutes…

Alors? Prêt pour une relecture?

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Choses politiques, Internet

Je mourrai incomplet

Je sais pas pour vous, mais j’ai de la peine à NE PAS finir une boîte de chocolat.

Même chose au restaurant: si on me propose le « menu dégustation », qui réunit toutes les spécialités du coin dans des petites portions, c’est fini, je commande à la serveuse avec un rictus sardonique au coin des lèvres. Ou alors, si je suis en Écosse, il me faut mon haggis, la fameuse panse de brebis farcie, dont tout le monde dit qu’elle est dégueulasse, mais moi j’étais tombé sur une bonne, ça dépend du boucher, c’est comme le boudin.

Eugène Boudin (1824-1898), peintre français, précurseur de l’impressionnisme

Donc si je suis en Écosse, je vais vous faire tous les restos d’Edinburgh jusqu’à avoir the plat pittoresque, comme disent les-z-anglais, le célèbre truc qui fait que je pourrais dire à tout le monde que j’ai mangé du haggis. Le truc qui rendra mon voyage complet. Le truc qui me fera tendre vers l’exhaustivité. Comme ça, je peux désormais dire: « Ça, c’est fait! ».

Ben ouais, c’est comme ça, toute ma vie est une longue liste de choses à faire. Et j’ai la misérable vanité de croire encore que je pourrais tout faire, ha ha ha, quel naïf ce mec, oui mais ce mec c’est moi. Et ma vie est un enfer depuis que je souhaite mourir complet.

Primo, quand je joue à l’ordinateur, je ne m’arrête pas avant de finir le jeu. Ça peut faire trois semaines que je joue à Magic: Empire of Kingdom en mode « difficile », j’insiste pour finir le jeu. Il peut y avoir une pile de copies qui m’attendent à la salle des maîtres, rien à faire, je finis le jeu. Il peut y avoir des codes sur supersoluces.com, je les ignore galamment et je finis le jeu. Et je pousse la délicatesse jusqu’à le recommencer en mode « expert »encore une fois et à LE FINIR.

Deuzio, quand je vais dans une soirée, je suis le dernier à rentrer. Ça peut être une fête du slip sans nom, une orgie pathétique sans espoir ou une partouze sans filles, je m’en contrefous, je RESTE. C’est comme si je voulais être sûr que rien ne va se passer sans moi, une espèce de mégalomanie à vouloir être toujours dans les bons – ou les mauvais – coups.

Tertio, j’ai fait une brillante carrière universitaire. Sans fausse modestie. Et tout ça, parce que je n’ai pas manqué un seul cours. Pas un. Je venais même quand ils étaient annulés. Je relisais mes notes. Je rendais tous les devoirs demandés. Je travaillais toutes les questions d’examens, alors même qu’on sait très bien que « le sujet de linguistique générale, personne tombe dessus ». M’en fous. J’étais toujours là, au premier rang, alors même que le cours ne me servait strictement à rien – vous pensez, j’avais déjà lu trois fois le bouquin du prof. Mais c’était juste pour éviter d’être absent le jour où j’apprendrais quelque chose.

Quaterio, je suis un indécrottable de YouTube. Je peux visionner des gigabytes de vidéos toute la nuit, en papillonnant de liens en liens, rien que pour être sûr que je n’ai rien manqué. Mon espoir secret et de voir la totalité des vidéos présente sur le site. Au fond de moi, je sais que c’est mathématiquement impossible, mais je tente quand même le coup. Je visionne les vidéos les plus consultées, les plus commentées, les favorites, blah blah blah, jusqu’à ce que j’aie comme l’impression de déjà vu. Comme ça je suis sûr de pouvoir répondre « ah ouais, je l’ai vu aussi » quand quelqu’un me parle de « la vidéo avec le mec qui fait l’évolution de la danse à travers les âges, tu sais ».

Quinto, je suis incapable de dire non à quelqu’un qui me propose un plan. Que ce soit une animation d’impro pourrie ou un cortège de fanfare, une séance de badminton (juste une partie, allez!) ou une soirée-jeux (juste quatorze parties, allez!), une pièce de théâtre ou un opéra contemporain, je m’embarque. Roulez, jeunesse! Je me dis que ça sera déjà tout ça de fait sur ma liste. Et dans les rares cas où je refuse – généralement, c’est quand on m’invite à deux trucs en même temps – je me morfond d’avoir loupé LE truc qui aurait fait de moi un homme un peu plus complet.

Tout cela fait de moi un pervers de l’exhaustivé. Et pourtant, pourtant. Je mourrai incomplet. De n’avoir pas fait mille et mille choses.

Tiens, je parie qu’en arrivant devant La Mort, je serai encore assez débile pour lui dire: « Ça, c’est fait! »

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La gare d’Yverdon bouge!

Okay, elles ont largement passé la date de péremption, mais voilà deux vidéos qui parlent de la gare d’Yverdon-les-Bains. La première est un bijou d’ironie dramatique, avez Michel di Tria dans le rôle du reporter qui lutte pour garder son calme.

Et dans la catégorie « film d’anti-propagande de l’UDC », une démonstration de la force argumentative de son délégué au Conseil Communal de la ville, j’ai nommé Fabien Richard. Pour la petite histoire, le groupe yverdonnois de l’UDC s’est positionné en faveur de l’introduction de caméras de vidéosurveillance à la gare d’Yverdon-les-Bains. Voilà qui va enfin éduquer cette satané population, ha ha ha.

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Pour répondre aux gaillards qui encensent la liberté

Parmi les blogs les plus célèbres de WordPress, on compte soit 1) des blogs à ragots qui parlent de la dernière frasque de Justin Timberlake 2) des blogs technologiques qui parlent de la dernière fourre iMac tellement hype 3) des blogs libéraux, libertaires, libertariens, qui prônent l’abandon de l’État Social, la liberté individuelle comme valeur prééminente et la désobéissance civique en ce qui concerne les impôts.

Précisons que je ne suis ni un fan de Britney, ni un geek. Je ne lis donc que certains blogs de libertaires, qui ont au moins le mérite de stimuler ma réflexion politique. Mais je suis rarement d’accord avec ces gaillards, et je suis à chaque fois très embêté de ne pas savoir quoi leur répondre à la face.

L’autre jour, je fouine dans ma bibliothèque, et je retrouve Le Prophète de Khalil Gibran, qu’une amie m’avait offert. Je connaissais quelques-un des textes, parce que tous les mariés du monde semblent s’être donné le mot pour lire les pages trente-six à trente-sept, qui parlent du Mariage, de l’Amour, bla bla bla. Comme si on pouvait écrire des textes sur un sujet aussi grave.

Bref, je finis par tomber sur un passage qui parle de la liberté. Et c’était la réponse que je cherchais:

Un orateur dit: Parle-nous de la Liberté.

[Le Prophète] répondit:

Aux portes de la ville et auprès des foyers, je vous ai vus prosternés dans l’adoration de votre liberté,

Comme des esclaves s’humiliant devant un tyran et le louant cependant qu’il les massacre.

Oui, dans le bosquet du temple et à l’ombre de la citadelle, j’ai vu les plus libres d’entre vous porter leur liberté comme un joug et des menottes.

Mon coeur a saigné, car vous ne pourrez être libres que si le désir même de liberté devient pour vous une attelle et si vous cessez de parler de liberté comme d’un but et d’un accomplissement.

Vous serez libres, pleinement, lorsque vos jours n’étant pas délivrés de tout souci et vos nuits de toute peine,

Vous saurez, avec toutes ces restrictions encerclant vos existences, vous élever au-dessus d’elles, nus et affranchis.

Et comment vous élever au-dessus de vos jours et de vos nuits si vous ne rompez pas les chaînes que vous avez vous-mêmes, à l’aube de votre entendement, attachées autour de votre zénith?

En vérité, ce que vous nommez liberté est la plus solide de ces chaînes, bien que ses maillons étincellent au soleil et éblouissent vos yeux.

[…]

Si c’est un tyran que vous voulez détrôner, veillez d’abord à ce que son trône, érigé en vous-mêmes, soit détruit.

[…]

Si c’est un souci que vous voulez écarter, sachez que ce souci a été choisi par vous plus qu’il ne vous a été imposé.

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