Je sais pas pour vous, mais j’ai de la peine à NE PAS finir une boîte de chocolat.
Même chose au restaurant: si on me propose le « menu dégustation », qui réunit toutes les spécialités du coin dans des petites portions, c’est fini, je commande à la serveuse avec un rictus sardonique au coin des lèvres. Ou alors, si je suis en Écosse, il me faut mon haggis, la fameuse panse de brebis farcie, dont tout le monde dit qu’elle est dégueulasse, mais moi j’étais tombé sur une bonne, ça dépend du boucher, c’est comme le boudin.
Donc si je suis en Écosse, je vais vous faire tous les restos d’Edinburgh jusqu’à avoir the plat pittoresque, comme disent les-z-anglais, le célèbre truc qui fait que je pourrais dire à tout le monde que j’ai mangé du haggis. Le truc qui rendra mon voyage complet. Le truc qui me fera tendre vers l’exhaustivité. Comme ça, je peux désormais dire: « Ça, c’est fait! ».
Ben ouais, c’est comme ça, toute ma vie est une longue liste de choses à faire. Et j’ai la misérable vanité de croire encore que je pourrais tout faire, ha ha ha, quel naïf ce mec, oui mais ce mec c’est moi. Et ma vie est un enfer depuis que je souhaite mourir complet.
Primo, quand je joue à l’ordinateur, je ne m’arrête pas avant de finir le jeu. Ça peut faire trois semaines que je joue à Magic: Empire of Kingdom en mode « difficile », j’insiste pour finir le jeu. Il peut y avoir une pile de copies qui m’attendent à la salle des maîtres, rien à faire, je finis le jeu. Il peut y avoir des codes sur supersoluces.com, je les ignore galamment et je finis le jeu. Et je pousse la délicatesse jusqu’à le recommencer en mode « expert »encore une fois et à LE FINIR.
Deuzio, quand je vais dans une soirée, je suis le dernier à rentrer. Ça peut être une fête du slip sans nom, une orgie pathétique sans espoir ou une partouze sans filles, je m’en contrefous, je RESTE. C’est comme si je voulais être sûr que rien ne va se passer sans moi, une espèce de mégalomanie à vouloir être toujours dans les bons – ou les mauvais – coups.
Tertio, j’ai fait une brillante carrière universitaire. Sans fausse modestie. Et tout ça, parce que je n’ai pas manqué un seul cours. Pas un. Je venais même quand ils étaient annulés. Je relisais mes notes. Je rendais tous les devoirs demandés. Je travaillais toutes les questions d’examens, alors même qu’on sait très bien que « le sujet de linguistique générale, personne tombe dessus ». M’en fous. J’étais toujours là, au premier rang, alors même que le cours ne me servait strictement à rien – vous pensez, j’avais déjà lu trois fois le bouquin du prof. Mais c’était juste pour éviter d’être absent le jour où j’apprendrais quelque chose.
Quaterio, je suis un indécrottable de YouTube. Je peux visionner des gigabytes de vidéos toute la nuit, en papillonnant de liens en liens, rien que pour être sûr que je n’ai rien manqué. Mon espoir secret et de voir la totalité des vidéos présente sur le site. Au fond de moi, je sais que c’est mathématiquement impossible, mais je tente quand même le coup. Je visionne les vidéos les plus consultées, les plus commentées, les favorites, blah blah blah, jusqu’à ce que j’aie comme l’impression de déjà vu. Comme ça je suis sûr de pouvoir répondre « ah ouais, je l’ai vu aussi » quand quelqu’un me parle de « la vidéo avec le mec qui fait l’évolution de la danse à travers les âges, tu sais ».
Quinto, je suis incapable de dire non à quelqu’un qui me propose un plan. Que ce soit une animation d’impro pourrie ou un cortège de fanfare, une séance de badminton (juste une partie, allez!) ou une soirée-jeux (juste quatorze parties, allez!), une pièce de théâtre ou un opéra contemporain, je m’embarque. Roulez, jeunesse! Je me dis que ça sera déjà tout ça de fait sur ma liste. Et dans les rares cas où je refuse – généralement, c’est quand on m’invite à deux trucs en même temps – je me morfond d’avoir loupé LE truc qui aurait fait de moi un homme un peu plus complet.
Tout cela fait de moi un pervers de l’exhaustivé. Et pourtant, pourtant. Je mourrai incomplet. De n’avoir pas fait mille et mille choses.
Tiens, je parie qu’en arrivant devant La Mort, je serai encore assez débile pour lui dire: « Ça, c’est fait! »
Cher Finpoil…
Je pensais être un malade…
Mais toi…
Oui, c’est frustrant de se sentir incomplet. Personnellement cette notion se rattache à la monotonie, à la sensation d’être inutile, de ne savoir rien faire. Tout cela engendrant une soif de création permanente… En tous cas moi je pense, après avoir lu ton article, que c’est une très belle philosophie de vie, que de toujours vouloir tout faire, et de ne jamais refuser quelque chose.
Bonne route à toi, pleine de découverte et de créations en tout genre.
Guyb
Tout finir, je ne sais pas si
😉
Salut Finpoil, j’aime bien ce post où tu mets un peu de toi. Le risque, c’est qu’on y réponde, et c’est d’ailleurs ce que je vais faire.
Je me reconnais un peu dans ce que tu dis, pas pour tout, mais notamment les soirées avec les potes, l’exhaustivité dans ce qu’on découvre (dans un pays, ou en cours). A la fac, j’étais comme ça aussi. Je ne compte pas le nombre de gens qui ont photocopié mes cours parce que chaque mot qu’avait prononcé le prof était écrit sur mes notes. C’est ce qui m’a permis d’y réussir brillament, ça et le fait que ça me passionnait.
Mais je me reconnais aussi dans cette mégalomanie, dont tu parles. Cette super nécessité d’être sûr de ne rien louper. Avec rien ni personne. Et je crois que c’est parfois quelque chose qui empêche de faire des choix, de découvrir des choses sans les contrôler, de laisser l’extérieur faire émerger quelque chose à l’intérieur, sans qu’on s’y attende. J’aime approfondir, en étant là partout, découvrir un peu plus, mais quand il m’arrive de faire le choix d’être ailleurs, seule, il y a toujours quelque chose qui en ressort. Et ça devient une chose de plus à approfondir. Et puis viennent s’en rajouter encore d’autres. Et là, de nouveaux choix: lesquelles ai-je réellement envie d’approfondir? Si je ne suis pas claire, fais moi signe 🙂
A bientôt!
Okay, merci à tous pour ces jolis prolongements, mais attention: je voulais plutôt faire un mea culpa qu’une recette de vie, hein! Je pense que tendre vers l’exhaustivité n’est justement PAS une bonne manière de vivre sa vie.
Lily, quand tu parles de sélection, je te rejoins parfaitement: c’est la sélection (y compris dans les notes de cours) qui est plus efficace et plus « complète », quelque part, puisqu’on arrive à englober plus de choses de manières plus générales.
@Onzerod,
Ça, c’est vraiment
Et moi aussi je joue a l,ordinateur et je finis le jeu.
a bientot!
Moi je suis pas exhaustif et je séléctionne. Démonstration:
J’en suis pas pour le 13 décembre (à moins d’une écatombes et que je sois le dernier)!
Mia?!
P.S. j’aimerais bien la fameuse recette du crumble de tata Jojo
A+
Le geai en mât-tronc
Mouais… j’ai toujours su que t’avais un grain. lol
C’était que du plaisir d’être au premier rang avec toi à l’uni (avec tous les fous rires qu’on a piqués jsuis sûre que t’en as loupé des trucs, hi hi), bien que moi, j’en ai loupé quelques-uns des cours, et tu sais quoi? J’ai aussi super bien réussi l’uni ;-), peut-être grâce à tes notes ;-).
Mmmm, ne m’as-tu pas photocopié mes notes à une ou deux rares occasions……….?
Donc ben, te fatigue pas, comme tu dis, tu pourras jamais tout faire! D’ailleurs, tu sais quelle est ma réponse pour trouver la paix?
A+++
PS. Il se pourrait très bien que je me retrouve à la HEP Vd l’année prochaine… Je t’en demanderai donc peut-être un ptit compte-rendu prochainement.