Lundi passé j’ai regardé le magazine 36,9° sur les liens entre microbiote et humeur. Très joli, plutôt bien mené, mais c’était juste la preuve que « On est ce que l’on mange« , qui relève un peu du bon sens : si je me bourre de cornets à la crème-à-la-vanille-au-sucre-glace, c’est assez normal que je saute aux murs en mode hyperactif sur un circuit de Formule Un avec Cyril Hanouna comme copilote.
Fun fact : il y a une semaine, le conseil national refusait une initiative pour limiter l’usage du sucre dans les aliments. La libre responsabilité des consommateurs et consommatrices. Rigolo de voir que notre liberté / responsabilité est tout à coup très bien défendue quand il s’agit de bouffer des bonbons et nous rendre diabétiques pour faire ensuite exploser les coups de la santé.
Food for thought : on s’intéresse beaucoup à ce qui entre dans notre ventre, mais relativement peu à ce qui déboule dans notre tête. On pourrait imaginer parler un peu plus de diététique culturelle : il y aurait des gens pour vous mettre au régime-sans-téléjournal, ou vous conseiller quelles fictions regarder – « Vous souffrez d’éco-anxiété ? Lisez Ecotopia ou allez voir Toutes les choses géniales, voilà qui devrait vous remettre sur pied. »
Vers 2017, j’ai commencé à consulter la liste des 250 films les mieux notés sur IMDb : une compilation des films qui ont reçu des meilleures notes par les utilisateurs « érudits », ce qui veut dire que si vous avez mis 5 étoiles à Ace Ventura mais que c’est le seul film que vous ayez noté, vous êtes jugé moins crédible qu’une adhérente qui a mis trois étoiles à Titanic mais a noté 273 films (ce qui paraît plutôt sensé). Bref, j’ai commencé à regarder la liste dans l’ordre. Qu’on soit bien d’accord, hein : j’ai pas fait QUE ça de mes journées. C’est juste que quand j’avais une heure de libre, je regardais un bout de demi-film que je terminais le lendemain. Bien tranquillou avec un frichti de légumes poêlés au reste du frigo, je matais Les Evadés à ma pause de midi. Puis je dégustais des asperges-mayo devant Usual Suspects. Et ainsi de suite, jusqu’à avoir totalisé 76 films vus sur les 100 premiers (et après il y a eu la pandémie).
Premier effet : je suis devenu incollable sur les classiques.
Deuxième effet : je suis devenu exigeant en terme de cinéma. Habitué à la crème de la crème, à du Hitchcock platinum et à du Coppola deluxe, j’ai désormais de la peine à mater un film médiocre. Je me suis rendu compte à quel point la télévision proposait des téléfilms mal écrits, mal joués, mal montés. Et comme le dit Catherine Price dans The Power of Fun, on peut s’habituer à une espèce de semi-fun, de divertissement léger qui nous fait bandouiller par intermittence, une semi-molle télévisuelle, une espèce de soupe qu’on se force à boire parce que finalement, on est pas mal sur ce canapé, non ?

(ma traduction décomplexée) « C’est marrant de voir à quel point c’est socialement acceptable de conseiller à quelqu’un de passer 10 à 15 heures devant une série à la télé; alors que si c’était un film… »
Et donc.
Si vous vous habituez à un régime de bonne nourriture culturelle, vous élevez votre niveau d’exigence.
Oh yeah, vous vous dites que je ne suis qu’un cinéphile pédant et arrogant, gourmet et peine-à-jouir. Well… c’est inexact : je peux encore voir des merdes, mais je les vois avec la tendresse de Roger Federer qui regarderait un débutant jouer au tennis.
(Cadeau bonux : ça marche aussi avec la musique, les bouquins et les informations d’actualité.
Je discutais avec un pote qui me disait sombrer dans une torpeur éco-anxieuse à chaque nouvelle news sur le climat qui apparaissait sur son fil d’actualité Instagram. Délivrez-vous des réseaux sociaux. Vous êtes ce que vous mangez.)