J’ai reçu récemment (et plusieurs fois) sur mon profil Facebook l’énigme suivante:
Whats wrong here
AAA
BBB
CCC
DDD
EEE
FFF
GGG
HHH
III
JJJ
KKK
LLL
MMM
NNN
OOO
PPP
QQQ
RRR
SSS
TTT
UUU
VVV
WWW
XXX
YYY
ZZZDid you know that 80% of UCSD students could not find the error above? Repost this with the title « what’s wrong here », and when you click « post « , the answer will be really obvious.
Bien sûr, j’ai soigneusement évité de forwarder ce message, parce que je me méfiais d’un spam. Mais comme je suis un poil joueur, je me suis dit que j’allais tenter une recherche des solutions possibles, en visitant les forums de gens qui comme moi veulent toujours avoir le dernier mot. J’ai donc trouvé une épéclée de variantes possibles dans la formulation de l’énigme, et tout autant d’hypothèses à proposer.
Je vais donc tenter d’en dresser l’inventaire plus ou moins passionnant pour démontrer que les internautes ont développé des trésors d’imagination pour « trouver » des erreurs. Ça me fait bien penser à certains tests de créativité qui vous présentent une tâche impossible à résoudre (imaginer le maximum d’utilisation différente d’une brique, par exemple) pour évaluer votre productivité créatrice.
Je sens maintenant poindre dans vos yeux un intérêt certain; je suis même prêt à parier mon chat que vous avez déjà relu trois fois la liste pour voir où était l’erreur. C’est normal: si on vous dit en bas de mail que « 80% des étudiants de l’Université de Californie de San Diego n’ont pas trouvé l’erreur », vous cherchez naturellement à faire mieux qu’eux. Et c’est une des explications du succès de ce spam.
Alors, voyons les réponses envisageables, voulez-vous?
1) La piste grammaticale
L’erreur serait dans la question même de l’énigme: « whats » plutôt que « what’s ». C’est l’hypothèse la plus plausible, puisque la question est correctement orthographiée dans la fin du message. Mais c’est pas vraiment rigolo, comme énigme, alors. On peut aussi se dire que l’absence de point d’interrogation relève d’une erreur.
2) La piste typographique
L’erreur, selon certains (qui ont poussé le vice jusqu’à vérifier le code-source de chaque lettre) serait dans l’insertion de caractères « semblables » aux lettres attendues. Par exemple, trois L minuscules pour les trois « i ». Ou alors trois zéros pour les trois « o ». Ou alors deux V insérés entre les « w », ah ahaaa, quelle sacrée feinte. Mais toujours pas de quoi se rouler par terre.
3) La piste informationnelle
Certains internautes pensent que la statistique de 80% est erronée, et donc qu’il y a erreur; d’autres pensent que ce n’est pas la bonne université qui est mentionnée. Quelle bonne blague, ha ha, qu’est-ce qu’on rigole sur FaceBook.
4) La piste logique
À mon avis, c’est le genre de raisonnement le plus intéressant. Mais là, il faut s’accrocher, parce qu’il y a plusieurs théories parallèles qui fonctionnent toutes indépendamment:
– Si l’on part du principe (prémisse 1) que la question initiale vise la liste, et qu’il n’y a pas d’erreur dans la liste (prémisse 2), alors nous sommes devant un paradoxe (conclusion), qui démolit donc notre premier prémisse; ce paradoxe est donc une erreur. « Tous les Crétois sont des menteurs », comme disait Épiménide.
– Une variante de l’énigme comportait encore la mention: « It’s impossible » après la liste. Si l’on part du principe que l’énigme est bel et bien impossible à résoudre (prémisse 1) et que 20% des étudiants ont tout de même réussi à la résoudre (prémisse 2), alors notre conclusion est de nouveau paradoxale car elle démolit notre premier prémisse.
– Si l’on part du principe que la question finale est littérale, alors on devrait lire: 80% of UCSD students could not find « the error » above? Comme l’occurrence « the error » n’apparaît pas dans liste, voilà l’erreur. Comme si je vous demandais: « Cinq suissesses sucent des cerises. Combien de « s » il y a dans cette phrase? ». La réponse est 1, puisqu’il y a un S dans « cette phrase ». Ha ha ha hi.
5) La piste philosophique (un peu de bon sens)
Ni la liste, ni l’énigme ne comportent d’erreur. La solution est à chercher dans le contexte, à savoir:
– c’est une erreur de se pencher sur une énigme aussi futile, qui plus est n’ayant pas de solution apparente;
– c’est une erreur de vouloir se comparer aux 20% des étudiants doués de l’Université de San Diego;
– c’est une erreur de transmettre ce message à ses amis (si on les aime, on ne va pas chercher à les torturer avec une énigme sans solution);
– le KKK est une erreur, puisqu’il représente une organisation raciste, et que les racistes sont des erreurs;
– réciter l’alphabet avec trois lettres chaque fois est une erreur;
Moralité: qu’est-ce qu’on se marre sur FaceBook.
D’autres blogueurs se sont lancés dans un inventaire des réponses possibles: citons bbxdesign.com, et Bleebot qui lance une réflexion intéressante sur la naïveté des FaceBookers et la quantité de spam générée par le site.
Le plus intéressant à retenir, dans cette énigme, c’est sa capacité à nous culpabiliser de ne pas la résoudre. Un teasing magistral qui a réussi à en faire mousser plus d’un. Un peu comme si je vous disais qu’il y a une faute d’orthographe dans ce billet, et que 78% des mes élèves du cycle initial l’avaient trouvée en moins de 3 minutes…
Alors? Prêt pour une relecture?










