Choses politiques, Improvisation et créativité

Connaître, c’est organiser un peu mieux

J’avais déjà parlé ici de l’importance du doute, qui résumait les enjeux de l’intelligence post-formelle, le stade où vous commencez à être assez malin pour accepter que deux idées contradictoires dialoguent en même temps dans votre caboche.

En gros, je voulais donc dire que plus on comprend de choses, moins on arrive à les exprimer clairement, parce qu’on a envie de tenir compte de toutes les exceptions.

Mais la vie n’est pas si cruelle: si vous comprenez mieux les choses, vous arrivez au moins à mieux les organiser sur le papier, à défaut d’être limpide à l’oral. Par exemple, j’ai eu la surprise d’assister aujourd’hui à un cours de didactique d’anglais sur le même sujet que l’an passé – une bizarre impression de déjà vu, en fait – et j’ai remarqué que je pouvais donc organiser mes notes d’une manière beaucoup plus visuelle et schématique et belle et poétique et publiable. Ça donnait quelque chose comme ça, qui est assez beau, vous en conviendrez j’espère: (droits réservés)

Didactique d’anglais, 29 oct 07

Je me suis donc empressé d’en tirer la conclusion absolument hâtive que voici: « mieux on comprend une matière, mieux on l’organise. » Et je me suis rendu compte que c’était une conclusion absolument éronnée – ha ha ha- petit fripon tu vas trop vite: la preuve par ce brillant contre-exemple, qui résume le programme de l’UDC pour la Suisse.

Le programme 2007-2022 de l’UDC

Dès lors, on peut donc se dire que ce sont les visions les plus simples de la réalité qui en sont les plus distordues. Du coup, je retombe sur ma première conclusion en me disant qu’il ne suffit pas d’organiser la matière de la connaissance: il faut aussi tendre à l’exhaustivité. Autrement dit: mieux on comprend une matière, mieux on doit organiser TOUS les nombreux éléments qui la composent. Avec la politique de l’immigration, ça donnerait quelque chose comme ça:

En tenant compte de plus d’éléments pertinents…

Ce qui est drôle, c’est que lorsque j’ai commencé l’improvisation théâtrale, je pensais que c’était une question de don: il y avait ceux qui pouvaient inventer des histoires à tours de bras, et il y avait les autres. Et puis le temps a passé, en lisant des bouquins je me suis dit Oh non, l’impro c’est juste une série de règles qu’il faut maîtriser (Gravel), genre pas poser de questions et être bon en mime, et puis voilà. Ha ha ha, quand j’y repense ça me fait rigoler, hi hi hi.

Et puis après, j’ai lu d’autres bouquin (Napier) qui m’ont montré que les règles étaient mal faites, parce qu’elles avaient été construites sur les mauvaises impros, et qu’on ne pouvait pas très bien apprendre avec une liste de « ne faites pas… »: il y avait beaucoup d’interdits en impro, mais pas assez de bons conseils. Alors je suis retournés vers les bouquins plus compliqués que je n’avais pas encore compris complètement (Johnstone) et j’ai pu mettre un peu plus d’ordre dans mes schémas intimes.

Et l’année passée j’aurais pu vous tenir une théorie fascinante sur les cinq aspects de l’impro (Spontanéité, Personnage, Écoute, Construction et Techniques) qui entraient dans un système fabuleux où tout se tenait parfaitement comme un programme américain pour maigrir en 34 jours. Par exemple avec les premières lettres, ça fait SPECT et on dirait un moyen mnémotechnique qui conclut une belle présentation powerpoint. Et finalement, ce système SPECT, j’y crois plus trop, j’ai un nouveau système dans la tête, maintenant. Beaucoup plus simple et plus efficace.

En guise de conclusion, j’aimerais donc répéter l’importance du doute: après tout, Piaget a bien montré qu’il fallait remettre en question sa représentation du monde pour accéder à un nouveau stade cognitif, et Scott Peck parle de carte mentale périmée pour décrire une vision du monde qui ne fonctionne plus.

Et paradoxalement, je ne suis plus très sûr de tout cela.

Je doute, ma foi.

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Les gens qui ont un chat

Il faut toujours se méfier des gens qui possèdent un chat.

Les chats, c’est très exigeant, j’en ai un, je connais. Y’a qu’à les regarder se laver pour s’en rendre compte : un chat, ça se lave avec précision, avec méticulosité, avec acharnement, avec désespoir. Un chat, ça se lèche n’importe où, même là où je ne me lècherais pas même après un bon bain chaud. Bref, un chat, ça va jusque au bout des choses.

Tibert se lèche les c**illes

Les propriétaires des chats les habituent mal. Souvent, ils leur mettent une caisse à litière sur le balcon, en se disant, bah, Caramel – c’est son nom –, il va aller faire ses besoins sur le balcon ; il grattera quand il aura besoin. Ils se disent ça, mais deux jours après, Caramel a laissé un infâme colimaçon sur le tapis turc du salon. Alors comme les propriétaires n’aiment pas trop nettoyer ça, ils se disent, bah, on va mettre la caisse à litière à l’intérieur, ça sentira un peu, mais on achètera un peu de déodorisant d’intérieur.

Et là, du coup, ils se rappellent la publicité à la télé avec « l’ange qui garde la maison, Fresh abricot, oui mais c’est Fresh abricot, oui mais c’est frais ». Qu’on ne vienne pas me dire que les publicités n’atteignent pas leur public ; simplement, les publicités nous atteignent là où on les attend le moins.

Bref, revenons à nos crottes de chats.

Ensuite, donc, Caramel recommence à pondre des trucs bruns un peu partout dans la maison. Alors les propriétaires décident d’installer une chatière à la porte-fenêtre du salon, comme ça, il pourra sortir, après tout, c’est un animal sauvage, à la base, ha ha ha. Comme ça, tout le monde est content : les propriétaires ne sentent plus les cacas, le chat peut sortir, et le menuisier peut faire un devis de 200 francs.

Donc le chat est exigeant avec son hygiène. Mais il est aussi exigeant avec sa nourriture.

D’abord, on s’est dit, ah, mais, on lui donnera les restes du repas, du riz avec la sauce du rôti, il va adorer ça. Alors Caramel se tape les restes pendant 3 semaines, puis il bouffe à peu près tout, pourvu que ça ait le goût de viande. Après, comme l’aînée de la famille vit sa période végétarienne, le riz commence à n’avoir plus assez le goût de viande. Alors Caramel ne fait qu’entamer son assiette. Puis il n’entame plus rien du tout. Enfin, il entame une grève de la fin.
Alors les propriétaires, coupables, se disent, ah, mais, ça fait rien, on va lui donner des croquettes, il y a des Migros Budget en sacs de cinquante kilos, la voisine en donne à tous les chats du quartier, ça doit marcher ça, et pour pas cher en plus. Et tout le monde est content : Caramel, parce qu’il mange des croquettes trop bonnes avec une éclaffée d’appétants chimiques, la Migros parce qu’elle se fait des c**illes en or sur sa gamme Budget, et Mme Ronchin du troisième parce qu’elle n’a plus à nourrir que huit matous miteux.

Mais c’est pas fini. Ben ouais. Sinon j’aurais mis un point.

Non, après, Caramel se dit que les croquettes, c’est pas mal, mais ça a toujours le même goût. Toujours, toujours, toujours, toujours, toujours, toujours le même. Vraiment toujours. Croyez-moi, ou alors essayez. Bref, Caramel, il en marre des croquettes Migros Budget. Alors les propriétaires se disent, ouais, c’est vrai, ça doit pas être très varié de manger toujours toujours toujours toujours les mêmes croquettes, on va acheter celles au mouton. Ça tient trois semaines avec le mouton, mais Caramel rechute. Nouvelle anorexie. Alors on passe au poulet. Ça tient deux semaines. On passe au lapin. Tient deux semaines et demie (c’est meilleur que le poulet, le lapin).

Et puis après, on lui achète des boîtes, comme ça, se disent les propriétaires, on lui donnera moins de lait, parce que c’est déjà humide, comme le dit la notice, donc il lui faut moins de liquides. Avec les boîtes, c’est de nouveau la parillade des quatre viandes : lapin-poulet-veau-mouton. On trouve parfois du bœuf, dans les magasins spécialisés. Là, le bœuf, il tient plus longtemps. Après cinq semaines, Caramel n’est toujours pas lassé. Alors on y croit, on se met à espérer qu’il a trouvé chaussure à son pied. On fait du stock. On commence à tutoyer la nana du magasin spécialisé. On fait même des projets de vacances.

Mais il faut bientôt déchanter. Caramel n’en veut plus, de ses boîtes au bœuf. Caramel veut plus. Caramel veut mieux. Les chats sont comme ça.

Tibert s’en pourlèche les babines

Bon, se disent les propriétaires, eh bien, il n’y a qu’à lui cuisiner une petite portion à part, après tout, la grande adolescente s’est remise à la viande, le chat va suivre, ça ne peut pas être mauvais, de la viande crue, au début on mettra beaucoup de riz et de légumes.

Caramel adore. Il se gave de viande hachée, prend un peu de haricots et de tofu, mais c’est pour faire plaisir à la cuisinière. Caramel se pourlèche les babines de vrai poulet, de vraie tranche de veau et de vrai steak de bœuf.

Et puis.

Et puis, oui, bien sûr, Caramel se lasse même de ça. Les chats sont comme ça, ils sont exigeants ; ils en veulent toujours plus. Alors on cherche les viandes les plus exotiques : du steak de bison, du médaillon d’autruche, du filet de kangourou. Des mignons de yack, des rognons d’ara, des cuisses de jaguar (ça vous choque ? oui, les félins se mangent entre eux). On doit chercher de plus en plus loin dans la ville, et dans son imagination : des cuissots de lièvre, des joues de chimpanzé, des tendrons de gorille ; des nappelettes de mulots, des poutades d’okapi, des loupiots de zéphyr.

Mais Caramel se lasse encore une fois.

Les propriétaires sont à bout. Ils ne savent plus quelle viande lui offrir.
C’est drôle, Mme Ronchin a disparu.

Caramel a recommencé à s’alimenter.

Il faut toujours se méfier des gens qui possèdent un chat.

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Crop Circle

Le champ de Corcelles-près-Payerne (Vaud, Suisse, Europe) qui avait été le support d’un majestueux crop circle a été fauché hier soir. D’après les estimations de l’agriculteur-propriétaire (relayées par le quotidien 24Heures), environ 5000 personnes auraient défilé sur le site pendant les dix jours où le cercle était visible. Un amalgame hétéroclite de paisibles illuminés: spécialistes des phénomènes étranges, raëliens et gogos de tout poil voulaient « toucher » le phénomène, en « sentir » les énergies positives.

Moi je pense que tout ça c’est des branquignoleries, et que ce crop circle – comme tous les autres – n’est rien d’autre que le fait d’une poignée de sacrés farceurs.

Cat Circle

D’abord, il y a l’idée du cercle.

Les gens sont naturellement fascinés par cette forme géométrique, et puis parce que le « cercle est dessiné avec une précision formidable, ça peut quand même pas être des hommes qui ont fait ça« . Bigre! De toute évidence, les gens qui avancent ce genre d’arguments n’ont jamais utilisé un compas. Ce qui dénonce encore les manques flagrants de notre école vaudoise. Pourtant, avec une corde de 30 mètres et un piquet, je vous garantis que je peux tracer un cercle de 30 mètres. Dingue, non?

Mais ce n’est pas tout. Les gens sont fascinés par le cercle parce que ce motif nous évoque quelque chose d’universel, de parfait. Le cercle, c’est le symbole de l’unité, de la Terre, du Soleil. Et puis un cercle, c’est tout simplement beau. Alors les gens pensent que c’est forcément une créature venue du chaos qui leur a laissé un signe simple et parfait, tellement « super », tellement « génial ». Mais ils oublient que le symbole du cercle, ça ne marche a priori que pour les Humains. Vous les imaginez, vous, les designers de la planète Zglurb, se penchant sur les messages qu’ils aimeraient inscrire sur une nouvelle planète: « Eh bien, mon cher Brfifkt, je vous propose de faire une empreinte de cercle dans un champ, pour mieux communiquer l’idée de l’universalité et de la globalité; en plus, les Terriens vont accueillir notre symbole comme un signe de paix et de perfection. Et puis de toute façon, un crop losange, c’est super-compliqué à faire. »

Ha ha ha.

Bon, ensuite, il y a l’idée du champ de céréales.

Ah ben ouais, on a pas beaucoup vu de crop circles dans les champ de betteraves. Fichtre! C’est que c’est pas couchable la betterave, et c’est sacrèment plus compliqué à arracher. Tandis que le blé, l’avoine et le maïs, ça s’écrase sans forcer (et ça fait le bonheur de la moisonneuse-batteuse, tu parles). Là encore, j’imagine mal Brfifkt souffler à Zgrtübg que « oui, dans ce champ de seigle, ça va le faire; non, surtout pas déborder dans les patates, le coucheur-d’épis-O-tron ne le supporterait pas. »

Ce que je veux dire avec ça, c’est que les Terriens sont beaucoup trop concrets dans les signes qu’ils espèrent de Brfifkt et Zgrtübg. Des cercles de cultures, c’est beaucoup trop terro-centré, ma pauvre dame. C’est quand même regrettable que ce qu’on attend chez l’Autre, c’est toujours ce qu’on aime chez soi.

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Orly est mort

Sur le bédé-blog de Trondheim, on apprend que son chat Orly est mort, écrasé par la porte du garage. Alors bon, je sais pas vraiment si c’est fiction ou réalité, mais ça fait quand même bizarre de voir rappliquer en ligne cette bonne vieille mort qu’on oublie le trois quart du temps. Mais j’ai pas de garage, alors je me fais pas de souci pour Tibert.

Tibert dans l’incertitude

Mon cousin va se faire opérer demain; un gros truc, ils vont lui ouvrir le cerveau, parce qu’il a eu une vraie merde il y a plusieurs années, une rupture d’anévrisme ou un truc du genre, la malformation d’une veine dans le cerveau qui éclate tout d’un coup, le genre de bombe à retardement avec laquelle tout le monde se trimbale et qui t’explose à la gueule si c’est pas de bol. Et là, c’était pas de bol pour lui.

Alors demain ils vont lui ouvrir un bout du crâne pour lui faire une opération assistée par un robot, le gros souci qui transforme nos utiles activités en futiles puérilités; pas vraiment le truc qui vous donne la pêche un lundi de Pâques, alors que Jésus est mort (ouais ouais, et ressucité tu parles) vendredi passé. À mon cousin, ils vont lui mettre des boulons à trois endroits, il m’a expliqué que c’était comme un GPS, ils font une triangulation en trois dimensions pour être plus précis pendant l’opération. Bla bla bla, tout ça c’est rien que de la technologie, est-ce que vous croyez que ça me rassurerait plus si vous me disiez que vous vous êtes très bien lavés les mains avant?

C’est marrant ça, on s’entoure de tout plein de progrès et de machines qui font bip-bip en aluminium, des trucs rutilants que les hôpitaux se targuent d’avoir parce que « c’est le seul électro-scanner-o-gramme d’Europe, et c’est nous qui l’avons » et on est pas rassuré pour autant. Gérer l’incertitude, voilà le vrai défi du sage.

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Mozart, et du café soluble

Je viens d’un petit village. Actuellement j’habite à la grande ville, mais à l’origine, je viens d’un petit village. Un petit village de six cents habitants, ou presque. Une bonne centaines de vaches en plus.

Tibert en face d’une sacrée incohérence

Dans les petits villages, il y a les sociétés de village. La fanfare. La gym. Le choeur d’hommes. Le choeur mixte. Le tir. Encore une combine pour boire des verres, elles disent. Et puis chaque année, il y a la soirée annuelle. C’est l’occasion de faire tourner la caisse, et puis ça fait vivre le village, ça permet de se mettre au courant des derniers ragots. Que le syndic trompe sa femme;  qu’elle ne le sait pas encore; qu’il ne pense pas lui dire; qu’elle le saura quand même un jour ou l’autre.

On cause, quoi.

Dans les soirées de village, il y a la première partie. La fanfare met son uniforme et joue ses meilleurs morceaux. Le choeur d’hommes fait un repas et sert ses meilleurs morceaux. Les dames de la gym nous font voir leur derniers morceaux. C’est la première partie.

Ensuite, normal, la deuxième partie. On a invité une autre société, on a fait venir un clown, un prestidigitateur, un comique-pétomane ou une troupe d’improvisateurs. On rigole. On se détend, et on continue à causer. Du syndic et de sa femme.

Entre les deux parties, il y a l’entracte. C’est quelque chose, l’entracte. On annonce quinze minutes, ça dure trois quart d’heure. Tout gamin, c’était la première fois que je comprenais que les adultes pouvaient mentir.

Pendant l’entracte, les jeunes de la société vendent la tombola. Des billets à un franc, qu’on déchire, qu’on déroule, pour tomber soit sur un « merci-d’avoir-joué » sarcastique, soit sur un numéro magique, derrière lequel se cache un lot incroyable. Les lots de la tombola, c’est toute une histoire: les membres de la société sont allés chercher des denrées chez les gens. Des paquets de pâtes, des conserves, des friandises, des bouteilles d’huile. Des services à thé, des pelles à gâteau, des pattes à marmites. Mais aussi des cédés de musique classique, des kits de pâte à modeler, des livres sur la cuisine au micro-ondes. Des trucs que les gens ont chez eux, qu’ils avaient trop honte de donner pendant les fêtes.

Du coup, pour ré-équilibrer la valeur des lots, le caissier de la société a fait des paquets avec les différentes choses: la boîte de cacao est dans un plat à salade, la poupée-Donald est attachée au family pack de ravioli, et Mozart est scotché à du café soluble.

Toute les contradictions du monde dans une tombola.

Parce que c’est ça, l’univers: un paquet de trucs incongrus qui se retrouvent associés on ne sait pas comment. Un gros mélange de tendances qui tirent à tort et à travers. On aime les symphonies de Beethoven parce qu’elles sont dissonantes à un moment donné. On aime les personnages de Shakespeare parce qu’ils ont toujours une petite incohérence. On aime nos femmes parce qu’elles nous tapent (quand même) parfois sur les nerfs.

L’univers, c’est beau parce que c’est pas cohérent.

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Meilleur que moi

Lorsqu’on nous présente un idéal (Dieu / un génie artistique / la paix dans le monde), nous sommes souvent prompts à nous décourager. C’est trop dur, on dit. On va jamais pouvoir. Il reste trop de choses à faire. Et puis c’est les autres qui ont commencé, alors ils fouteront toujours tout par terre.

Une autre stratégie (celle des enfoirés d’idéalistes comme moi) consiste à se motiver: allons-y, mettons-nous au travail. Tendons vers cet idéal. Les autres vont bien finir par suivre.

Tibert, intéressé par une histoire d’en haut

Dans la vie, ça donne quelque chose comme une opposition pessimiste/optimiste, actif/passif, voyeur/acteur porno. En art, on trouve les couples critique/créateur, réactionnaire/créatif; en impro, on a le cabotin/le constructeur; en pédagogie, on a l’innéiste/le constructiviste, bon, okay, je pense que vous avez compris.

Pour moi, on peut y voir deux attitudes face à la vie: d’une part, ceux qui baissent les bras, qui sont fatalistes et qui pensent que la vie est un magma de douleurs et de souffrances, que l’ataraxie ne viendra jamais et que la coke, c’est pas mal. De l’autre côté, il y a ceux qui ont la foi: on peut toujours s’en sortir, on peut toujours changer les choses, il y a toujours quelque chose à faire.

Je me rappelle être sorti d’une salle de concert, un trompettiste avait donné un récital. Une technique grandiose, un talent inouï, le genre de truc qui vous fait des frissons que même si vous détestez la trompette, vous avez eu des frissons dans les organes génitaux. On sort, mon cousin et moi, et il me dit (il fait aussi de la trompette) :

« Woah, putain, un talent pareil, ça dégoûte. »

Moi, je lui répond:

« Non. Un talent pareil, ça fait envie de travailler. »

Dans la vie, on a toujours le choix: être découragé par ce qui est meilleur que nous; ou vouloir l’atteindre.

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Le web 2.0 expliqué à ma maman

Si vous tenez à briller dans les salons mondains, vous aurez de grandes chances d’attirer à vous les regards de la blonde pulpeuse lascivement affalée sur le canapé en amenant dans la conversation la notion de « Web 2.0 ».

Vous pouvez par exemple dire que « nous sommes en train de vivre une révolution web 2.0 » ou que « Google va devoir évoluer s’il veut survivre dans l’environnement Web 2.0 ». Vous pouvez également émailler la conversation de quelques anglicismes à la mode comme YouTube, SecondLife ou MyCatVomitsEverywhere.

Mais tout ça ne nous aide pas encore à comprendre comment-quoi-c’est le Web 2.0.

Tibert se mord la patte arrière gauche pour la punir

Bon. Auparavant, on avait le web 1.0, ça paraît con à dire comme ça, mais l’essentiel de l’Internet, c’était des sites commerciaux, des pages personnelles et des films pornographiques à télécharger. Désormais, les films de boules sont restés, mais en plus, on a des services. Des services pour mettre en ligne ses textes (les blogs), ses vidéos, sa musique, sa maison aux enchères, son slip, son chien, sa belle-mère et son enclume. Désormais, l’Internet nous rend la vie facile (et, je le répète, les films de moeurs légères, eux, subsistent).

Avant, à moins d’être un mordu de l’informatique et de bricoler des transistors dans son garage, on ne pouvait pas changer grand chose à ce qui était sur le Ouèbe. Il fallait être ingénieur-informaticien, maîtriser les « codes », avoir des « mots de passe » et savoir combien d’octets pouvait contenir une disquette. Désormais, on peut changer des articles encyclopédiques comme on change de chaussette (Wikipédia), on communique à tout le monde nos pages favorites (del.icio.us) et on peut blogguer à tout va en publiant des photos de son chat.

Auparavant, on avait de la peine à trouver l’information. Il y avait bien Altavista, Yahoo, Google, mais personne ne savait exactement comment chercher: tout le monde perdait un temps fou à visiter des sites inutiles, le café devenait froid, le chien n’avait plus sa promenade. Désormais, on commence à se faire à l’idée que les liens, les hyperliens, les permaliens sont autant utiles que les pages elles-mêmes. La connaissance n’est rien, sans le chemin de la connaissance. Le nouveau Ouèbe tend à vouloir organiser la matière. Le mouvement « connexioniste » est en marche dans tous les domaines: le frère du neveu de ma mère doit « réseauter » pour trouver du job dans sa banque, mes collègues enseigants forment des « groupes de travail », tout le monde se met à la même table et c’est tant mieux, parce que plus on est de fous, plus on rit.

Maintenant, ce qui est très très bien avec l’évolution de la mise en réseau, c’est que les gens vont avoir un accès beaucoup plus rapide aux choses qui les intéressent. Les utilisateurs vont pouvoir mettre en lien leurs passions, leurs peines et leurs joies, pour que les autres utilisateurs qui ressentent les mêmes choses puissent les trouver et s’apitoyer sur leur sort. Super. Ce qui veut dire que la vie va devenir de plus en plus créative, parce que les idées vont commencer à circuler beaucoup plus vite.

On sait par exemple que le cerveau stocke les informations lexicales en créant des liaisons synaptiques (wouah, trop cool) entre les différents concepts que nous apprenons. Le ouèbe fonctionne sur le même principe, puisqu’il va mettre en relation, en communication, des gens qui ne se seraient pas forcément trouvés sans le réseau des réseaux. Naturellement, cette évolution va faire avancer l’humanité très rapidement vers la sagesse, et j’ai le plaisir de vous annoncer la paix dans le monde pour l’année 2017.

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Pensée en écalage

Ce week-end, j’étais tout absorbé dans mes soirées de fanfare. Sur deux soirs, on prépare des repas pour deux cents personnes, et j’ai participé à la préparation de cuisine. En compagnie de quelques autres fanfarons, j’écalais les oeufs (on peut dire peler les oeufs, mais c’est vachement moins frime; tandis que écaler, c’est le vrai mot: on peut dire écalage, écalons, ou alors que j’écalasse).

Mais je ne veux pas parler de linguistique, bordel.

Tibert, un autre de mes interlocuteurs que j’ennuie passablement

À côté de moi, il y avait un petit gugusse qui me disait qu’il avait une technique du tonnerre pour écaler les oeufs: il en cassait plusieurs, et il arrivait à distinguer ceux qui étaient « faciles » à écaler, et ceux qui l’étaient moins. Du coup, il n’écalait que les oeufs « faciles », tandis que les écaleurs amateurs comme moi, on se tapait les oeufs dont la coquille s’accroche au blanc, si bien que vous pelez non solum la coquille sed etiam les couches de blanc qui viennent avec. Pour un oeuf de bonne taille, vous en arrivez à une couille jaune d’une taille insignifiante qui va faire franchement ridicule dans la salade. Bon.

Alors moi je lui dis, ouais mais hé, si tu écales seulement les oeufs qui vont bien, tu vas plus vite, d’accord-okay, mais tu vas quand même devoir écaler les oeufs qui sont difficiles à la fin. Et là, l’illumination: j’avais touché à la sagesse universelle. Les gens préfèrent les petits plaisirs immédiats aux grands labeurs, promesses de réconfort. Enthousiasmé, je lui dis, ouais, alors si tu écales d’abord les faciles, tu vas finir par les difficiles et tu vas rester sur un méchant souvenir; tu vois, mec, tu devrais commencer par les problèmes difficiles et tu aurais la satisfaction d’avoir des récompenses facile après.

Les autres m’ont dit de fermer ma gueule de philosophe au rabais, vu qu’on avait encore une bonne centaine d’oeufs à écaler et que j’avais intérêt à me grouiller.

Je m’en fous, j’aime bien ma théorie à la con.

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La paix dans le monde

Hier, j’ai écrit un billet sur l’absence de neige, et il a neigé toute la soirée.

Aujourd’hui, je vais donc parler de la paix dans le monde.

L’idée de faire la paix dans le monde remonte à plusieurs années. Le messie Jésus, en 34 après lui-même, fut crucifié pour avoir défendu cette idée devant un parterre de palestiniens enthousiastes. Mais les juifs, à cette époque, pratiquaient encore le déicide. Pendant le week-end de Pâques, plutôt que de faire une fête de famille où tout le monde bâfrerait des lapins en chocolat et décorerait des oeufs de poule, quelques peine-à-jouir mal intentionnés décidèrent d’emmener le messie sur le Mont Golgotha (lieu du crâne) pour lui faire découvrir leur technique de bricolage hardcore.

Les siècles passèrent, mais personne n’oublia le jeune barbu qui avait prêché l’amour du prochain.

Tibert s’en lèche les couilles

D’autres barbus commencèrent à prêcher l’amour et la paix dans le monde, mais c’était souvent pour s’attirer les faveurs des jolies filles, et leur message était par conséquent beaucoup moins convaincant. Pendant ce temps, on écrivait la vie du premier barbu, en prenant soin de transmettre l’essence de son message, avec des libertés d’adaptation contraire à la plus évidente déontologie en matière d’interprétation littéraire.

On inventait des miracles magiques là où il n’y avait de toute évidence que des tours de passe-passe rhétoriques. Le barbu avait sans doute été guérisseur spécialisé, mais de là à le considérer comme le précurseur des médecines alternatives, il n’y avait qu’un pas que les plus téméraires des fidèles se pressèrent de franchir. On tâcha de rendre l’histoire du messie un peu plus dramatique, avec quelques grands méchants (Hérode, Satan), quelques scènes d’action bien senties (Jésus chasse les marchands du temple) et tout de même un peu de sexe (Jésus réconforte une prostituée).

Toujours est-il que les autres religions émergentes avaient de la peine à faire face à la montée du christianisme. Quelques schismes plus tard, ces mécréants trouvèrent pourtant la solution à tous leur problèmes. Après plusieurs présentations PowerPoint et quelques brainstormings fumeux, un groupe de travail fut en mesure de définir en détail le concept de guerre de religion.

La guerre de religion se basait sur un paradoxe tout simple: faire la guerre en prônant l’amour. À partir de là, tout était permis aux croisés de toutes les religions, qui guerroyaient sans arrêt pour leur Vérité, leur Dieu, leur Église, ou, pourquoi pas, leur Gâteau Aux Pommes, puisque les linguistes de l’époque s’étaient mis d’accord pour dire que les grandes idées allaient prendre une majuscule.

Je constate que j’ai échoué à parler de la paix dans le monde.

La prochaine fois, je vous parlerai de ma recette de Gâteau Aux Pommes.

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Éloge du massage capillaire

Chez le coiffeur, j’ai l’impression d’être au musée. Il y a plein de miroirs partout. Du coup, je vois la douzaine de nymphettes sous tous les angles imaginables. Je dis « nymphettes », parce que le patron de mon salon habituel a un faible pour les playmates aux formes refaites et les bimbos aux courbes parfaites.

Les miroirs, donc, se répondent les uns aux autres en un dédale kaléidoscopique dans lequel je perds volontiers mon regard. Ma coiffeuse attitrée apparaît comme un langoureux Picasso, une peinture cubiste qui m’apparaît éclatée en plusieurs morceaux: ici un oeil, là un sein; là-bas une fesse, et là l’autre sein. Miam. Je rougis.

Rhâaaaa Lovely

Un rendez-vous chez le coiffeur est un moment particulier. Provisoirement installés dans un confortable fauteuil, nous avons l’occasion de nous admirer pendant dix bonnes minutes. Au début, ça peut mettre mal à l’aise. Je n’ai rien contre le fait de m’admirer, mais j’aimerais pouvoir m’admirer dans l’intimité. Et généralement, je remarque (en m’admirant) que d’autres personnes m’admirent m’admirer. Et ça me fait rougir. Et je me vois rougir. Alors je réfléchis au meilleur moyen d’évacuer ma honte, et je me vois réfléchir. Dans un miroir. Un comble.

Mais le meilleur moment reste à venir. Passé les premières minutes d’attente stérile, je peux me diriger vers les baignoires-à-têtes. Je me love avec plaisir dans ces confortables bizarreries sanitaires. Je me laisse mouiller les cheveux. Et je sais que le meilleur moment de ma journée vient de commencer. Mon massage capillaire.

Tout d’abord, je sens ses mains. Je ne vois jamais l’apprentie qui me lave les cheveux. Cela confère à cet épisode un mystère très sensuel: je m’abandonne sous des doigts dont je ne sais pas à quels bras ils sont rattachés. Je me laisse faire. Les doigts délacent les mèches mouillées de mes cheveux. Une voix absente me demande « ça va la température? » en n’espérant même plus une réponse qui ne viendra pas. Je suis parti. Parti dans ces doigts qui cherchent ma nuque, lissant le derrière de mes oreilles, enrobant leur lobe, redescendant sur mes cervicales, ranimant mon front et empaumant ma tête. Je frémis.

Ensuite, rinçage.

Puis crème.

Rhâaa. Crème.

L’odeur (réglisse?) m’envahit les narines, pendant que les doigts font leur deuxième entrée. Ils glissent (re-glissent?) en faisant plusieurs tours sur mes deux hémisphères, pour calmer ma peau, masser mon cuir et nourrir mes cheveux. Les doigts me pénètrent. Bonheur. Je me laisse pénétrer. Les mains me serrent, me forcent, me caressent, me frustrent, me soulèvent, me relâchent et me libèrent tout à la fois. Les doigts me prennent, me frottent, me massent, me font mousser; ils m’émoussent, ils s’imiscent, ils s’amassent autour de moi. Ma tête flotte. Je n’entends plus rien. Je m’abandonne.

Ensuite, rinçage.

Puis re-crème.

Puis rinçage, et la demoiselle me dit de passer à côté pour la coupe. Après, c’est moins amusant. De toute façon, je serai bien incapable de recommencer. Je suis vidé. Rhâaa.

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