Enseignement, Improvisation et créativité

Shoot the grandma (day two)

Après un premier jour conclu sur une ébauche de Harold (les deux premiers niveaux, en tout cas), Lyndsay nous encourage à terminer ce Harold le samedi matin, en intégrant les nouveaux participants qui nous rejoignent. Dans un travail d’écoute, elle parle de la hiérarchie des points d’attention (focus): « Votre souci primaire, c’est de vous soucier de votre partenaire principal (si on entre en lead); c’est pour ça que je vous fais systématiquement commencer des scènes à deux. Votre point d’attention secondaire, c’est avoir à l’oeil vos autres partenaires: l’improvisateur qui fait le cactus à l’arrière-plan, le choeur en coulisse qui vous propose un environnement de jungle, mais aussi la réaction du public; le public, c’est un partenaire! »

Tout est bon dans le cochon (Use the whole buffalo)
C’est l’idée centrale de l’improvisation « Chicago-style »: vous devez utiliser votre première idée en profondeur, la développer jusqu’à un climax (c’est la règle du 3-7-10) pour vous éviter de sauter du coq à l’âne. C’est ce qu’on peut appeler le développement durable en matière d’impro: tous les stimulis sur scènes doivent être utilisés (c’est le principe du fusil de Chekhov): tout a un sens.

Au fur et à mesure de l’atelier, quelques problèmes apparaissent: des réflexes de destruction d’histoire, des peurs d’aller dans certaines émotions. Lyndsay identifie pour nous les comportements qui témoignent d’un besoin de contrôler l’impro: se battre (physiquement ou avec des arguments stériles), poser des questions (pour savoir où va l’impro), diriger le partenaire (pour être SÛR de savoir où va l’impro). Il y a donc un souci constant de présence et de disponibilité, de lâcher-prise par rapport à ce que l’improvisation peut nous offrir. Au terme du stage, Lyndsay me confiera que c’est la grosse différence entre l’école iO et celle de l‘UCB: à Los Angeles et Chicago, iO prône une improvisation « organique » et « venant du coeur » (basés sur les émotions: le fameux « théâtre du coeur » cher à Del Close), quand l’improvisation de l’Upright Citizens Brigade cherche à formaliser la recette de l’impro comique, au risque d’aboutir à une didactique très cérébrale.

Regardez-vous dans les yeux!
C’est l’injonction que Lyndsay a le plus souvent utilisée au cours de l’atelier. Le contact visuel, un élément essentiel pour respecter la loi du focus primaire, mais surtout pour se « nourrir » des impulsions émotionnelles émises par (ou projetées sur) le partenaire. Là aussi, on sent les influences de l’école de Sandford Meisner, pour un théâtre centré fondamentalement sur la relation à l’autre.

A character can live anywhere; a plot cannot. (Un personnage peut vivre n’importe où; une intrigue en est incapable)
Il y a donc un refus total de la construction de l’intrigue, tel que pratiqué dans nos longforms européens: pas de travail sur le schéma quinaire ou la quête du protagoniste: l’histoire naîtra des connexions (réalisées ou pas, concrètes ou floues) entre les scènes courtes du spectacle. Oui, cela peut parfois désorienter les raconteurs d’histoire aristotéliciens, et en même temps, je redécouvre avec bonheur la qualité intrinsèque de l’improvisation théâtrale: un joyeux mélange entre foutoir spontané et structure autogérée. Il y a là une piste à creuser pour résoudre le paradoxe de la « mimésis au carré », et envoyer paître le souci d’imiter le théâtre écrit. Il faut souvent se rappeler que l’improvisation théâtrale est un médium à lui tout seul, différent du langage théâtral « préparé »; et par là, il ne doit pas forcément chercher à respecter les « codes d’écriture » du théâtre écrit. Ainsi, l’école iO et le Harold dans sa forme brute est une célébration de ce pouvoir d’écriture spontanée et collective.

Rituels
Après la pause, Lyndsay nous parle de « rituels » d’entrée et sortie en spectacle (ou en atelier) qu’elle juge utile de mettre en place pour éviter de se laisser submerger par des émotions trop fortes qui seraient dégagées en improvisation. Il s’agit de sortir du rôle. À cet effet, elle nous propose des exercices assez exotiques de kundalini yoga, de respiration rapide et contrôlée. Ici, la description du processus demeure assez lacunaire. On n’est pas trop bien sûr de ce qu’on fait, mais dans tous les cas, l’exercice porte ses fruits dans la mesure où tous les comédiens sont définitivement « dans leur corps » à l’issue de ces rituels.

Une conception du début des impros
Il y a plusieurs écoles pour enseigner la construction du début des scènes. Lyndsay nous cite TJ & Dave, qui évoquent une approche originale: ils considèrent que l’histoire (ou l’impro) est déjà en cours, que la scène est déjà en train d’avoir lieu; ils « embarquent délicatement dans une improvisation déjà en train de se construire ». Cette philosophie (que nous mettons en pratique) permet d’abaisser toute urgence de résultat, et de laisser les choses émerger par elles-mêmes.

Soundscapes et Hot Spot
Pour rythmer la journée, nous reprenons régulièrement les exercices collectifs entraînés précédemment: le réveil des moutons, mais aussi le « Paysage sonore » (Soundscapes) où les participants cherchent à bruiter une boucle sonore sur un thème imposé. Nous apprenons également le jeu du Hot Spot, un jeu d’énergie et d’engagement du collectif : les participants sont en cercle. Une personne au centre. Elle commence à chanter et danser; dès que possible, tous les participants la rejoignent au chant et à la danse. Au bout d’un moment (il faut sentir ce moment, c’est tout l’enjeu de l’exercice), une personne du cercle va venir remplacer la personne au centre, avec une autre chanson, liée à la chanson originale (par exemple, après « L’aigle noir», on peut chanter « Noir c’est noir»). L’idée est de remplacer la personne au centre dès qu’on a une idée, ou dès qu’on sent qu’elle est à court de paroles et d’énergie. Dans le deuxième cas, on peut même utiliser la chanson « joker » de « Joyeux Anniversaire » pour interrompre n’importe quelle chanson.

Au terme de ce deuxième jour, nous avons désormais trois jeux d’ouverture dans notre arsenal: le Réveil des moutons, le Paysage sonore et le Hot Spot. Yippee-Yay!

Par défaut
Improvisation et créativité

Shoot the grandma (day one)

C’est Lionel Perrinjaquet qui m’avait aimablement transmis le fait que le théâtre de l’Oignon de Strasbourg organisait un stage d’impro intensive avec iO (une structure américaine, à l’origine « ImprovOlympics » qui a dû renoncer à son nom à cause d’un litige avec le Comité International Olympique; si, si!). Voilà donc un récit de ce stage, forcément infidèle et subjectif, mais qui donne une idée de la philosophie de l’impro chicagoulane, héritière de Del Close et de son format phare, le Harold.iowest

On est donc une vingtaine à embarquer pour trois journées de 6 heures de travail. Il y a une majorité de français, surtout d’Alsace, mais aussi de Lyon, Paris et un peu plus loin: étonnamment, je suis le seul Suisse, mais il y a une Allemande de Francfort et Stefan Pagels Andersen, qui vient de Copenhague et coordonne cette tournée européenne de stages d’impro (après la Pologne, il y aura encore l’Angleterre, l’Ecosse et bien d’autres).

Lyndsay Hailey est une splendide brune de Virginie: prenez Geena Davis et Angelina Jolie, et vous obtenez une créature de rêve dont tout le monde est amoureux après 10 minutes de stage. L’atelier se donne en anglais, certains participants souffrent un peu, mais en gros on comprend l’essentiel. On est averti que le travail sera avant tout physique et à un niveau émotionnel, donc on a le choix de jouer nos scènes en anglais ou en français, cette dernière option étant d’ailleurs très rarement choisie par le groupe, ce qui permet un travail plus « à l’essentiel » et naturellement moins centré sur le gag.lyndsay_hailey

Le premier contact, c’est Lyndsay qui parle pendant quarante-cinq minutes: ça sera sa seule grande intervention orale, puisqu’elle parvient ensuite à articuler de manière très dynamique sa didactique et les prises de position théoriques. Elle fera parfois référence à d’autres écoles d’impro, sans jamais être dénigrante ou jugeante – une formidable qualité, à mon avis.

Tout d’abord, les principes fondamentaux

La règle du Oui, et… est à prendre au niveau essentiel, c’est à dire d’accepter l’intention du partenaire: la fameuse nuance qui échappe parfois aux débutants. Je cherche à aller « dans le sens de la scène », mais pas forcément en acquiesçant à toutes les piles de merde qu’on va me proposer. (« Alors, forban! Tu vas nous dire où tu as caché les bijoux! » / « Jamais! »)

Pas de jugement.
Ça vaut pour tout le monde: pas de jugement sur la qualité d’une idée, pas de jugement sur la réception du public, pas de jugement sur soi-même.

Tous vos partenaires sont des génies, des artistes et des poètes.
Une devise qui deviendra un mantra au cours du stage, parfois jusqu’à l’écoeurement, mais divinement efficace: c’est le fameux soin du partenaire, l’équivalent du make your partner look good (sublime ton partenaire!) qu’on retrouve un peu partout dans les autres écoles anglo-saxonnes (et plus rarement dans la communauté francophone?).

L’improvisateur doit avoir de l’avance sur le public.
Au moins quelques pas; mais en fait, il s’agit de se laisser un espace de surprise, pour éviter d’entrer dans le predictable space, le côté « cousu de fil blanc » d’une impro qui se déroulerait sans réelle prise de risque. Si vous savez où va la scène, il y a de fortes chances pour que le public le sache aussi (et c’est moins drôle).

Shoot the grandma (tuez la grand-mère)
Oui, parce que la vocation de l’impro iO, c’est quand même que ce soit comique. Donc il faut faire évoluer le conflit. Lyndsay explique qu’elle imagine cette métaphore à partir de fréquentes discussions avec sa grand-maman (raciste), dont une issue possible et radicale (et théâtrale?) serait de la dégommer à coup de fusil à pompe. Cathartique. Elle s’appuie aussi sur une définition de la comédie, où tout n’est que tension et détente. Donc, il faut toujours « pousser le bouchon un peu plus loin ».

Heightening (3 – 7- 10)
Quand vous créez un « jeu » (game) sur une scène, vous allez passer par un premier degré du jeu (noté 3, par exemple), que vous devez ensuite augmenter (pour le noter à 7), et finalement le pousser à l’absurde (noté 10). C’est un peu comme des pourcentages d’Eugenio Barba (30%-70%-100%), et Lyndsay coache souvent des scènes en poussant à développer le jeu (« Vous êtes déjà à 7, allez, poussez le jeu plus loin, allez jusqu’au degré 10!), ce qui provoque un bon coup de boost à une impro qui pourrait patiner.

La réalité de base: qui, quoi, où
Là, on est dans l’impro pour débutants, mais Lyndsay précise que que ces éléments vont aussi structurer notre stage: on parlera de la relation entre les personnages (le qui) et de leurs émotions, de présence (le quoi) et d’environnement (le où). ça permet aussi d’étayer quelques autres principes chers à l’improvisation façon iO: pas de scènes de présentations mutuelles (vous vous connaissez depuis 6 mois ou plus), pas de scène de transaction (on s’appuie sur les émotions et la relation présente avec le personnage du partenaire), et on évite de parler du passé ou du futur (présence, éternelle présence!).

Pas d’intrigue
Principe un peu choquant pour moi, mais qui colle totalement avec la philosophie globale d’iO: si la scène dure 3 minutes ou moins (et croyez-moi, les scènes ne durent JAMAIS plus de 3 minutes), vous n’avez pas besoin de véritable scénario: c’est à dire que la relation et la présence suffisent. Justement, la recherche d’une « grande histoire » ou d’une « intrigue » serait contre-productive à l’émergence de cette comédie de situation, qu’on obtient grâce à une présence de tous les instants. Improvisateurs qui planifiez vos répliques, abandonnez ici toutes espérances: vous entrez dans le royaume du hic et nunc.

Le groupe a toujours raisonFlock of sheep, New Zealand, Pacific
Suivez toujours la première idée. C’est d’ailleurs une difficulté de la plupart de nos jeux de groupe pendant l’atelier: les improvisateurs écoutent mal, et proposent tellement d’idées qu’on va rarement au bout de la première.

Après cette micro-conférence sur les principes de base, Lyndsay nous propose quelques jeux de présence: une histoire mot-à-mot, une histoire dirigée, et une histoire organique, où les participants doivent raconter tour-à-tour la même histoire, en imitant l’émotion, le ton et les gestes de leurs partenaires.

À travers ces exercices, on se confronte donc aux 4 dimensions de l’écoute en improvisation: l’écoute littérale (les mots), l’écoute locale (les gestes), l’écoute empathique (les émotions), l’écoute globable (le jeu en cours). Lyndsay explique qu’il faudrait encore y ajouter une cinquième dimension, l’écoute intuitive (l’énergie, le mystère).

L’après-midi, on continue ce travail sur l’écoute (« Dans la vie, on n’écoute que 10% de ce qu’on nous dit, parce qu’on est généralement déjà en train de préparer la réponse. »). Et nous voilà couchés sur le sol. « Vous êtes des moutons, » nous crie Lyndsay. « Vraiment des moutons: vous pensez comme des moutons, vous respirez comme des moutons, vous bougez comme des moutons; pour le moment, vous allez dormir comme des moutons, et quand je vous le dirais, vous allez vous réveiller comme des moutons. Vous ferez tout comme le troupeau. Si quelqu’un bâille, vous bâillerez aussi. Si quelqu’un bouge, vous bougerez avec la même émotion. Ok? Allez-y, réveillez-vous comme des moutons! »

Ce qui suit est assez difficile à décrire: c’est un des fameux exercices de répétition de pattern (ou game), où une idée est explorée dans son prolongement: le bâillement devient un grognement; le grognement devient un reniflement; et tout à coup, tout le monde se lève et se renifle l’arrière-train. La force du group mind, l’esprit de groupe. Lyndsay nous encourage mille fois à approfondir la première idée, à multiplier les contacts visuels, à respirer profondément. Des techniques qui nous poussent en transe extatique, dans un état d’immédiateté et de disponibilité à l’autre.

Dans cette optique, on travaille très brièvement l’application de ce principe dans les scènes: face à son partenaire, on décide de « poursuivre la scène qui est déjà en cours », c’est à dire qu’on travaille à partir de l’énergie primaire, déjà présente dans le regard et la relation à l’autre. Travail fascinant de slow impro. On est très proche de Meisner, où les impulsions du présent façonnent l’émotion future.

Et l’air de rien, Lyndsay nous a donc amené à construire la première partie d’un Harold possible, c’est à dire une ouverture (le jeu des moutons) suivie d’une scène dont l’impulsion consiste à poursuivre l’énergie résiduelle du travail organique.

Cette première journée s’achève donc sur une mise en application brillante d’une théorie déjà relativement connue pour moi; mais quand il s’agit de mettre la main à la pâte, c’est toujours plus difficile que dans le bouquin…

La semaine prochaine, retrouvez le récit du deuxième jour de stage.

Par défaut
Improvisation et créativité, Internet

Cadavre vraiment exquis

C’est l’histoire d’une maman illustratrice et prof de photoshop, qui découvre que sa fille de 4 ans a trop monstre envie de dessiner des corps sous ses ébauches de portraits. La fille donne donc vie à des petits corps malingres sous des visages poupons; c’est fascinant et adorablement poétique. Mica Angela Au-delà de ça, Mica Angela (la mère) raconte que sa fille lui enseigne ainsi l’art de la co-création; ah ben oui, parce que la fille a son petit caractère, tout de même, et porte un jugement critique sur les rajouts ou embellissements de sa douce maman: « Tu as dessiné de l’eau derrière le personnage, maman? » ou « C’est stupide! » L’artiste se prend donc au jeu, et publie tout ça (il y a aussi du merchandising ici, si comme moi vous devenez fan au premier coup d’oeil).

Pour ma fille, ses contributions sont égales aux miennes (et en fait, elles le sont réellement). J’apprends une chose très importante: si vous avez une conception préalable de comment les choses doivent être, VOUS SEREZ TOUJOURS DÉÇUS. En fait, lâchez-vous, ACCEPTEZ, parce qu’en général, ce que vous obtiendrez au final dépassera toutes vos espérances.(elle souligne)

Quelques leçons d’impro, non?    

Par défaut
Improvisation et créativité

Protagoniste

Avec les comédiens de Impro-Casting, on a travaillé ce week-end sur le prochain concept de la troupe, « Dimanche »: un longform dérivé à partir d’un tableau initial, élaboré avec le public pendant une introduction interactive.

On a exploré la notion d’improvisation centrée autour d’un protagoniste, un outil que j’utilise depuis plusieurs années pour élaborer des longform. Dans cette approche, je me base principalement sur l’ouvrage de Lavandier et sur l’oeuvre de Vogler, en piquant aussi quelques théories dans d’autres bouquins d’écriture de script. Mais comme ces références se basent sur des oeuvres non improvisées, il faut nécessairement un travail d’adaptation.

Mon approche actuelle procède en 4 phases:

1. Définir la notion de protagoniste
La définition de Lavandier me convient toujours très bien: « Nous appellerons protagoniste le personnage d’une oeuvre dramatique qui vit le plus de conflit, donc celui avec lequel le spectateur s’identifie (émotionnellement) le plus. La plupart du temps, ce conflit est bien spécifique. On l’appelle parfois le conflit central. C’est pourquoi le protagoniste possède, en général, un objectif, et un seul, qu’il essaie d’atteindre d’un bout à l’autre du récit et devant lequel il rencontre des obstacles. Ses tentatives et ses difficultés à atteindre cet objectif déterminent le déroulement de l’histoire, qu’on appelle l’action. » (p.56, c’est moi qui souligne).

2. Savoir repérer, au cours d’une improvisation, le protagoniste
Les participants (entre 2 et 4, au début) commencent une improvisation. À un moment donné, je leur demande de figer la scène, et de fermer les yeux; ils réfléchissent ensuite, à quel comédien incarne le protagoniste; à mon signal (toujours les yeux fermés), ils pointent le protagoniste; s’ils pensent être eux-mêmes le protagoniste, ils se pointent eux-mêmes du doigt. Ensuite, ils baissent le bras, rouvrent les yeux et continuent la scène, jusqu’à avoir une autre séquence de pointage où tous les participants pointent le même comédien.
L’idée est de ne pas chercher à « voler » le protagoniste en souffrant d’un plus grand conflit; très vite, ces notions de conflit intérieur et d’objectif doivent être considérées comme de nouveaux outils de jeu. Tout doit se faire sous un angle ludique; sinon, les scènes deviennent mécanistes, volontaires et sans vie.

3. Jouer l’improvisation en fonction du protagoniste
Une fois que le groupe a appréhendé la notion de protagoniste central, les improvisateurs peuvent jouer dans l’histoire (en apparition brève, ou en nouveau personnage principal) en fonction du protagoniste: incarnent-ils des éléments qui vont l’aider à atteindre son objectif (adjuvants), ou au contraire à l’en éloigner (obstacles)?
Là aussi, cet exercice doit rester ludique, quitte à appartenir au registre de la farce: les comédiens peuvent être très explicites dans leurs propositions initiales. Gardons la subtilité pour plus tard…

4. Répondre à la question de la pièce au moment adapté
En guise de débriefing d’improvisation, et dès lors qu’on vise à un longform de plus de 40 minutes, on doit s’intéresser à la question de la pièce: une question (totale), qui, lorsqu’on y répond de manière définitive, met fin à l’intérêt pour l’histoire (Hamlet va-t-il réussir à venger son père? Frodon va-t-il détruire l’anneau? Jack Underwood va-t-il devenir président des Etats-Unis?)
Cette notion est utile pour gérer le timing du spectacle: si on peut y répondre de manière trop catégorique après 10 minutes, il est temps de faire intervenir d’autres obstacles (ou adjuvants). Notons aussi qu’on peut créer des retournements de situations lorsqu’on croyait avoir répondu à la question de la pièce, mais qu’une nouvelle condition vient invalider la première réponse.

Dans ce genre d’ateliers, je rencontre régulièrement les mêmes problèmes, et j’ai rarement le temps de travailler en profondeur:

1. Personne ne veut être le protagoniste.
Certains improvisateurs refusent de jouer le protagoniste, par peur de devoir agir, de devoir « tenir » leur personnage pendant une longue impro. En général, leur rappeler que le rôle du protagoniste n’est qu’une fonction parmi d’autres, et que les autres comédiens pourront aussi « briller ».

2. Tout le monde veut être le protagoniste
Problème inverse, plus fréquent: puisque les improvisateurs tiennent à se garantir un temps de plateau, tout le monde commence à « voler » le protagoniste; le focus bouge extrêmement vite, le spectateur ne sait alors plus du tout avec quel personnage il doit s’identifier.
Pour moi, on touche là à un problème profond: les improvisateurs qui acceptent de jouer dans un format long doivent accepter de se limiter à un rôle accessoire (le figurant d’arrière-plan, la bonne du 3e acte); il faut à tout prix accepter de mettre son ego entre parenthèses pendant le spectacle: les temps de jeu ne seront pas équilibrés.

3. Les personnages secondaires (adjuvants / obstacles) sont fades
Parfois, les improvisateurs uniquement pour jouer la fonction. Il faut alors leur rappeler qu’un adjuvant / obstacle est aussi un personnage avec un objectif (généralement lié à celui du protagoniste), une attitude, une voix, une posture, etc.

4. On se précipite sur les premières scènes pour « accentuer » le protagoniste
Si les improvisateurs travaillent avec ce modèle depuis un certains temps, ils auront peut-être tendance à le reproduire de manière trop mécanique, trop scolaire. Il s’agit donc, au bout d’un certain temps, de « salir » le modèle et de tolérer des ambiguïtés:
– On n’est pas obligé de définir le protagoniste dans la première scène.
– On peut avoir des protagonistes multiples, partageant le même objectif.
– Un personnage peut être à la fois obstacle et adjuvant (le fameux archétype du changeforme: Saroumane, Dark Vador ou Rogue).

Je serais ravi d’avoir vos échos si vous travaillez dans la même direction, et ce billet me servira de point de départ pour mes prochaines didactiques.

Par défaut
Improvisation et créativité

L’indice C.F.I. en improvisation (Comment Font-Ils?)

L’indice C.F.I. se définit comme le « degré d’époustoufle multiplié par la difficulté du défi théâtral lancé », tel que formulé par Hans-Georg Schumpeter (1986):

Qualité théâtrale × Difficulté technique

Exemple A: une belle improvisation libre
Exemple B: une belle improvisation en catégorie Shakespeare rimée
Exemple C: un ratage monumental en catégorie Shakespeare rimée

Dans l’exemple A, une improvisation d’une haute qualité théâtrale (notée 10) dans un format ou exercice facile (noté 1) obtiendra un indice CFI de 10. Alternativement (exemple B), une excellente impro (notée 10) dans un format difficile (noté 10) obtiendra un indice CFI de 100.

Pour plusieurs auteurs (Rickfeld, Groodt & Feldman), l’indice CFI est problématique: dans l’exemple C d’une mauvaise impro (notée 1) dans un format très difficile (noté 10), parce que le score obtenu est identique que dans le cas A, alors que l’improvisation peut être de très mauvaise facture et ne pas créer de niveau d’époustoufle pour un public d’initiés.

Schumpeter s’est défendu longuement (1988, 1991) pour expliquer que l’indice CFI n’avait que peu à voir avec la qualité réelle de l’improvisation: « Une bande de voyous peuvent tout à fait rater une improvisation dans un format trop difficile pour eux, techniquement; si le résultat est lamentable, l’indice CFI n’en est pas moins élevé, parce qu’un public bienveillant va saluer leur bravoure. » (notre traduction)

Rickfeld n’est pas de cet avis, lui qui explique que « les spectateurs ne sont pas dupes: au bout d’un certain temps, ils feront la différence entre le vrai théâtre et l’espèce d’amas de scènes, jouées en boucle par des imposteurs qui se lancent des défis tous plus ridicules les uns que les autres » (c’est lui qui souligne). Schumpeter s’est à nouveau défendu, en arguant que « ce ne sont pas les quelques aficionados (despicable improv geeks) qui font les réputations et le succès des comédiens d’impro, mais bien les grandes masses impressionnables » (notre traduction).

Précisons que ces points de vue sont extrêmes, et reflètent une volonté de décider ce qui est de la bonne impro de celle qui n’en n’est pas. En vérité, il faut se garder d’attacher trop d’importance à cet indice, et le ramener à ce qu’il est littéralement: un indice, c’est à dire un moyen de se renseigner sur le danger potentiel (mais aussi sa plus-value) à relever un défi théâtral.

Ellis (1995) a dressé une liste des catégories « à haut rendement CFI »: des contraintes de jeu difficiles techniquement uniquement en apparence (donc avec des notes élevées), mais relativement faciles à faire fonctionner: les improvisations alphabétiques, les improvisations avec accents, les improvisations avec des blagues sur l’actualité. Il décrit des techniques (cheap tricks) que certains comédiens utilisent pour produire du théâtre de mauvaise qualité (filthy scam, low shit).

Bien sûr, l’indice défini par Schumpeter parvient au moins à susciter un débat fécond au sein des praticiens: plusieurs troupes s’inscrivent dans une tentative de réaliser concrètement du beau théâtre (awesome stuff, dude) dans des formats requérant une maîtrise technique absolue (fucking difficult).

BIBLIOGRAPHIE:

Ellis Yohann, High-reliability improv, Improv Journal, Chicago, 1995.
Feldman Marcus, Schumpeter, une belle arnaque, l’ImproViste, Genève, 1990.
Groodt Bernard, Schumpeter, you scumbag, Le Monde de l’impro, Bruxelles, 1990.
Rickfeld Herman, La bonne impro, Editions théâtrales, Paris, 1989.
Schumpeter Hans-Georg, L’indice CFI, Editions Improvisées, Paris, 1986.
Schumpeter Hans-Georg, My defence, Illinois University Press, Illinois, 1988.
Schumpeter Hans-Georg, You won’t get me alive; you’ll have to go and get me, and I’m armed, you bastard, à compte d’auteur, 1991.

 

 

 

 

 

Par défaut
Improvisation et créativité

Deux secondes de plus

Je reviens d’un stage de deux jours à Paris, avec Ira Seidenstein.
Très enrichissant. Un système extrêmement riche, proposé par un enseignant formidablement généreux, avec une didactique exceptionnellement bien conçue.

Dans une improvisation, il m’interrompt:

« À un moment donné, tu as levé le poing, en menaçant ton partenaire. Puis tu as regardé ailleurs, pendant une seconde, cherchant autre chose à faire. Non! Ton poing exprimait déjà suffisamment! Tu dois le maintenir pendant 2 secondes de plus, pour que ça devienne complètement convaincant. Si tu lèves ton poing, crois-y! Vends-le nous!
Si tous les improvisateurs s’accrochaient 2 secondes de plus à leurs idées, ils seraient bien meilleurs!

Vous n’avez pas besoin de chercher des idées, de faire quelque chose. Placez votre attention dans votre corps: il vous donne déjà une intention, et si vous y êtes attentifs, vous serez en totale adéquation physique, en totale expression d’une idée. Evitez l’ambiguïté! Evitez de chercher ailleurs! Tenez 2 secondes de plus! »

Une grande leçon.

Par défaut
Écriture, Improvisation et créativité

Épais silence

« Il comprend que cette impatience de parler est en même temps un implacable désintérêt à écouter. »

La Lenteur, Milan Kundera

Norman fait des vidéos, Cyprien aussi, le Palmashow s’entoure de bons amis et nous fait bien marrer.
Des capsules de cinq minutes, guère plus, un montage hyperactif de surdoué du FinalCut; des plans de 4 secondes, des répliques cinglantes, on incruste les répliques en surtitre pour accentuer le propos. C’est punchy, ça plaît aux jeunes, goûte, c’est de la bonne. Leurs cerveaux en prennent plein les synapses, sursaturés d’informations; on aligne joke sur joke, c’est à la quantité que ça se joue, madame. Au royaume de la vanne, les puncheurs sont rois.

Le problème, c’est que ces vidéos deviennent la référence dominante pour les jeunes improvisateurs, et que les codes de ce genre d’humour sont radicalement anti-théâtraux.

Le public prend le train en marche, bien sûr, demande de l’impro « rapide », des gags, des blagues, on est venus pour rigoler, oublier nos vies désespérantes. On ne vient pas pour écouter les états d’âme d’un prince Danois, ou attendre un Godot qui ne viendra pas. Nous voulons du pain et des jeux, hic et nunc. J’ai payé quinze balles ma place au premier rang, j’ai bien envie de donner une suggestion pourrie,  vous voir la traiter avec incompétence mais drôlerie. Donnez-moi mon fix d’humour rapide, je suis accro à la vitesse, mais si vous m’ennuyez, je vais décrocher à vitesse grand V.

Paradoxe.

Le spectateur vient aussi au théâtre pour construire du sens. Et il faut donc lui laisser un peu de place (l’éternel Espace vide…). Cette réplique sotto voce, ce mime approximatif… c’est du bonheur pour l’interprétation, pour la projection mentale du public. Ça le fait travailler, il est venu participer. Prenez le temps de l’ennuyer, que diable! Il va s’intéresser d’autant plus à la scène, s’il n’est pas certain de la comprendre dans ses moindres détails. Il va s’avancer sur son siège, décoller le dos du dossier, entr’ouvrir la bouche pour écouter avec toutes ses cavités le jeu du comédien.

L’attention devient intense, le silence l’épaissit. Et dans cet état de tension dramatique, tout est possible (et là, une blague réussie enflamme réellement le public: WHooOOSH!).

Il faut, par toutes petites touches, confronter le spectateur à son vide intérieur, pour le faire un tant soit peu avancer dans son existence. C’est pour ça qu’il est venu au théâtre: pour mettre sa solitude en commun, et voir que ses inquiétudes de quinquagénaire frustré sont aussi celles de ses semblables.

J’en vois qui s’inquiètent: attention, hein, je ne suis pas du tout en train de faire l’apologie d’une impro chiante, pas drôle, ennuyeuse. Bien au contraire. Pour moi, l’impro théâtrale doit être vivante, comique et enthousiasmante. Mais elle l’est parfois au prix

de

nombreux

 

silences.

Par défaut
Improvisation et créativité

Hamlet ne lit pas d’ouvrages de développement personnel

Devenir un meilleur improvisateur, c’est devenir un peu schizophrène. Il vous faudra prendre les règles de sagesse les unes après les autres et les retourner comme des vieilles chaussettes pour les enfiler sur vos personnages. En devenant un anti-philosophe, vous deviendrez un véritable dramaturge.

Je dis souvent à mes élèves: « Faites en sorte que votre personnage ne se comprenne pas lui-même. Si Hamlet avait lu des bouquins de développement personnel, Shakespeare n’aurait pas eu de tragédie à écrire! ». Il faut que le prince du Danemark soit un tantinet déraisonné pour que Polonius se retrouve avec une rapière dans le nombril, qu’Ophélia boive la tasse et que Claudius s’étrangle sur du jus de vipère.Hamlet-Courtyard-788.jpg

En fait, c’est en inversant ce qui vous rend meilleur dans la vie que vous deviendrez plus intéressant sur scène. Je fonde ma démonstration sur les quatre accords toltèques, décrits dans le best-seller New Age de Don Miguel Ruiz. Vous n’êtes peut-être pas tous des fanatiques de sagesse chamane, vous trouvez sans doute qu’il s’agit là d’un énième bla-bla sirupeux pour assoupir les ménagères de 40 ans, mais force est de constater qu’il s’agit de conseils d’une grande sagesse, qui font écho à d’autres philosophies millénaires (stoïcisme, platonisme, pour ce que j’en sais).

1. Que votre parole soit impeccable. 

Dans la vie de tous les jours, il s’agirait donc de parler avec intégrité, de s’abstenir de tout mensonge, de ne pas médire.

En improvisation, ce sont les maléfices de vos paroles qui engendreront le conflit essentiel à toute oeuvre dramatique; sans la langue fourbe de Iago, point d’Othello. Sans les manipulations hypocrites de Frank Underwood (House of Cards), pas d’intrigue. Plus votre personnage parle de manière double, plus vous proposerez de pistes de développement. Attention: je parle bien de votre personnage. Vous, en tant qu’improvisateur, vous devrez bien sûr continuer à être spécifique, précis et détaillé.

2. N’en faites pas une affaire personnelle.

Au quotidien, il faudrait chercher le détachement de ses émotions; ne pas tout ramener à soi.

En improvisation théâtrale, c’est vital pour votre personnage: le tilt émotionnel, c’est « tout prendre personnellement », c’est tout rendre important. C’est un ressort comique: une grande réaction sorti d’une cause négligeable. Le maître d’hôtel qui s’auto-flagelle pour une fourchette un peu sale (les Monty Pythons), le nouveau cancéreux qui décide de s’en sortir par tous les moyens, en sacrifiant sa morale au passage (Breaking Bad).

3. Ne faites pas de suppositions.

Dans la vie, tenez-vous en aux faits. Evitez de spéculer.

En impro, le conseil s’applique plus à l’improvisateur qu’à son personnage: en tant que comédien de l’imprévu, vous devez faire des spéculations tout le temps, et les rendre explicites le plus souvent possible, pour garder la « connexion » avec votre partenaire. Ce mime approximatif, est-ce une ménagère qui étend son linge ou un photographe qui développe des tirages?

4.  Faites toujours de votre mieux.

Ok, ça paraît clair, et c’est valable aussi pour le côté « improvisateur »: sans vous mettre une pression incroyable, jouez au top de votre intelligence.

En revanche, pour votre personnage, c’est l’inverse: vous voulez le faire tellement bien échouer qu’il doit buter encore et encore contre ses obstacles intérieurs. C’est la dynamique du clown, aux prises avec son environnement pour faire une action pourtant simple.

Je pourrais me plonger dans d’autres ouvrages connus; il y aurait bien d’autres règles de sagesses à transgresser: les stratégies de planification vs. le saut vers l’inconnu, le dialogue intérieur vs. l’incapacité à se comprendre soi-même, etc… L’idée globale, c’est d’accepter que les comportements malsains ou destructeurs de la vie seront ceux qui rendront vos personnages les plus attachants.

Hey! De quoi prendre un sacré recul par rapport à vous-même, aussi.

Par défaut
Improvisation et créativité, Management

Quelques réponses détaillées à nos mandataires

Avec différentes troupes, je suis souvent engagé pour des animations de théâtre d’improvisation. Ça fait partie de mon job, et c’est un aspect que j’adore. Mais j’ai parfois des demandes très farfelues, parce que les organisateurs ne sont pas assez familier avec notre méthode de travail. Ce qui fait que j’oppose parfois un « Non » sévère à certaines requêtes.

Voilà de quoi m’expliquer plus longuement, chers mandataires.

1. « Ne faites pas de sketches sur la mort, s’il vous plaît ».

C’était lors d’une animation pour une institution de formation. Il y avait du gratin de droite, des bourgeois tout endimanchés, et le directeur arrive vers nous avant l’apéritif: « Alors c’est vous, les comédiens? Bien! J’ai une requête: dans les scènes que vous allez improviser, je n’aimerais pas trop qu’on tourne autour de la mort. Vous comprenez, il y a notre conseiller d’état qui est décédé récemment, c’est encore tout frais dans la tête des gens; j’étais l’autre jour à une réception à Lausanne; il y a un humoriste qui s’est permis de faire un sketche sur la mort; eh bien je peux vous dire que ça a très très mal passé auprès du public. »

Variantes:
« Vous pourriez faire une improvisation sur cette anecdote? » (qui n’intéresse personne)
« Vous pourriez inclure un message à faire passer pour le personnel de l’entreprise? » (c’est une soirée de divertissement)

Cher mandataire. Nous sommes des artistes: par là, j’entends que nous sommes responsables du contenu artistique que nous fournissons, et croyez bien que nous sachons être sensible et sensé lorsque nous abordons des sujets délicats. Si vous vouliez un contrôle total sur le déroulement de la soirée, vous auriez pu prendre la précaution de ne pas engager des improvisateurs. Mais rassurez-vous: dans les limites de la décence, nous allons vous embarquer pour un voyage original dans l’imaginaire.
Nous faire des recommandations sur la mort est le pire moyen de vous prémunir de ce genre de risques (nous pourrions réagir très méchamment et vous proposer un rock-opéra gore de 50 minutes sur les miasmes de l’enfer, cracher du vin et mimer des actes sexuels violents avec l’équipement techniques de cette salle de conférence).

2. « Vous demandez 500CHF pour une animation? Est-ce que vous pourriez nous faire une fleur, nous qui sommes une association à but non lucratif? »

Variantes: « 500 CHF, c’est cher! », « J’ai peu de budget, mais il y aura du monde dans la salle; ça vous fera de la visibilité » ou alors multiples échanges de mail où le mandataire tente d’influer sur les critères d’évaluations du cachet: durée du mandat, durée de la présence sur place, nombre d’intervenants nécessaires, équipements techniques, « niveau » de la performance.

Cher mandataire. Nous sommes des professionnels: nous adorons notre métier, précaire, risqué, méconnu et parfois mésestimé, mais le plus souvent, très gratifiant. Cependant, nous avons aussi des factures à payer avec du vrai argent, et c’est pour cela que nous demandons du vrai argent plutôt que des paniers de mercis. En outre, nous avons quarante engagements de votre type par année. Pour nous, ce n’est pas faire « une fleur, juste une fois », mais mettre en péril la santé financière de notre entreprise personnelle. Enfin, la « visibilité » n’est pas encore convertible en vrai argent.

3. « Vous êtes sûr que vous ne voulez pas une autre séance de préparation? »

Variante: « Vous pourriez nous expliquer à l’avance ce sur quoi vous allez improviser? »

Cher mandataire. Si nous avons choisi la voie de l’improvisation, c’est aussi pour ne pas nous embarrasser de douze séances de préparation, de quatorze PV et d’un texte à apprendre. Nous avons confiance dans l’équilibre que nous mettrons entre préparation et impréparation: faites-nous confiance, nous avons plus de dix ans d’expérience dans le milieu. Et c’est pour cette qualité que vous nous payez cher. Bien sûr, si vous voulez des improvisations sur le syndic de Lausanne qui tabasse des licornes avec l’accent suisse-allemand, vous pouvez engager nos concurrents.

4. « Vous m’avez dit que c’était 500.- pour une présence de 4 heures. Mais vous n’aurez que 20 minutes d’impro à faire! »

Variante: « Vous ne jouerez que la moitié de votre spectacle. Vous pouvez bien faire un rabais sur le cachet, non? »

Cher mandataire, nous attachons extrêmement d’importance à arriver suffisamment à l’avance sur nos lieux d’intervention. D’autre part, nous comptons dans notre cachet notre temps de répétition et de préparation global. Pour nous, l’engagement est le même, qu’il soit de divertir 20 personnes pendant 20 minutes ou 400 personnes pendant 120 minutes: de toute manière, nous serons engagés pour la soirée. »

Par défaut