Improvisation et créativité

L’indice C.F.I. en improvisation (Comment Font-Ils?)

L’indice C.F.I. se définit comme le « degré d’époustoufle multiplié par la difficulté du défi théâtral lancé », tel que formulé par Hans-Georg Schumpeter (1986):

Qualité théâtrale × Difficulté technique

Exemple A: une belle improvisation libre
Exemple B: une belle improvisation en catégorie Shakespeare rimée
Exemple C: un ratage monumental en catégorie Shakespeare rimée

Dans l’exemple A, une improvisation d’une haute qualité théâtrale (notée 10) dans un format ou exercice facile (noté 1) obtiendra un indice CFI de 10. Alternativement (exemple B), une excellente impro (notée 10) dans un format difficile (noté 10) obtiendra un indice CFI de 100.

Pour plusieurs auteurs (Rickfeld, Groodt & Feldman), l’indice CFI est problématique: dans l’exemple C d’une mauvaise impro (notée 1) dans un format très difficile (noté 10), parce que le score obtenu est identique que dans le cas A, alors que l’improvisation peut être de très mauvaise facture et ne pas créer de niveau d’époustoufle pour un public d’initiés.

Schumpeter s’est défendu longuement (1988, 1991) pour expliquer que l’indice CFI n’avait que peu à voir avec la qualité réelle de l’improvisation: « Une bande de voyous peuvent tout à fait rater une improvisation dans un format trop difficile pour eux, techniquement; si le résultat est lamentable, l’indice CFI n’en est pas moins élevé, parce qu’un public bienveillant va saluer leur bravoure. » (notre traduction)

Rickfeld n’est pas de cet avis, lui qui explique que « les spectateurs ne sont pas dupes: au bout d’un certain temps, ils feront la différence entre le vrai théâtre et l’espèce d’amas de scènes, jouées en boucle par des imposteurs qui se lancent des défis tous plus ridicules les uns que les autres » (c’est lui qui souligne). Schumpeter s’est à nouveau défendu, en arguant que « ce ne sont pas les quelques aficionados (despicable improv geeks) qui font les réputations et le succès des comédiens d’impro, mais bien les grandes masses impressionnables » (notre traduction).

Précisons que ces points de vue sont extrêmes, et reflètent une volonté de décider ce qui est de la bonne impro de celle qui n’en n’est pas. En vérité, il faut se garder d’attacher trop d’importance à cet indice, et le ramener à ce qu’il est littéralement: un indice, c’est à dire un moyen de se renseigner sur le danger potentiel (mais aussi sa plus-value) à relever un défi théâtral.

Ellis (1995) a dressé une liste des catégories « à haut rendement CFI »: des contraintes de jeu difficiles techniquement uniquement en apparence (donc avec des notes élevées), mais relativement faciles à faire fonctionner: les improvisations alphabétiques, les improvisations avec accents, les improvisations avec des blagues sur l’actualité. Il décrit des techniques (cheap tricks) que certains comédiens utilisent pour produire du théâtre de mauvaise qualité (filthy scam, low shit).

Bien sûr, l’indice défini par Schumpeter parvient au moins à susciter un débat fécond au sein des praticiens: plusieurs troupes s’inscrivent dans une tentative de réaliser concrètement du beau théâtre (awesome stuff, dude) dans des formats requérant une maîtrise technique absolue (fucking difficult).

BIBLIOGRAPHIE:

Ellis Yohann, High-reliability improv, Improv Journal, Chicago, 1995.
Feldman Marcus, Schumpeter, une belle arnaque, l’ImproViste, Genève, 1990.
Groodt Bernard, Schumpeter, you scumbag, Le Monde de l’impro, Bruxelles, 1990.
Rickfeld Herman, La bonne impro, Editions théâtrales, Paris, 1989.
Schumpeter Hans-Georg, L’indice CFI, Editions Improvisées, Paris, 1986.
Schumpeter Hans-Georg, My defence, Illinois University Press, Illinois, 1988.
Schumpeter Hans-Georg, You won’t get me alive; you’ll have to go and get me, and I’m armed, you bastard, à compte d’auteur, 1991.

 

 

 

 

 

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Une réflexion sur “L’indice C.F.I. en improvisation (Comment Font-Ils?)

  1. loicgervais dit :

    Dans un match que je jouais, le système traditionnel de comptage de points (à l’aide des cartons de couleurs) était complété par la « notation de deux juges ». Le premier s’intéressait à la prestation artistique (de mémoire, c’était la notion d’amusement qui était mise en avant) alors que le deuxième mesurait la performance technique. J’ai trouvé ce système de double notation (à la manière du patinage artistique) assez intéressant. Le plus dur (quelle que soit la méthode) étant de trouver un barème 🙂

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