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Le choix d’être heureux

J’observe mon chat Tibert qui dort.

Il a l’air très heureux. En fait, il est peut-être très fatigué et plutôt affamé, mais j’ai tendance à projeter sur lui des sentiments de bonheur, puisque je vois que ses deux commissures sont relevées et qu’il a l’air plutôt calme. Et de fait, quand je vois un humain adopter cette position, j’ai tendance à penser (avec raison) qu’il est heureux. Cette manière de projeter des sentiments humains sur un animal, c’est ce qu’on appelle l’anthropomorphisme (voilà encore un terme qui fera bonne impression dans les repas de famille).

En vérité, je suis bien incapable de décider si mon chat est plus heureux que moi: est-ce qu’avec son cerveau de quelques dizaines de grammes, Tibert apprécie son insouciance? Alors même que moi, analysant péniblement mon quotidien pour me poser des questions sur ma condition humaine, je suis torturé entre mes désirs, mes joies, mes peines et mes espoirs? Qui est le plus heureux, entre mon chat et moi?

C’est une question qui est souvent revenue dans ma vie: est-ce que c’est en se posant des questions existentielles qu’on accède au bonheur? N’est-il pas heureux, l’homme qui vit sa vie simplement, sans chercher beaucoup plus loin que le bout de son nez? L’autre jour, mon père m’a par exemple assuré qu’il pensait qu’un de ses voisins ne devait pas se poser beaucoup de questions existentielles. Je n’y crois pas trop: nous avons tous des questions existentielles, mais celles-ci peuvent varier entre « Je me demande si Dieu existe » et « Je me demande ce que je vais bien pouvoir regarder à la télé ce soir ». Pour moi, il s’agit de questions existentielles, puisqu’elle concernent intimement la manière de vivre. La perspective de se vautrer avec nonchalance dans un confortable canapé n’est pas plus négligeable que la perspective d’entrer au paradis. J’ai seulement répondu à mon père que je préférais m’interroger sur l’existence de Dieu, plutôt que de m’inquiéter de l’énigme posée à l’inspecteur Derrick.

Je suis en train de lire « Les consolations de la philosophie », d’Alain de Botton; en parlant de Sénèque, l’auteur me fait comprendre une chose très importante, que je perds souvent de vue. Pendant l’entier de notre existence, nous sommes soumis à la loin des évènements. La Nature, la Fortune, Dieu, le Destin: « quelque chose » choisit pour nous, nous bombarde dans de nouvelles éventualités. Nous sommes tous des chiens en laisse, à la merci de ce « quelque chose » qui nous entraîne vers un futur aveugle. Mais nous sommes des chiens doués de raison; et ça, c’est une différence fondamentale pour appréhender la vie optimisme.
Tant que nous restons au niveau du programme télé, nous subissons les évènements. Sitôt que nous nous posons des questions sur notre réaction aux évènements, nous devenons acteurs de nos émotions, et nous prenons les évènements comme nous voulons bien les prendre. Et nous pouvons choisir d’être heureux, même avec une grosse fatigue et un ventre vide (et Derrick à la télé).

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