Enseignement, Improvisation et créativité

Prendre pour apprendre. Puis trier.

Mes élèves me contredisent, ceci est un fait. Que ce soit dans un cours d’impro, une leçon d’histoire littéraire, pendant une explication de texte ou à l’occasion d’une digression philosophique, il y en a toujours un pour commencer à dire « ouais, mais… » et partir dans une explication baveuse qui vise à démontrer mon tort sur le sujet.

Alors c’est vrai, j’ai souvent tort. C’est plus rare que je le reconnaisse, mais j’ai souvent tort. Mais il y a quand même des fois où j’ai raison, et je déteste gracieusement qu’on commence à me contredire lorsque a) j’ai raison b) je sais que j’ai raison c) ils savent que j’ai raison, mais ils pensent qu’il y a des cas particuliers qui devraient me rendre moins péremptoire.

Tibert surpris en plein exercice de karaté

En général, dans un cours de français, j’ai tendance à encourager l’esprit critique de mes élèves, d’accord avec ça. C’est même dans les compétences à leur enseigner, donc je me vexerai jamais si mon délire sur un poème de Lamartine ne rencontre pas l’enthousiasme voulu, mais plutôt une levée de boucliers: « Ouais mais monsieur, votre parallèle entre le lac et l’horizon, tout ça pour dire que le mec contemple son avenir avec appréhension, ça veut rien dire! »

Pas de problème, j’encaisse.

Mais quand il s’agit d’impro, j’ai un peu plus de peine. Vous allez me dire que c’est une « science » encore moins exacte que l’interprétation littéraire, et vous aurez raison. Mais ce qui me chagrine, c’est que l’impro est justement une discipline où il faut entrer dans une logique, aussi mauvaise soit-elle, pour pouvoir ensuite se l’approprier, et l’éprouver dans les situations pratiques.

Je suis pas le seul à le dire; c’est ce que raconte en substance le billet de Jill Bernard, une improvisatrice déjà chevronnée, à propos des enseignements qu’on pouvait recevoir en atelier:

When you’re attending a workshop, the most important thing is to pretend, for the two hours or whatever, that this guy or gal is right. Yes, yes, you’re right, whatever wacky idea you’re espousing, I’ll let you be my guru, my guide, and suspend judgement. It seems obvious to apply « yes and » in a workshop situation, but I’ve seen students fight instructors all the time. There’s nothing wrong with questioning an instructor, mind you. That’s to be encouraged. I can’t teach people who won’t tell me what they’re thinking about. There’s a distinct difference, though, between engaging in a discussion and resisting ideas. Step into the river and float along for the ride.

… que je traduis à peu près comme ça:

Quand vous participez à un atelier, c’est très important de faire semblant, pour une heure ou deux, que le gars (ou la garce) qui donne le cours possède la vérité. Oui, ouiiii, IL a raison, même si SES idées me paraissent farfelues, je LE laisse être mon gourou, mon guide: je suspends mon jugement.
Ce comportement semble logique dans une attitude de « oui, et… » chère à l’impro, mais j’ai vu beaucoup de participants contredire l’enseignant pendant tout l’atelier. J’ai aucun problème avec le fait de poser des questions à l’animateur, hein: c’est même à encourager. Je suis même incapable d’enseigner aux gens qui ne me disent pas à quoi ils pensent. Mais il y a une différence de taille entre l’élève qui engage la discussion et celui qui résiste aux nouvelles idées. Plongez dans la rivière et laissez-vous entraîner par le courant!

En karaté (et dans certains autres arts), l’étude approfondie d’exercices très rigides et codifiés (les katas) suit une logique d’apprentissage qui me semble plutôt respectable. Le processus se déroule en trois phases, le Shu, le Ha et le Ri.

Le Shu, c’est le fait de vouloir reproduire à la perfection le geste du maître.

Le Ha, c’est briser le moule, comprendre la logique du geste et le déconstruire pour mieux le comprendre.

Le Ri, c’est cheminer vers la maîtrise, la liberté: trouver sa propre voie, son propre geste.

Je souhaite donc à mes futurs élèves de réprimer leur envie de tout contredire. Il y a du bon grain et de l’ivraie, mais on ne peut pas les trier sans avoir d’abord tout pris entre ses mains.

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Choses politiques, Enseignement, Improvisation et créativité

Meilleur que moi

Lorsqu’on nous présente un idéal (Dieu / un génie artistique / la paix dans le monde), nous sommes souvent prompts à nous décourager. C’est trop dur, on dit. On va jamais pouvoir. Il reste trop de choses à faire. Et puis c’est les autres qui ont commencé, alors ils fouteront toujours tout par terre.

Une autre stratégie (celle des enfoirés d’idéalistes comme moi) consiste à se motiver: allons-y, mettons-nous au travail. Tendons vers cet idéal. Les autres vont bien finir par suivre.

Tibert, intéressé par une histoire d’en haut

Dans la vie, ça donne quelque chose comme une opposition pessimiste/optimiste, actif/passif, voyeur/acteur porno. En art, on trouve les couples critique/créateur, réactionnaire/créatif; en impro, on a le cabotin/le constructeur; en pédagogie, on a l’innéiste/le constructiviste, bon, okay, je pense que vous avez compris.

Pour moi, on peut y voir deux attitudes face à la vie: d’une part, ceux qui baissent les bras, qui sont fatalistes et qui pensent que la vie est un magma de douleurs et de souffrances, que l’ataraxie ne viendra jamais et que la coke, c’est pas mal. De l’autre côté, il y a ceux qui ont la foi: on peut toujours s’en sortir, on peut toujours changer les choses, il y a toujours quelque chose à faire.

Je me rappelle être sorti d’une salle de concert, un trompettiste avait donné un récital. Une technique grandiose, un talent inouï, le genre de truc qui vous fait des frissons que même si vous détestez la trompette, vous avez eu des frissons dans les organes génitaux. On sort, mon cousin et moi, et il me dit (il fait aussi de la trompette) :

« Woah, putain, un talent pareil, ça dégoûte. »

Moi, je lui répond:

« Non. Un talent pareil, ça fait envie de travailler. »

Dans la vie, on a toujours le choix: être découragé par ce qui est meilleur que nous; ou vouloir l’atteindre.

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Enseignement

Élèves et confiture

Jean-Claude Calpini, dans son très éclairant cours sur les stéréotypes, les étiquettes et l’effet Pygmalion:

« Si vous mettez un pot de confiture à la cave – admettons que ce soit de la confiture de fraise – et qu’au moment de coller l’étiquette, vous vous trompez: vous mettez, disons, confiture de pruneaux sur l’étiquette. Et bien je peux vous parier que lorsque vous ressortez le pot de confiture, que vous l’ouvrez et que vous le goûtez, il aura toujours le goût de confiture de fraise. L’étiquette n’a rien changé au contenu.

Bon.

Maintenant, essayez avec un élève. Vous prenez un élève en 6ème primaire, vous l’étiquetez mal; par exemple, vous dites en conseil de classe que c’est un élève agité, qu’il est turbulent. Eh bien, je peux vous parier que le plus calme des élèves, avec ce genre d’étiquette, devient effectivement un élève agité et turbulent au bout de quelques temps.
Autrement dit, vous avez le droit de vous tromper avec la confiture, mais pas avec les élèves, parce qu’ils finiront toujours par correspondre à l’étiquette que vous leur avez collée.« 

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Actualité, Enseignement, Improvisation et créativité, Internet

La pédagogie en wiki

Dans les temps anciens, l’instituteur passait pour un maniaque solitaire qui préparait avec soin des polycopiés sentant bon l’alcool à brûler, et qui composait chaque soir de nouvelles fiches d’exercices à la lueur d’une lampe à huile, dans la morne poussière d’un triste établi. Ces temps sont révolus. Désormais, nos chers profs travaillent en réseau, échangent leurs séquences didactiques sur les plateformes peer-to-peer et mettent leurs démonstrations du théorème de Pythagore sur YouTube.

Tibert vu de haut

En formation pédagogique, on commence à nous proposer du matériel comprenant des fiches d’exercices « modifiable », on nous incite à former des « groupes de travail » et à partager nos meilleurs cours et méthodes d’apprentissages. En fait, nous sommes en train de vivre la révolution du wiki en pédagogie. Ce qui pourrait nous réjouir.

Si seulement nous y étions prêts.

Constat qui s’impose: les enseignants ne sont pas portés à échanger leurs idées. Chacun préfère réinventer la poudre dans son coin, jouer à l’apprenti-sorcier et garder ses meilleures recettes pour lui-même. Les rares groupes d’enseignants qui s’échangent des supports de cours sont peut-être les seuls à avoir compris la philosophie du wiki: « Je te montre mon travail, tu me corriges; tes corrections améliorent mon travail, qui devient NOTRE travail, et celui-ci devient meilleur. L’apport se fait dans les deux sens, et tout le monde est content. »

En improvisation théâtrale, nous intégrons assez rapidement le fait que nos idées seront traitées et acceptées par l’autre, puis modifiées et renvoyées vers nous sous une autre forme. Nous savons que nos idées ne nous appartiennent pas, qu’elles ne sont qu’une re-création à partir d’autres idées.

En improvisation, comme en pédagogie, nous devrions tendre à une certaine générosité créative.

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Enseignement

Agriculture et enseignement

Après trois mois d’école pédagogique (HEP/IUFM), je suis déjà fâché contre mes futurs collègues. Depuis le début, j’entends les mêmes plaintes: à-quoi-ça-sert-tous-ces-concepts, de-toute-façon-dans-les-classes-ce-sera-différent, c’est-beaucoup-trop-théorique…

Ô que j’aime ce regard bienveillant face à la nouveauté.

Tibert s’en pourlèche les babines

Au risque de passer pour un naïf néophyte converti à la cause des « nouvelles pédagogies », je maintiendrai pendant encore une bonne douzaine de mois un intérêt marqué pour des concepts aussi bizarres que le socio-constructivisme, le métacognitivisme ou les facteurs motivationnels (liste non exhaustive). Certes, dans l’enseignement qu’on nous dispense, il y a bien quelques affabulations, quelques mythes et de nombreuses théories de sac-à-pain; mais de grâce, ne jetons pas l’élève avec l’eau du bain, parce que les savoirs « abstraits » qu’on nous inculque maintenant nous servirons plus tard, bien plus tard, lorsque nous nous serons frottés au terrain concret.

En parlant de terrain, ça me rappelle ces histoires de village, où des fils de paysans à peine sortis de l’école d’agriculture ramenaient de nouvelles conceptions sur la fertilisation des champs à la maison. Bien souvent, leur paternel avait encore la maîtrise du domaine et se gardait bien d’appliquer ces nouvelles « théories »… Entre un vieux paysan qui refuse d’utiliser un engrais révolutionnaire et un enseignant qui reste sourd aux dernières découvertes en matière de méthodes d’apprentissage, c’est kif-kif bourricot: les deux restent des ânes.

Mais si mes éminents collègues sont un tant soit peu tête de mules, c’est parce qu’ils aimeraient qu’on leur donne des recettes, des tours de main, des marches à suivre; ils voudraient des outils prêts-à-l’emploi, des méthodes prémachées avec lesquelles ils débarqueraient dans une classe en « sachant enseigner ». Donnez-nous de la pédagogie en fast-food !

Probable danger : après plusieurs années, même les meilleures méthodes s’émoussent. Il s’agit de remettre l’ouvrage sur le métier, et de ré-inventer son enseignement. C’est là que les « théories » deviennent intéressantes, pour l’analyse de sa pratique et l’échafaudage de nouvelles solutions. Donne une méthode à un maître, et il enseignera une année; apprends-lui à construire des méthodes, et il enseignera toute sa vie.

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Enseignement, Improvisation et créativité

Contre les taxidermistes: banalité et originalité

La plupart des gens pensent qu’ils n’ont aucune imagination. « Je suis incapable d’inventer une histoire! », dit l’un. « Je ne suis pas très créatif », dit l’autre. « Ah, pour faire de l’impro, il faut avoir le don: toi, tu as de la répartie, mais moi je ne pourrais pas inventer autant de choses à la fois. »

Si c’était le cas, mon gars, tes rêves seraient mortellement ennuyeux. Or, je suis prêt à parier que tes scénarios nocturnes sont plus originaux que la collection Kubrick, plus créatifs que les films de Gus Van Sant et plus drôles que les derniers Walt Disney (bon, c’est pas vraiment dur non plus, pour ce dernier exemple fort mal choisi).

En fait, j’ai le culot de prétendre que nous avons tous les mêmes potentialités en matière d’imagination. Oui, mesdames et messieurs. Nous sommes tous des créateurs en puissance. Mais les artistes, les créatifs et les improvisateurs ont développé (parfois instinctivement) certaines méthodes pour « apprivoiser » leurs idées, accéder à leur inspiration et créer une matière originale.

Chat couchant

Une matière originale? Pas tant que ça. C’est même le concept d’originalité qui bloque souvent toute création: vos profs vous interdisaient de « copier sur votre voisin » et vous apprenait l’existence d’un abîme infranchissable entre votre prose et celle de Maupassant. Or Maupassant a copié son « voisin » Flaubert. Et Flaubert s’est inspiré de Balzac, qui lui-même puisait chez Molière, lequel « prenait son bien » dans les comiques latins, lesquels pompaient sans doute copieusement dans les mythes étrusques racontés par des villageois qui n’avaient pas inventé la poudre.

Le mot « inventer » signifie même « reconnaître ce qui est déjà là », plutôt que « créer quelque chose de nouveau »: INVENIRE, en latin, c’est justement « venir à, rencontrer, tomber sur » quelque chose que les autres ont déjà découvert une fois. Mesdames et messieurs, il n’y a donc aucune honte à copier votre voisin: les voies de la création personnelle passent par une nécessaire confrontation aux découvertes et aux influences des autres.

L’effet pervers de notre éducation, c’est de nous avoir fait croire à un idéal de l’originalité lié à la complexité de sa mise au point. Si je compose une symphonie qui n’utilise que des grille-pains et des fers à friser pour instruments, on va crier au génie: je deviendrai le créateur d’une oeuvre « très originale, carrément novatrice ». Tout ça ne va pas vraiment faire avancer le schmilblick, à partir du moment où une telle oeuvre ne plaira qu’aux snobinards parisiens et à l’intelligentsia yverdonnoise.

De fait, on constate le même phénomène dans les suggestions données par le public dans un spectacle d’impro. Le public criera plus volontiers des mots comme « hypocondriaque, ornithorynque, taxidermiste », plutôt que des suggestions plus banales comme « malade, poisson, pompier » (mais qui nous inspireraient davantage, puisqu’elle s’inscrivent dans un contexte beaucoup plus riche en références). Ces spectateurs espiègles croient rendre le job des improvisateurs plus difficile, mais ils le rendent surtout… inintéressant.

D’ailleurs, depuis le début de la saison d’improvisation, j’ai déjà joué deux fois le rôle d’un taxidermiste. À force, je vais me retrouver avec la SPA sur le dos.

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Enseignement, Improvisation et créativité

L’art de la glande

Aujourd’hui, j’ai abattu un boulot monstre.

Bon, par contre, j’ai glandé la moitié de la semaine. Je n’avais pas « d’acouet », comme on dit par chez moi; aucune motivation; je procrastinais gaiement, en voyant la fin de mes vacances arriver avec insouciance. J’avais fait plein de projets avant Noël, mais j’ai préféré regarder quelques beaux films et achever quelques bons livres.

Avant, dans des situations pareilles, je culpabilisais à mort. Et puis, un beau soir de désespoir, je suis tombé sur un paragraphe salvateur tracé par la plume de Brenda Ueland, dans son remarquable « If you want to write » (Graywolf Press, 1938). C’est page 37, et ça vous donne un élan prodigieux pour le restant de la semaine:

« […] what you write today is the result of some span of idling yesterday, some fairly long period of protection from talking and busyness. » (je souligne)

(et je traduis du mieux que je peux:) « ce que vous écrivez aujourd’hui est le résultat de la glande d’hier, un moment où vous vous êtes provisoirement arrêté de parler et de vous agiter. »

Tibert se prépare à produire un chef-d’oeuvre, demain

Mon prof de trompette me disait toujours, au début d’exercices particulièrement astreignants et « nouveaux » pour moi: « Ce que tu vas faire, c’est pratiquer ces exercices pendant cinq minutes, mais vraiment calmement, et vraiment correctement, sans forcer, sans te crisper. Ensuite, tu vas te reposer pendant dix minutes. Vraiment. Prends un café, lis une bédé, va te promener un moment. Après ces dix minutes, reviens sur le même exercice. Tu sentiras que tu auras progressé. Parce que tes lèvres auront continué à « travailler » pendant que tu faisais autre chose. »

C’est drôle, parce que mon vénéré prof de trompette avait déjà compris tout seul ce que les psychologues de l’apprentissage ont mis des années à démontrer: le rôle positif que jouent le repos, le rêve et le jeu sur l’acquisition de nouvelles connaissances. Autrement dit, la glande nous aide à mieux travailler!

Quand le Narrateur de À la Recherche du Temps Perdu veut s’engager dans son premier « travail » littéraire, il est terrassé par la procrastrination. Je me risque à citer un trop maigre extrait de ses tentatives de justifications (dont la totalité s’étale tout de même sur une bonne page et demi), que tous les cancres respectables se devraient de copier-coller sur leurs justificatifs de devoirs non faits (I, p.569):

« Si j’avais été moins décidé à me mettre définitvement au travail j’aurais peut-être fait un effort pour commencer tout de suite. Mais puisque ma résolution était formelle, et qu’avant vingt-quatre heures, dans les cadres vides de la journée du lendemain où tout se plaçait si bien parce que je n’y étais pas encore, mes bonnes dispositions se réaliseraient aisément, il valait mieux ne pas choisir un soir où j’étais mal disposé pour un début auquel les jours suivants, hélas! ne devaient pas se montrer plus propices. Mais j’étais raisonnable. De la part de ce qui avait attendu des années il eût été puéril de ne pas supporter un retard de trois jours. » (je souligne)

Nous sommes donc tous faibles et lâches devant le travail; et c’est tant mieux pour nos neurones et synapses. Glandouillons aujourd’hui, pour mieux trouver l’illumination demain!

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Enseignement

L’art de rester à sa place

L’avantage à travailler dans l’enseignement, c’est que vous devenez très vite le centre des conversations. L’inconvénient, c’est que tout le monde à des conseils à vous donner.

C’est bien normal: tout le monde est allé à l’école. Tout le monde a le souvenir du tableau noir, des cartes de géographie en couleurs et des petits billets pliés qui circulait au fond de la classe jusqu’à votre blonde dulcinée. Tout le monde a le souvenir de ses professeurs, de ceux qu’on aimait, de ceux avec lesquels on pouvait tricher, et de ceux dont on s’est inspiré pour devenir des adultes convenables.

Le problème, c’est que ce bagage de souvenirs plus ou moins positifs de l’école nous donne l’impression de nous y connaître en éducation. C’est comme si vous prétendiez connaître le job d’un ouvrier par votre seule présence dans l’usine. C’est comme si vous vous imaginiez savoir conduire un bus en étant simple passager. Alors c’est bien simple, les anciens élèves (c’est à dire les adultes) tendent à croire qu’ils feraient de bons profs. Ils vous assoment de leurs théories sur l’éducation.

Est-ce qu’il vous viendrait à l’idée de faire des remarques à votre plombier sur la manière d’installer une batterie de douche? « Oh, vous savez, j’ai lu sur internet que c’était bien mieux de mettre des tuyaux de 3 pouces et demi; et puis là, un coude en inox irait beaucoup mieux. »

Ou à votre médecin de famille: « Mon cher docteur Peinfeld, je me souviens bien de mes visites chez le docteur quand j’étais tout gamin: je préfère que vous utilisiez du bon Merfen(c) pour soigner mon Kévin; et puis vous me prescrirez un analgésique puissant pour la petite. »

J’imagine le mec répondre à son psychanalyste: « même si je peux comprendre que vous analysiez mes rêves de cette manière, je pense que vous devriez plus fouiller du côté de ma mère. J’ai lu dans Psychologie(s) que c’était souvent du côté de la mère qu’était le problème. Et puis Freud disait… »

La vérité, c’est que le métier d’enseignant, comme tous les autres, est un métier qui s’apprend. Et que malgré tous les conseils qu’on pourrait lui donner, on apprend pas à un singe à faire la grimace.

Tibert bâille

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