Enseignement, Improvisation et créativité

L’art de la glande

Aujourd’hui, j’ai abattu un boulot monstre.

Bon, par contre, j’ai glandé la moitié de la semaine. Je n’avais pas « d’acouet », comme on dit par chez moi; aucune motivation; je procrastinais gaiement, en voyant la fin de mes vacances arriver avec insouciance. J’avais fait plein de projets avant Noël, mais j’ai préféré regarder quelques beaux films et achever quelques bons livres.

Avant, dans des situations pareilles, je culpabilisais à mort. Et puis, un beau soir de désespoir, je suis tombé sur un paragraphe salvateur tracé par la plume de Brenda Ueland, dans son remarquable « If you want to write » (Graywolf Press, 1938). C’est page 37, et ça vous donne un élan prodigieux pour le restant de la semaine:

« […] what you write today is the result of some span of idling yesterday, some fairly long period of protection from talking and busyness. » (je souligne)

(et je traduis du mieux que je peux:) « ce que vous écrivez aujourd’hui est le résultat de la glande d’hier, un moment où vous vous êtes provisoirement arrêté de parler et de vous agiter. »

Tibert se prépare à produire un chef-d’oeuvre, demain

Mon prof de trompette me disait toujours, au début d’exercices particulièrement astreignants et « nouveaux » pour moi: « Ce que tu vas faire, c’est pratiquer ces exercices pendant cinq minutes, mais vraiment calmement, et vraiment correctement, sans forcer, sans te crisper. Ensuite, tu vas te reposer pendant dix minutes. Vraiment. Prends un café, lis une bédé, va te promener un moment. Après ces dix minutes, reviens sur le même exercice. Tu sentiras que tu auras progressé. Parce que tes lèvres auront continué à « travailler » pendant que tu faisais autre chose. »

C’est drôle, parce que mon vénéré prof de trompette avait déjà compris tout seul ce que les psychologues de l’apprentissage ont mis des années à démontrer: le rôle positif que jouent le repos, le rêve et le jeu sur l’acquisition de nouvelles connaissances. Autrement dit, la glande nous aide à mieux travailler!

Quand le Narrateur de À la Recherche du Temps Perdu veut s’engager dans son premier « travail » littéraire, il est terrassé par la procrastrination. Je me risque à citer un trop maigre extrait de ses tentatives de justifications (dont la totalité s’étale tout de même sur une bonne page et demi), que tous les cancres respectables se devraient de copier-coller sur leurs justificatifs de devoirs non faits (I, p.569):

« Si j’avais été moins décidé à me mettre définitvement au travail j’aurais peut-être fait un effort pour commencer tout de suite. Mais puisque ma résolution était formelle, et qu’avant vingt-quatre heures, dans les cadres vides de la journée du lendemain où tout se plaçait si bien parce que je n’y étais pas encore, mes bonnes dispositions se réaliseraient aisément, il valait mieux ne pas choisir un soir où j’étais mal disposé pour un début auquel les jours suivants, hélas! ne devaient pas se montrer plus propices. Mais j’étais raisonnable. De la part de ce qui avait attendu des années il eût été puéril de ne pas supporter un retard de trois jours. » (je souligne)

Nous sommes donc tous faibles et lâches devant le travail; et c’est tant mieux pour nos neurones et synapses. Glandouillons aujourd’hui, pour mieux trouver l’illumination demain!

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2 réflexions sur “L’art de la glande

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