Enseignement, Improvisation et créativité

À la rescousse de l’impro « courbée »

Les improvisateurs feraient bien de se procurer l’Art invisible, la bande dessinée de Scott McCloud. Cet essai (sous forme de cartoon) explique la structure esthétique du 9e art, avec en toile de fond, la déconsidération dont fait preuve l’art de la bande dessinée.

Ça m’a fait très vite penser à la condescendance dont peuvent faire preuve certains ayatollahs du « théââââtre » quand il s’agit de parler d’improvisation théâtrale. Mais aussi au sein-même de la communauté du théâtre spontané, où le débat sur le réalisme est d’actualité et peut conduire à une polarisation du débat entre impro stylisée et impro réaliste (lire par exemple un des derniers articles de Ian, ou ici sur Impro-Bretagne; mais de toute façon c’est un débat récurrent).

D’un côté, nous avons les partisans de l’impro « courbée » (je l’appelle comme ça, parce que la manière la plus simple de l’illustrer, c’est de s’imaginer un improvisateur de 16 ans qui interprète un vieux serviteur médiéval en « courbant » le dos, en penchant la tête et en prenant une voix gutturale). L’impro courbée, c’est le théâtre qui recourt à un haut niveau de stylisation théâtrale; dans le pire des cas, on a une caricature unidimensionnelle; dans le meilleur des cas, on a jeu très marqué, typique de la farce, qui privilégie l’immédiateté et la construction.

À l’opposé, nous avons les défenseurs du réalisme et du « voile léger » (Del Close disait que le personnage doit être porté comme un « voile très fin sur les épaules du comédien »); dans le pire des cas, on obtient un jeu désincarné, fuyant; dans le meilleur des cas, une formidable intimité entre public et personnages, puisque le spectateur « croit » véritablement être le voyeur d’une scène sincère de la vie humaine.

Bien sûr, chaque camp pense faire de la meilleure impro que leurs opposants. Les partisans de l’impro courbée s’ennuient aux spectacles « monotones » et « manquants de punch » des improvisateurs de la seconde catégorie, tandis que ces derniers crachent sur la « parodie de théâtre » qui est offerte, dans un « bal de techniques jamais maîtrisées ». On croit à un problème d’énergie et de talent, alors que ces deux courants (tout à fait estimables, le premier comme le deuxième) doivent être considérés comme des tentatives différentes de représenter la réalité.

L’impro devient donc un art versatile, dans la mesure où il peut s’appuyer sur tout l’éventail des styles existants dans le continuum entre impro courbée et impro réaliste.

Quand on critique le style de jeu d’une autre troupe, équipe, ou même format, il convient donc de faire cette distinction: le fait que je n’aime pas ton style ne veut pas du tout dire que tu n’es pas bon dans ta pratique (exemple: je n’aime pas le Match, mais je pense que vous le jouez très bien).

Par contre, on peut vraiment réfléchir sur les forces et faiblesses de chacun de ces styles. Je n’aurai jamais l’idée, par exemple, d’aborder une improvisation western de manière réaliste.

En fait, cela n’aurait aucun sens.

Tout d’abord, le western, en tant que genre cinématographique, est déjà une abstraction à partir de la réalité de la conquête de l’Ouest américain. C’est donc une première stylisation. Dans Il était une fois dans l’Ouest, Sergio Leone a écrit une histoire, mis en scène ses personnages. La lente séquence d’introduction (quand les trois truands attendent le personnage joué par Charles Bronson) n’est pas réaliste, au sens que le scénariste, le réalisateur, le monteur et les comédiens ont tous collaboré pour donner une version condensée (artistique, stylisée) de la réalité.

Deuxièmement, le public (et l’arbitre, dans un certain sens) s’attend à retrouver certains des codes du genre. Attention, ça ne veut pas dire qu’il faut tous les lui offrir. (Non, monsieur le buisson virevoltant, veuillez rester sur le banc). Mais dès lors que nous sommes dans un western, il faut pouvoir représenter la catégorie avec un certain nombre d’outils théâtraux à disposition (les jeux de regard, les positions des comédiens dans la patinoire, apparition/disparition derrière la bande, les mimiques) et un catalogue de signes (représenter la chaleur étouffante, les crachats des cow-boys, la tension palpable) pour rendre au mieux la catégorie imposée.

C’est parfois le problème des spectacles à catégories: la créativité des comédiens disparaît derrière l’étalage gratuit des signes et des figures imposées, comme si l’impro n’était qu’une énième variation d’un prototype inventé, il y a bien longtemps, au Québec ou à Chicago. Il s’agit donc, en atelier, de questionner les catégories en tant que globalité de signes et de techniques, de s’efforcer d’éviter les lieux communs, et de chercher à les réinventer.

Réinventer, encore et toujours.

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Onze livres

Onze bouquins qui m’ont très fortement influencé, ces onze dernières années:

La dramaturgie, d’Yves Lavandier
Un ouvrage qui ne paie pas de mine (un éditeur indépendant, une mise en page très laide), mais qui recoupe tous les meilleurs bouquins qu’on peut lire sur la construction de scénario. Les nombreux exemples (films, pièces de théâtre), puisés très largement (cultures diverses, époques diverses) en font un outil indispensable.

Oublier le temps, de Peter Brook
Un bouquin qui m’a redonné la foi dans l’analyse du spectacle vivant. Largement autobiographique, l’essai retrace les tentatives artistiques de Brook. En plus d’être un fabuleux raconteur d’histoires, le maître tire de formidables conclusions de ses errements.localglobal

Solutions locales pour un désordre global, de Coline Serreau
Tiré du film du même nom, il reprend les interviews en détails de plusieurs spécialistes. C’est probablement ce livre qui m’a poussé à cultiver mon propre jardin pendant quelques années.

La Danse de la Réalité, d’Alexandro Jodorowsky
La fantastique autobiographie de ce maître insaisissable, poète, acteur, mime, tarologue, psychomage et scénariste de bandes dessinées. Avec humour et mystère, Jodorowsky tisse des liens entre sa réalité intérieure et le monde extérieur, pour mieux nous montrer que tout est connecté. Une énigme fascinante, qui m’a relancé dans une période mystique.

Le Pouvoir du moment présent, d’Eckhart Tolle
Si je m’assieds chaque jour pour écouter ma respiration pendant sept minutes, c’est grâce à ce livre.

Des Jeux et des hommes, d’Eric Berne
Un ouvrage de psychologie appliquée, qui m’a beaucoup aidé à prendre du recul par rapport aux interactions sociales. Si nous interagissons, c’est pour éviter de créer des tensions. Nous recourons à un répertoire de « jeux », qui suivent des scénarios bien délimités. Le livre d’entrée à l’analyse transactionnelle.

La méthode Tools, de Phil Stutz et Barry Michels
Depuis cette lecture, je ne procrastine plus, je ne crains plus, et j’aime davantage. Attention, c’est un peu mystico-ésotérique, il faut le prendre avec des pincettes. Mais il y a des comportements psychologiques qu’on ne m’avait jamais aussi bien expliqués.

The War of Art, de Steven Pressfield
Une piqûre de rappel pour lutter contre la procrastination. Une réflexion intéressante sur le rôle de l’artiste, ses épreuves et les exigences qu’il doit se poser.

Making Ideas Happen, de Scott Belsky
Que tous ceux qui ont perdu une heure de leur vie dans une séance improductive, un comité mou-du-genou ou une collaboration infructueuse se précipitent sur ce livre. L’ouvrage distingue les rôles de producteurs exécutifs (Steve Jobs) et de producteur d’idées (Steve Wosniak), une belle métaphore aux deux rôles nécessaires à la réalisation de projets.

The Creative Habit, de Twyla Tharp
Depuis que j’ai lu ce bouquin, j’écris un haïku par jour.tharp-creative-habit

L’Art Invisible, de Scott McCloud
Dernière lecture en date (fini hier soir): une analyse limpide et révolutionnaire (pour moi!) de l’art de la bande dessinée. En tirant de nombreux parallèles avec d’autres arts, McCloud ouvre des possibilités très intéressantes pour casser les codes de création et de rapport au spectateur (lecteur).

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La nonchalance et la réaction dynamique

Après de longs mois d’entraînements acharnés, d’exercices de drill, vos élèves parviennent enfin à maîtriser ce Graal de l’improvisation, cette toison d’or que constitue le « Oui, et… ». Combien de nuits à potasser les livres, à se refaire les exercices dans la tête, pour que le résultat arrive enfin, se décante dans leurs sourires innocents: ils sont là, vos élèves, ils se marrent, ils acceptent la réalité de l’autre, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Et ensuite, ils ne réagissent plus.

Exemple-type:

– Mon cher Søren, je vais devoir me passer de vos services. Je vous licencie de ce laboratoire.
– Ah bon.
(Rires divers dans la salle. Un frisson de mort parcourt l’échine du maître, qui sait que la scène vient de mourir dans un râle silencieux.)

C’est ce que j’appelle l’under-tilt, l’apathie anti-dramaturgique, le manque de coeur, la perte du sens du jeu: ce réflexe post-pubère qui fige les improvisateurs débutants (souvent adolescents, les pôôôôvres) dans des postures de nonchalants éternels, insensibles aux appels du pied de leur partenaire. Ça fait souvent rire le public, d’ailleurs, mais ça tue la scène, en la privant d’un véritable conflit, d’une nécessaire tension. Certains improvisateurs en usent et en abusent, parce que ça permet de rester léger, de ne pas trop s’impliquer dans le drame.

Mais il y a quelques élèves qui s’y fourvoient par bon sens, qui croient respecter les règles, qui s’adonnent à la nonchalance par excès de confiance.

Et c’est ma foi normal.

Oui, parce que je leur serine à court d’année qu’il faut accepter la réalité de l’autre comme si c’était la vôtre, qu’il faut être en confiance et commencer une impro sans trop de soucier de savoir comment le conflit naîtra. Alors eux, ces benêts (respectant la loi de l’effet pendule en didactique), se mettent à tout accepter comme du pain bénit, comme si c’était normal.

Donc. Il s’agit de ne pas confondre:

– la réaction de surprise de l’improvisateur débutant, souvent transformée en refus de jeu ou en annulation d’élément dramaturgique;
ET
– la réaction du personnage face à une information absurde, choquante, émotionnelle, provocante, qui permet de dynamiser la scène.

La première est à bannir, la deuxième est à souhaiter.

Bonsoir.

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Exercice: Cocktail Party

Un exercice d’impro très classique, mais qui mérite de faire partie des « gammes » à pratiquer de temps en temps, pour rester affûté:

  • Formez 4 groupes de deux à trois personnes, répartissez-vous sur l’espace scénique.
  • Vous êtes tous à un cocktail: un apéritif de mariage, une soirée d’entreprise… Jouez-le! Vous avez un verre à la main, une cigarette, etc. Trouvez votre sujet de conversation.
  • À mon signal, les groupes vont progressivement continuer à s’impliquer dans leur conversation, mais en silence. Il ne restera qu’un seul groupe qu’on entend discuter. Les autres font juste semblant de parler.
  • Tout à coup, le groupe qui parlait va s’interrompre, et c’est un autre groupe qu’on va recommencer à entendre – comme si on avait coupé le son pendant un instant de la discussion; on peut donc partir du principe qu’il y a eu une ellipse dans la discussion.
  • Et ainsi de suite, jusqu’à ce que les groupes aient de nouveau eu l’occasion de parler. Alternez plusieurs fois.
  • Au fur et à mesure de ce va-et-vient (Give & Take), une thématique commune doit se dessiner. Ne « forcez » pas une thématique, laissez-là émerger.

Cet exercice est souvent utilisé comme une introduction au Harold: comment faire des connections thématiques, comment gérer des transitions fluides entre des focus scéniques, etc.

Pour moi, c’est un exercice d’écoute inestimable, parce qu’il travaille sur trois niveaux d’écoute différents:

  1. J’écoute mon partenaire pour pouvoir intervenir sur la conversation en cours (écoute locale).
  2. J’écoute tous les improvisateurs en jeu (les autres groupes), pour interrompre et me laisser interrompre au bon moment (écoute globale).
  3. Enfin, j’écoute avec attention le contenu thématique développé par tous les groupes, pour en dégager des leitmotivs (écoute thématique).

À pratiquer sans modération, matin, midi et soir.

 

 

 

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Choisir, c’est renoncer

Je vieillis.

Je vois mes jeunes élèves-improvisateurs répondre mollement à mes courriels qui leur proposent des engagements. Ils n’agendent pas systématiquement, ils se trompent de dates; il y a ceux qui se désistent. Moi je fais mon intéressant, je les traite de « génération Y », tout en sachant que ça implique que je me traite comme un vieillard cacochyme, gardien d’une tradition de l’agenda-papier, des rendez-vous notés au stylo et d’une loyauté à l’engagement qui ferait pâlir un samouraï du XVe siècle. samourai

Que ce soit pour une fête du vendredi soir ou un spectacle pro, que ce soit pour un rendez-vous galant ou une partie de WoW, j’estime que les engagements pris sont des choix définitifs. Je déteste travailler avec des gens qui me répondent que « oui, ils passeront à la fête, sans doute, en soirée, oui, on essaiera, c’est où, déjà? ». Ou les gens qui répondent à un doodle en m’envoyant un courriel explicatif que « je n’ai pas encore toutes mes dates, je ne sais pas encore quand je vais partir en vacances, etc. ».

S’il vous plait.

Engagez-vous. Ou pas. C’est aussi simple que cela.

Bien sûr, tout est lié. Ceux qui ne s’engagent pas dans la vie réelle ne s’engageront pas sur scène. Accumulant les offres aveugles pour « laisser le choix », ils joueront des scènes floues, remplies de questions (implicites ou explicites), s’effilochant dans des semi-absurdités qui laisseront les spectateurs pantois. (« Il n’est pas encore là. Il devait venir pour… le truc. Il a laissé ça, là. Tu crois que c’est pour nous? ») (bâillement).

Pourtant, sur une scène d’improvisation, les idées coulent. Il suffit de faire les choix, d’éliminer le superflu, de préciser les intentions. C’est l’approche déductive à l’improvisation (par rapport à une approche inductive qui chercherait à « apporter du contenu »). Personne ne peut choisir pour votre personnage!

Finalement, il y a quelque chose de profondément egoïste dans le fait de ne pas s’engager: c’est dire au partenaire « choisis pour moi, fais cet effort ». C’est de la paresse intellectuelle (et pire: artistique), c’est ne pas avoir compris la nature radicalement généreuse du créateur: celui qui fait l’effort de proposer quelque chose de précis au monde.

Je vieillis, et me sens d’une génération qui donne beaucoup à des jeunes qui ne savent pas recevoir.

(c’est juste une posture)

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Rentrée

J’entame ma dixième rentrée d’entraîneur d’improvisation théâtrale. C’est beaucoup et c’est peu.

C’est beaucoup, parce que j’ai eu la chance d’expérimenter mille exercices, mille remarques, mille « théories globales » sur l’art de l’improvisation théâtrale. C’est peu, parce que je sais maintenant qu’un exercice qui « marche » avec un élève peut très bien « ne pas marcher » avec un autre. C’est ce qu’on appelle la pédagogie différenciée, et c’est très bien parce que ça rend ma dixième rentrée absolument passionnante.

J’aborde mes premiers cours avec philosophie. « Bonjour, vous allez apprendre à faire du théâtre, à raconter des histoires, à émouvoir. En plus (et ce sont des sous-produits), vous allez rire, développer votre confiance en vous et faire rire vos camarades (et votre public). »

J’annonce que ma pédagogie sera tout d’abord structurante (des bases, des règles, des fondamentaux), puis déroutante en deuxième partie d’année. Les règles d’impro sont comme les petites roues de côté, sur un vélo d’enfant. Il faut savoir rouler sans, pour aller vraiment où l’on veut. En même temps, mes élèves seraient perdus si je faisais l’impasse sur cette phase. Pour déconstruire, il faut avoir construit.

Je fais beaucoup d’exercices de lâcher-prise, de spontanéité; je dis à mes élèves que toutes les idées sont égales, qu’elles ne sont pas personnelles. Qu’il n’y a pas d’idée objectivement originale (tout a déjà été fait, mais par d’autres). Par corollaire, que toutes les idées subjectives sont originales (dis-moi ce que tu penses vraiment, ce que tu as vraiment dans le ventre, ton vécu; c’est toi qui m’intéresse). Plus tu me parles de toi, plus tu me parles de moi.

Je ris beaucoup avec les tout-petits. Cette gamine de dix ans, j’assiste à la première impro de sa vie. Elle joue une épicière, et au client qui lui demande si elle peut lui vendre 10 kilos d’huile, elle répond oui sans hésiter. Innocence de l’enfance!

J’essaie de parler moins. Je débriefe de plus en plus rarement. Je trouve ça très ennuyeux. Et de fait, si les exercices sont bien conçus, l’élève apprend suffisamment dans les interactions avec ses partenaires. Je ne veux pas le faire monter dans sa tête, le faire cérébraliser tout ça, en commençant à sur-analyser le moindre choix d’improvisateur.

J’ai bloqué pendant longtemps sur le fait de jouer moi-même certains exercices avec mes élèves. Je ne voulais pas les brimer, pas me poser en exemple. Je le fais de plus en plus, parce que je vois que ça leur fait gagner du temps. C’est la pédagogie explicite (à l’heure où les Vaudois ont refusé de revenir à une école qui glorifiait ce type d’approche).

Je viens de tomber sur le bouquin d’Asaf Ronen (pourtant sorti en 2005), et j’apprends plein de choses. C’est ce que je crois: si l’enseignant n’apprend pas autant que ses élèves, alors il enseigne un savoir mort.
Plus j’enseigne, plus j’apprends.

 

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Soyez professionnel: faites l’amateur

Si vous pratiquez un art public (théâtre, improvisation, danse, musique, peinture avec les pieds, etc.), vous avez probablement déjà douté de vos compétences. Un beau jour, vous avez profondément douté de votre art et de votre talent. C’est normal.

C’est parce que vous êtes un amateur.

Dans les métiers artistiques, il faut savoir que la dénomination de « professionnel » est relativement floue: c’est plus un statut autoproclamé qu’autre chose. Même si certains artistes on suivi une formation professionnelle, les autodidactes qui exercent le métier d’artiste à temps complet méritent aussi cette dénomination (hey, c’est mon cas!). Qu’est-ce que qui différencie réellement un amateur talentueux d’un bon professionnel? Qu’est-ce qu’on peut attendre d’un artiste professionnel? Pourquoi est-ce que je suis payé si grassement en tant que professionnel?

Constance dans le résultat

Le bon amateur a parfois des passages à vide.
Le professionnel est constant dans la qualité de ses prestations.

Autonomie

Le bon amateur est souvent encore en formation; il doit parfois recourir à un mentor.
Le professionnel a déjà les qualités requises, ou sait s’améliorer tout seul; il arrive également à porter un jugement critique sur son art, pour être toujours à la recherche de la plus grande qualité.

Réception des critiques

L’amateur à qui l’on fait une critique négative risque de tout remettre en question: est-ce qu’il est fait pour ce métier, est-ce qu’il est digne de vivre, va-t-il se jeter du haut d’un pont, etc.
Le professionnel, lui, arrive à prendre le recul nécessaire; il sait recevoir une critique pour qu’elle devienne un élément constructif.

Ponctualité

Le bon amateur est parfois en retard.
Le professionnel est souvent en retard, mais il s’en excuse à l’avance (par SMS, courriel, ou télégramme).

Méthodes de travail

Le bon amateur travaille à l’instinct; puisqu’il met toute sa passion et son talent au service de l’art, il manque parfois de systématique, et peine à identifier les difficultés qu’il rencontre (« je sais pas pourquoi, je n’y arrive pas »).
Le professionnel a des outils pour analyser sa pratique. Il connaît ses faiblesses (et ses forces) et aura plus de facilité à résoudre ses problèmes artistiques.

Mais ne l’oublions pas: ce que le public préfère voir sur scène, c’est le bon amateur. Un artiste qui fait quelque chose par passion est toujours plus émouvant que celui qui « fait son boulot ». Le professionnel – le VRAI professionnel – travaille donc sur scène comme s’il était un amateur: avec passion, talent et spontanéité.

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Sachez sortir

Mes élèves- improvisateurs ont parfois de la peine à gérer leur sortie de scène. On parle de « scène collante » lorsqu’un des personnage refuse de quitter la lumière des projecteurs. Il faut que je leur raconte cette jolie anecdote, trouvée à la page 82 de l’excellent « How to start your own improv comedy group » de Paul Johan Stokstad [ISBN: 1887472975]:

There is an improv legend, possibly apocryphal, that Elaine May used to participate in auditions for new Compass Players which consisted of having (male) prospects enter a bar scene in which their objective was to pick her up and get her to go home with them. Elaine’s response to any line by the rookie was « Let’s go to your place ». If the beginner shut up, took her arm and walked out, they passed that test. If they continued the scene without accepting that their objective was achieved, they’d flunk.

« En impro, il existe une légende – peut-être forgée de toutes pièces – qui concerne les auditions pour les nouveaux joueurs de l’équipe du « Compass ». Elaine May participait à ces auditions et demandait à des joueurs mâles de faire une scène dans un bar, dans lequel leur but ultime était de la raccompagner à la maison. Invariablement, Elaine répondait « Allons chez toi » à son partenaire. Si le candidat s’éxécutait en la prenant par le bras et sortait avec elle, il passait le test. S’il continuait la scène en ignorant le fait que son objectif était réalisé, le candidat échouait. »

Quand vous avez fini votre job, cassez-vous.

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Examens finaux

Un jeune moine voulait atteindre la sagesse.
Il se rendit donc au monastère de Zsouh, où enseignait le grand maître Bagha. Celui-ci le prit sous son enseignement pendant une année. Le jeune moine apprit l’art de la méditation, des mathématiques et du jardinage.
Au bout d’une année, le maître Bagha appela le jeune moine dans sa tente.

« Jeune moine, je t’ai convié sous ma tente pour que tu puisses prouver ta sagesse.

– Merci maître.

– Il n’y a pas de quoi. Avant de passer les épreuves, je vais te poser une question décisive.

– Je vous écoute, maître.

– Jeune moine, te sens-tu capable de réussir des épreuves de sagesse? »

Le jeune moine réfléchit un moment. Il avait beaucoup appris aux côtés du maître, et il pensait avoir fait des progrès adéquats. Il répondit donc:

« Oui, je me sens capable de réussir les épreuves, maître.

– Sors d’ici, prétentieux! Tu ne mérites pas que j’examine tes compétences! »

Très surpris, le jeune moine ressortit de la tente. Et pendant une année supplémentaire, il suivit l’enseignement du maître. Il apprit de nouveau l’art de la méditation, des mathématiques et du jardinage.
À la fin de l’année, Bagha fit revenir le jeune moine sous sa tente, pour à nouveau éprouver sa sagesse.

« Jeune moine, je t’ai à nouveau convié sous ma tente. Je te repose la même question: te sens-tu capable de réussir les épreuves de sagesse? »

Le moine avait réfléchi pendant toute l’année à cette question. Il trembla un peu, puis répondit:

« Non, maître. »

Bagha se mit à nouveau dans une colère noire:

« Sors d’ici, fainéant! As-tu donc paressé toute l’année pour n’avoir rien appris de plus? »

Le jeune moine était tout à fait interloqué. Il ne comprenait pas pourquoi sa réponse ne lui avait pas ouvert les portes des épreuves de sagesse. Mais il respectait son maître, et il travailla encore à son service pendant une année.
Le temps venu, le maître Bagha fit venir une troisième fois le jeune moine sous sa tente:

« Jeune moine, je t’ai enseigné l’art de la sagesse pendant trois bonnes années. J’aimerais à nouveau te soumettre aux épreuves, mais avant cela, je vais te poser la même question que les années précédentes. Tâche cette fois d’y répondre avec sagesse. Alors, te sens-tu capable de réussir les épreuves de sagesse? »

Le moine fit mine de réfléchir, mais il avait la réponse depuis deux jours:

« Maître, je ne sais pas. Je ne connais pas encore ces épreuves, mais je ferai de mon mieux. »

Son maître Bagha sourit et lui dit:

« Très bien, jeune moine. Tu as répondu judicieusement. Tu vois, la première année, tu étais plein de confiance, rempli d’égo: je devais te purger de ta vanité. La deuxième année, tu hésitais, tu doutais, tu n’avais plus de repères. Je devais te montrer le chemin. Par ta nouvelle réponse, tu viens de me prouver que tu as trouvé un équilibre entre doute et confiance. C’est ça, la sagesse.

– Merci, maître.

– Tu peux maintenant repartir chez toi, jeune moine, car je n’ai plus rien à t’apprendre. »

Et le jeune moine repartit chez lui. Plus sceptique, plus confiant, et plus sage.

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Enseignement

Ce que j’aimerais dire à leurs parents

Madame, Monsieur, Cher Parents,

Pour enseigner à votre gosse, j’ai besoin qu’il soit nourri et reposé. J’ai besoin qu’il soit calme, oxygéné; j’ai besoin qu’il se soit dépensé, épanoui dans son corps. Alors pourquoi le laissez-vous se vautrer devant la télé jusqu’à 11 heures du soir?

Pour éduquer votre gosse, j’ai besoin de lui poser des limites. Il doit connaître les concepts de discipline, d’empathie et de respect des autres; il doit faire la part des choses. Alors pourquoi le laissez-vous quitter la table sans finir son assiette?

Pour éduquer votre gosse, j’ai besoin de votre aide. J’ai besoin que vous soyez de mon côté. Nous devons aller dans la même direction, donner des signaux clairs à votre enfant. Alors pourquoi me collez-vous un procès pour la punition de mardi dernier?

Pour enseigner à votre gosse, j’ai besoin qu’il écoute. J’ai besoin qu’il sache que la parole de l’autre est sacrée; que nous avons deux oreilles, et une seule bouche. Alors pourquoi me coupez-vous tout le temps?

Chers Parents, vous devez me faire confiance. Je suis payé pour préparer votre enfant à se débrouiller dans la vie. Enseigner et éduquer, c’est mon job.

J’ai besoin que vous fassiez le vôtre.

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