En 1827, Eugène Delacroix termine un grand tableau: quatre mètres sur cinq, le bougre. Il a choisi le sujet de « La Mort de Sardanapale« , probablement inspiré par un poème de Byron, qui présente le suicide du roi babylonien Sardanapale en compagnie de toute sa suite. D’après la légende, le souverain est épuisé par le siège de sa ville; pour ne rien laisser à ces chiens d’envahisseurs, il allume un gigantesque incendie dans la cité, réunit ses esclaves, ses favorites, puis déclenche un sanglant suicide collectif dans son palais.
Delacroix jette un drame sur la toile. Me voilà ému.
Il y a moins d’une semaine, on pendait un dictateur. Incrédule, les internautes assistent à l’exécution d’un despote qui a laissé son pays à feu et à sang. Nous décryptons de misérables images prise sur un natel insignifiant, par une micro-caméra méprisable. Vidéo-vérité ou canular hollywoodien?
Plutôt qu’un beau tableau, on nous montre une bande d’encagoulés dans une cave, qui parlent une langue incompréhensible (où sont passés les sous-titrages?). L’éclairage est mal agencé, l’image tremble; le jeu des acteurs reste minimaliste, sans profondeur. Seul le rôle principal se dégage un peu du lot, un vieux moustachu qui réprime à peine son émotion. Encore que, pour un comédien rompu à l’art du mensonge, on pourrait attendre une performance plus flamboyante: que fait le metteur en scène? Donnez-nous du drame, donnez-nous du pathos, donnez-nous Shakespeare, Brecht et les autres, donnez-nous Eugène Delacroix!
Bref, tous les pixels du monde n’arriveront jamais à la cheville d’un peintre romantique.
Enfin! Enfin quelqu’un qui arrive à mettre des mots sur ce que je m’époumonne à dire aux étudiants des classes d’Infographie… Rien à faire, ils ne jurent que par leurs petits carrés de couleurs primaires (déformées soit dit en passant). Pourtant, il suffirait qu’ils aient un cours d’histoire de l’art pareil au nôtre, ou qu’ils viennent séjourner l’air de rien dans notre atelier lorsque nous sommes en pleine création, et ils comprendraient vite que nous, étudiants en Art de l’Image, nous ressentons autre chose que la fatigue de nos yeux après 5 heures de production, nos doigts n’attrapent pas de crampes à force de « clic-clic-clic », mais bien une multitudes de taches colorées à force de « sclatsh! »,…
L’émotion que dégagent certains tableaux ne sera JAMAIS égalée par quelque technologie que ce soit.
Julie, 17 ans, étudiante en art à St-Luc BXL.
P.S.: Très chouette site!! Mes amitiés au chat jaune ^^