Improvisation et créativité

Contraintes et créativité

Réunions de famille. Repas gargantuesques. Discussions à bâtons rompus.

Cette année, j’ai remarqué que la majeure partie des débats concernaient le repas lui-même. C’est bête, mais lorsqu’on mange, on tend à parler de nourriture. Une façon comme une autre de s’ouvrir l’appétit. Hier, on a parlé de la cuisine végétarienne de ma soeur et des allergies alimentaires de mon petit cousin. Le constat était que ce genre de choix (végétarien) ou de handicap (allergie) vous pousse à devenir créatif en cuisine.

Réflexion universelle: les contraintes vous poussent à la créativité. Les obstacles vous obligent à vous surpasser. Les difficultés réveillent le génie qui est en vous.

Le cuisinier en plein coup de feu qui se trouve en rupture de stock, le pianiste qui découvre en plein concert que son do# ne répond plus, le comédien qui doit improviser sur un thème donné en alexandrins: tous sont stimulés artistiquement par les contraintes de l’environnement. L’idée est joliment formulée par Stephen Nachmanovitch dans son magistral essai « Free play, Improvisation in Life and Art » (New York, Penguin, 1990, pp. 80-81):

Necessity forces us to improvise with the material at hand, calling up resourcefulness and inventiveness that might not be possible to someone who can purchase ready-made solutions.
Artists often, if not always, find themselves working with tricky tools and intractable materials, with their inherent quirks, resistances, inertias, irritations. Sometimes we damn the limits, but without them art is not possible. They provide us with something to work with and against.

« Un manque nous force à improviser avec le matériel à disposition, suscitant chez nous des ressources et des trésors d’inventivité qui ne seraient peut-être pas apparus à quelqu’un qui aurait pu s’offrir des solutions toutes faites.
Les artistes se retrouvent souvent – voire même toujours – à travailler avec des mauvais outils et un matériau difficile qui possède ses propres soubresauts, ses résistances, son inertie particulière ou ses phénomènes de rejet. Nous blâmons souvent ces limites, mais l’art ne serait pas possible sans elles. Elles nous fournissent quelque chose avec et contre quoi travailler. » (ma traduction)

Ce constat me rapproche terriblement de l’optique « zen »: en sachant que les obstacles vont me permettre de me surpasser, j’appréhende les problèmes de la vie comme des défis constructifs, stimulant mon développement personnel. Quand je me casse une jambe, c’est pour mieux muscler mes bras; quand je me prends un râteau sentimental, c’est pour mieux réfléchir à la notion d’amour; quand je perds un proche, c’est pour mieux comprendre mes émotions.

Bon, en même temps, je me suis jamais cassé une jambe, alors c’est facile à dire.

Par défaut

2 réflexions sur “Contraintes et créativité

  1. finpoil dit :

    In truth the prison, into which we doom
    Ourselves, no prison is.

    (Wordsworth, sonnet: « Nuns fret not at their convent’s narrow room. »)

    /librement traduit/
    La prison à laquelle nous nous condamnons
    nous-mêmes, n’est jamais réellement prison.

    (du poète anglais William Wordsworth (1770-1850) et son sonnet: « Les nonnes ne se tracassent pas de l’étroitesse de leur cellule »)

Laisser un commentaire