Les salauds. Me faire ça à moi. Ils croient que j’ai pas vu leur caméra. M’en fous. Je vais rester digne, rien que pour les emmerder. Jusqu’à la fin, je vais porter mon humanité sur le dos, pour leur prouver que ma mort n’arrangera rien. Jouer les martyrs. Juste pour leur faire chier. Quand on verra mes derniers moments sur YouTube, on sera pris d’un méchant malaise; on pourra dire: c’est quand même un homme, après tout.
Qu’est-ce qu’il me veut, l’encagoulé? Il me donne des conseils? Il veut m’apprendre à pendre un mec, il croit que j’ai jamais vu ça? Un bandeau sur les yeux? Pourquoi pas sur la bouche, pendant que t’y es. Tu parles. J’ai préparé mes derniers mots, tu me prendras pas le droit de dire mes dernières paroles. Une fois mort, j’aurai prononcé ces mots pour l’éternité. Ces mots auront raison.
D’ailleurs, je me rends compte que j’ai un avantage décisif sur le mec qui meurt par surprise, dans son lit. J’ai pu préparer ma mise à mort. J’ai pu la visualiser pendant la nuit. J’ai mal dormi quand même. J’ai imaginé mes derniers pas, j’ai répété mes derniers gestes. C’est bien qu’il y ait la télé, j’aurai pas tout chorégraphié en vain.
Merde. Ils me passent la corde autour du cou. C’est rêche, putain, une corde.
Qu’est-ce que ça va changer, de toute façon? Plus ça change, plus c’est la même chose. Un autre dictateur me remplacera. Un gouvernement en assassinera un autre, quel progrès! Connards d’Américains. Vous brûlerez dans les flammes de l’enfer, avec votre arrogance capitaliste. On vous pendra bien un jour.
Ça y est. Ils m’amènent au-dessus de la trappe. Cette planche va me lâcher dans l’abîme, me vomir dans la mort. Le dernier rectum avant l’éternité.
Je me demande si je vais bander. Il paraît que les pendus ont une érection; certains jouissent même. Ça serait le comble ça, que je jouisse pendant ma propre exécution. C’est bien un truc que les caméras du monde ne me prendront pas, ça.
Je trouve cette condamnation aberrante… L’impartialité du tribunal inexistante. Le sort de Saddam Hussein était à mes yeux une affaire internationale. Et à côté de ça, des Pinochet et des Klaus Barbie crèvent tranquillement car protégés par les Américains…
Et le coup de la caméra cachée… A gerber…