Que ce soit avec des jeunes improvisateurs lors d’une journée d’initiation, ou avec des adultes en cours annuels, je remarque toujours les mêmes patterns de maladresses pour les débuts d’improvisations « à froid », c’est à dire sans injonction de thème, ou sans préciser le Qui-Quoi-Où:
1. Scènes de présentation
Symptôme: ce sont les fameux dialogues creux, les « – Bonjour, ça va? – Oui, ça va et toi? », qui ne donnent aucune information pertinente; ce peut-être aussi les débuts très lents, avec une observation qui résulte plus de l’interrogation du comédien que celle du personnage (« – Qu’est-ce que tu fais? »).
Cause: les comédiens découvrent le début d’impro comme une scène nue, et leur partenaire est pour eux un inconnu.
Une autre manière de concevoir le début d’impro: pour être le plus tôt possible dynamique, une scène d’impro doit commencer au plus près du drame et des circonstances nécessaires pour le comprendre. Il nous faut donc beaucoup d’informations pertinentes en début de scène, pour étoffer la plateforme de la scène. Il faut partir du principe que la scène a « déjà commencé », et que les comédiens doivent continuer « ce qui est déjà en cours ».
Le gadget pour lutter contre: la première réplique commence par un « – Et… » ou un « – Alors… »; cela nous donne l’illusion que la scène commence en pleine conversation. Dans le même ordre d’idée, on peut d’emblée tutoyer et nommer le personnage de son partenaire.
2. Le conflit immédiat
Symptôme: dès le départ, les personnages se disputent, débattent ou s’affrontent (ou pire encore, ne s’accordent pas sur la réalité d’un élément de la scène).
Cause: les improvisateurs voient leur partenaire comme un adversaire de leur créativité, ou pensent que le conflit engendrera forcément du drame et de l’action.
Une autre manière de concevoir le début d’impro: même si le conflit est au centre de l’action théâtrale, il est plus prudent de poser suffisamment d’éléments solides (relation-activité-environnement) avant de le déclencher, pour utiliser le contexte comme un levier. Si le conflit devient l’essence de la scène, alors il doit pouvoir compter sur un terreau fertile d’arguments, pour monter en tension jusqu’à éclater; on veut éviter les feux de paille.
Le gadget pour lutter contre: forcer son personnage à faire des premiers choix positifs.
3. La vérité est ailleurs
Symptôme: très rapidement, les personnages abandonnent leur action en cours, changent de lieu pour « faire quelque chose » ou s’ennuient sur place en regrettant de ne pas être ailleurs, ou à un autre moment de l’histoire.
Cause: les comédiens ont peur du vide du moment présent, et cherchent à fuir dans une autre action ou dans un autre espace-temps.
Une autre manière de concevoir le début d’impro: tout ce dont vous avez besoin pour construire la scène est déjà là, dans les yeux de votre partenaire ou sur scène. Intensifiez le point de concentration de votre personnage. Creusez la première idée.
Le gadget pour lutter contre: répétez la première réplique pour l’intensifier. Réagissez en silence. Suivez les réactions de votre corps.