Le troisième jour, Lyndsay crée l’intégration de compétences.
Cette journée fait la somme des enseignements passés en revue jusqu’ici, et approfondit avant tout le travail émotionnel réalisé sur les débuts de scènes. En plus, c’est l’occasion de débriefer le spectacle réalisé avec le Théâtre de l’Oignon la veille au soir.
« Même si le show était d’un très bon niveau, il y avait trop de temps morts et de scènes qui s’étiolaient, faute d’avoir été éditées à temps; il y avait des gens hors-scène qui auraient dû couper. » Le principe iO, c’est que tu n’édites jamais ta propre scène – c’est toujours quelqu’un d’hors-jeu qui va venir interrompre la scène en cours. Lyndsay nous montre le parallèle avec le jeu du Hot Spot, où les gens doivent intervenir avant qu’il ne soit trop tard, avant que l’improvisateur sous les feux de la rampe ne soit inconfortable, c’est à dire avant que la scène ne faiblisse. Dans l’exercice, il y a le joker du « Joyeux Anniversaire »; en impro, il ne faut pas hésiter une seule seconde à venir interrompre une scène qui a besoin d’être éditée, même sans idée de relance (pour enchaîner, il suffit juste de se fier à l’instinct des partenaires).
On passe en revue les différentes possibilités d’éditions pour les scènes ou jeux organiques:
- L’édition fluide: le jeu évolue naturellement vers la scène, ou la scène débouche sur une nouvelle scène, par ellipse;
- L’édition titrée: c’est une phrase ou une litanie qui vient « résumer » le jeu (ou la scène);
- L’édition par balayage: un comédien (au moins) part des coulisses et traverse l’espace scénique au premier plan;
On travaille également sur la valeur ajoutée de l’environnement (les lieux). Lyndsay ne tarit pas de compliments sur les comédiens européens, très habiles à établir et développer un environnement imaginaire par le mime. On travaille avec des exercices de moments privés (un solo dans une pièce familière de notre appartement), puis avec des courtes scènes en duo: c’est la cuisine de A, qui a invité B; il faut interagir émotionnellement, sans pour autant « lâcher » le travail sur l’environnement (« Votre conversation continue à travers votre jus d’orange »). En effet, le lieu peut à tout moment libérer son potentiel comique (des cookies au chocolat dans chaque étagère, des plats ultra-fragiles dans toutes les armoires… il s’agit encore et toujours de pousser une idée jusqu’à l’absurde).
En guise de conclusion, Lyndsay nous dresse un inventaire des ancrages possibles pour les personnages:
- Jouez-vous, vous-même.
- Partez d’une émotion.
- Prenez en compte votre environnement immédiat.
- Placez votre attention dans votre colonne vertébrale.
Avec ce genre de rappel, on pratique des scènes silencieuses, très réussies, sur cette structure simple: évoluer 45 secondes dans un lieu imposé, à quelques pas du partenaire, mais tout d’abord concentré sur soi-même; il s’agit de se donner du matériel à soi-même, plutôt que de « rejoindre » trop vite le partenaire dans son énergie et son idée; ce n’est donc que dans un deuxième temps que la connexion doit s’établir, et l’interaction prendre naissance; enfin, on finit par trouver le game pour pousser la scène à son climax et… shoot the grandma!
Trois journées riches d’enseignement, où j’ai beaucoup revu mon opinion du format court (…ou de ce que les Américains appellent le longform!), et où j’ai reçu une bonne piqûre de rappel par rapport à l’approche des débuts de scènes et aux ancrages émotionnels. Et puis, bien sûr, il y a eu cette fraîcheur et cette générosité d’une formatrice très compétente, Lyndsay Hailey, dont je vous encourage à suivre le parcours; j’aimerais encore remercier le Théâtre de l’Oignon et Stefan Pagels Andersen pour la mise sur pied de cet atelier spécial, sans oublier les participants, tous très bienveillants dès la première minute.
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